Lorsque l’on s’attable dans un restaurant au Portugal, une scène intrigante se répète inlassablement. À peine installé, avant même d’avoir jeté un œil au menu, le serveur dépose sur la table une assiette d’olives charnues, du pain croustillant accompagné de beurre, parfois même un fromage crémeux ou un petit plat de charcuterie. Un accueil appétissant qui pourrait passer pour une délicate attention… jusqu’au moment de l’addition. Car ces amuse-bouches, appelés « couverts » (couvertos), sont souvent facturés, parfois à un tarif bien plus élevé que ce que l’on imagine.
Entre tradition culinaire et pratique commerciale controversée, cette habitude fait débat. Certains y voient une manière de valoriser la gastronomie locale, tandis que d’autres dénoncent une forme de vente forcée. Décryptage d’un rituel qui continue d’étonner et parfois d’irriter les visiteurs.
Une tradition profondément ancrée dans la culture portugaise
L’origine du « couvert » remonte à une époque où les restaurants portugais, soucieux de bien accueillir leurs clients, déposaient systématiquement de petites bouchées sur les tables. Dans un pays où l’hospitalité est une valeur cardinale, ce geste semblait tout à fait naturel.

Mais au fil du temps, la pratique a évolué. Dans certains établissements, ce qui était perçu comme une marque de générosité s’est transformé en stratégie commerciale. Les couverts sont devenus des « extras » payants, bien souvent imposés aux clients sans qu’ils n’en aient fait la demande.
Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un voyageur, pensant que ces amuse-gueules sont offerts, découvre en fin de repas une note salée : entre 2 et 12 euros par personne selon les établissements. Et dans certains cas, même si les assiettes restent intactes, elles peuvent quand même être ajoutées à l’addition.
Une facturation parfois abusive
Le problème majeur du « couvert » n’est pas tant son existence que son absence de transparence.
Il arrive ainsi que, pour une simple bouchée de fromage ou quelques olives picorées, l’addition soit majorée de plusieurs euros. Un détail qui, multiplié sur l’ensemble des repas d’un séjour, peut vite peser sur le budget des voyageurs.
Que dit la loi portugaise ?

Face aux nombreuses plaintes des consommateurs, les autorités portugaises ont fini par réagir. Selon la législation en vigueur :
En théorie, un client peut donc consommer gratuitement les couverts qui lui ont été imposés, sans obligation de paiement. Dans la pratique, peu de touristes osent contester l’addition, par méconnaissance de la loi ou pour éviter un conflit.
Faut-il accepter ou refuser le couvert ?
Si l’on veut éviter toute surprise, plusieurs options s’offrent aux visiteurs :
Peut-on manger le couvert gratuitement au Portugal ?

Si la pratique du couvert est parfois perçue comme une tentative de vente forcée, la loi portugaise est sans équivoque : tout aliment non expressément commandé par le client doit être considéré comme offert.
En d’autres termes, si un restaurateur dépose des amuse-gueules sur la table sans demander l’avis du client, celui-ci peut tout à fait les consommer sans avoir à les payer.
Que dit la loi exactement ?
L’article 135 du décret-loi n° 10/2015 1 précise que :
- Un produit ou un service non sollicité ne peut être facturé.
- Le client n’a aucune obligation de paiement pour un couvert qu’il n’a pas expressément demandé.
- Même si ces aliments ont été consommés, ils restent considérés comme une offre du restaurant.
L’article 11 du décret-loi n° 138/90 2 précise que :
- l’absence de détail des prix des « amuse-gueules » sur la note constitue une infraction pouvant entraîner une amende
Ainsi, si le couvert a été imposé et non demandé, le client peut tout à fait déguster olives, pain et fromages sans crainte d’une facturation légitime.
Comment réagir si le couvert est facturé ?
Si l’addition inclut des amuse-gueules que vous n’avez pas demandés :
Dans la majorité des cas, les restaurateurs connaissent la loi et rectifieront l’addition sans difficulté. Mais en cas d’abus, ne laissez pas passer cette pratique illégale !
Ainsi, si l’on souhaite jouer la carte de la législation, il est tout à fait possible de manger le couvert gratuitement, dès lors qu’il a été imposé. Une manière astucieuse d’apprécier quelques spécialités locales… sans frais !
Le couvert : escroquerie ou art de vivre ?
Malgré les critiques, il faut reconnaître que la tradition du couvert fait aussi partie du charme de la gastronomie portugaise. Dans de nombreux restaurants, ces amuse-gueules sont une véritable invitation à la découverte :
🥖 Pain traditionnel aux céréales anciennes,
🫒 Olives marinées aux herbes de l’Alentejo,
🧀 Fromages affinés du nord du pays,
🐟 Pâté de sardine ou de morue, emblématique de la cuisine locale.
Ainsi, plutôt que de voir le couvert comme une arnaque, mieux vaut le considérer comme une option à part entière. Le tout est d’être bien informé et de savoir où l’on met sa serviette… et son porte-monnaie !
En conclusion : un rituel qui perdure, à consommer avec modération
Si les abus autour du couvert ont nettement diminué ces dernières années, cette pratique persiste dans certains établissements. Une vigilance minimale permet d’en profiter sereinement sans mauvaises surprises.
Au final, tout est une question de choix : accepter le couvert pour savourer quelques spécialités locales ou le refuser et se concentrer sur le repas principal.
Dans tous les cas, une chose est sûre : au Portugal, la cuisine est une véritable invitation au voyage, et chaque repas une expérience à part entière.
- Décret-loi n° 10/2015 du 16 janvier 2015 : https://diariodarepublica.pt/dr/detalhe/decreto-lei/10-2015-66229856 (voir article 135) ↩︎
- Décret-loi n.º 138/90 du 26 avril 1990 : https://diariodarepublica.pt/dr/detalhe/decreto-lei/138-1990-332222
L’absence d’indication du prix de vente ou du prix par unité de mesure, lorsque la loi l’exige, constitue une infraction administrative, passible de sanctions conformément à l’article 64.º du Décret-loi n.º 28/84 du 20 janvier. ↩︎
- APDC (Association Portugaise du Droit à la Consommation) : https://apdireitodoconsumo.pt/