Longtemps cantonnée à l’ombre des grandes cuisines méditerranéennes, la gastronomie portugaise s’affirme aujourd’hui comme une richesse à part entière dans le paysage culinaire francilien. Des cantines ouvrières de la banlieue nord aux bistrots réinventés de l’Est parisien, elle raconte une histoire d’exil, de transmission, mais aussi d’évolution. En s’installant durablement dans les assiettes des Parisiens, la cuisine lusitanienne fait bien plus que nourrir : elle tisse du lien, convoque la mémoire, et invente de nouveaux horizons. Dans le sillage d’une génération de chefs passionnés, l’Alentejo, l’Algarve ou le Minho s’invitent à table, parfois bruts, souvent retravaillés, toujours sincères.
Une tradition communautaire bien ancrée
Dans les années 1960 et 1970, des dizaines de milliers de Portugais s’installent en région parisienne. Loin de leurs terres natales, ils fondent des lieux de ralliement autour de la table : les premiers restaurants portugais. Ici, la cuisine est rustique, copieuse, faite pour soutenir les corps fatigués par le bâtiment ou les longues journées de taxi. Ces tables populaires répondent à une exigence simple : nourrir à petit prix, sans renier les saveurs de l’enfance.
Des adresses comme La Belote (Paris 17e) 1 ou Euro (Montreuil) 2 incarnent cet héritage. Le chouriço y fume dans les soupes, la morue s’effiloche dans des bacalhau à Brás onctueux et les alheiras, dorées à point, s’invitent en plat du jour rappellant les origines rurales de cette cuisine généreuse. On y parle portugais, souvent fort, toujours solidaire. Le décor ? Des banquettes simples, des télévisions allumées sur la RTP, et une ambiance chaleureuse où l’on vient autant pour manger que pour se sentir chez soi. Si ce tableau fleure bon les clichés — entre chouriço, télévision portugaise et plats roboratifs — il ne saurait résumer à lui seul la richesse et la modernité de la cuisine lusitanienne et de ces restaurants de la capitale.
La banlieue n’est pas en reste. À Limeil-Brévannes (94), La Montagne 3 attire les foules autour de grillades monumentales, dans un immense hall où fado et viandes maturées se rencontrent. Plus au nord, les épiceries portugaises comme Primland 4, à Romainville (93), alimentent ces tablées avec charcuteries, bacalhau, vin vert et douceurs typiques.
Nouvelle génération, nouvelle ambition

Le renouveau créatif de la cuisine lusitanienne
Depuis quelques années, une nouvelle vague de cuisiniers redonne à la cuisine portugaise ses lettres de noblesse. Ils osent le raffinement sans trahir la tradition. À Montgeron (91), Péninsule 5 propose ainsi un arroz marisco inspiré et équilibré, où chaque coquillage raconte une mémoire familiale et un savoir-faire modernisé. Le chef Maxime Soares y réinvente la feijoada ou les moelas avec une sensibilité méditerranéenne et un soin du détail emprunté à la haute gastronomie.
Rue Lamarck, à Paris 18ème, Sapinho 6 ne craint pas de revisiter les plats de ferme avec une touche contemporaine. Gésiers confits, torresmos soufflés, chouriço flambé : tout est revisitant, y compris une feijoada végétarienne aux champignons nobles. Le restaurant se distingue aussi par sa carte des vins portugais, où se croisent vignerons bio et cuvées naturelles.
Entre grillades et fruits de mer : les icônes populaires
La rôtisserie reste une religion dans de nombreuses adresses, comme Churrasqueira Galo 7 dans le 9ème, ou la chaîne Nossa 8 présente dans le 11ème arrondissement. Le frango assado (poulet grillé) y est une affaire de marinade – vin blanc, paprika, ail, huile d’olive – et de cuisson en crapaudine. Chez Pedra Alta 9, c’est l’abondance qui fait foi : immenses plateaux de fruits de mer, montagnes de pommes paille, et une ambiance conviviale. Une adresse qui séduit les amateurs de générosité, même si certains visiteurs lui reprochent un service inégal ou une approche un peu trop industrielle.
Mais c’est aussi à Saudade 10, table historique du 1er arrondissement, que l’on goûte une véritable cataplana au chouriço et aux coques, servie sous azulejos par les mêmes patrons depuis 45 ans. Une cuisine mémorielle, précise, indémodable.
Une cuisine entre racines et avenir
Dans Paris et sa région, la cuisine portugaise se conjugue au passé et au futur. Elle porte la mémoire d’une immigration modeste, mais aussi les aspirations d’une génération de chefs qui veulent transmettre et innover. Du populaire au gastronomique, de la soupe au chou à la morue au four revisitée, des banlieues ouvrières à la bistronomie chic, manger portugais à Paris n’a jamais été aussi foisonnant. Et délicieux.
- La Belote : 58 Rue de Saussure, 75017 Paris – https://www.facebook.com/labeloteparis/ ↩︎
- EURO : 95 Rue Robespierre, 93100 Montreuil ↩︎
- Restaurant La Montagne : Voie Georges Pompidou N19, 94450 Limeil-Brévannes – https://www.restaurant-lamontagne.com/ ↩︎
- Primland : 96 Bd Edouard Branly, 93230 Romainville – https://primlandromainville.fr/ ↩︎
- Péninsule : 20 Rue de Mainville, 91230 Montgeron – https://www.facebook.com/p/P%C3%A9ninsule-61556573263181/ ↩︎
- Sapinho : 85 Rue Lamarck, 75018 Paris – https://www.sapinho.fr/ ↩︎
- Churrasqueira Galo : 69 Rue de Dunkerque, 75009 Paris – 01 48 74 49 40 ↩︎
- Nossa : 147 Boulevard de Charonne, 75011 Paris – https://nossa-paris.com/fr ↩︎
- Pedra Alta : 25 Rue Marbeuf, 75008 Paris (aussi à Ivry, Bercy, Aubervilliers, Boulogne …)- https://www.pedraalta.pt/fr/home
Notez que de nombreuses personnes ont tenu à relativiser la qualité du service de Pedra Alta et que les notes des visiteurs sur Internet sont clairement en baisse (tripadvisor) ↩︎ - Saudade : 34 Rue des Bourdonnais, 75001 Paris – https://www.restaurantsaudade.fr/ ↩︎
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