Train à grande vitesse et TAP : les chantiers prioritaires au Portugal

Relancer le ferroviaire, accélérer la grande vitesse, achever les projets en retard, privatiser TAP et préparer le futur aéroport de Lisbonne : le nouveau gouvernement portugais, à peine nommé, affiche une feuille de route ambitieuse. Lors du Portugal Railway Summit (21 mai 2025), le ministre des Infrastructures Miguel Pinto Luz a martelé une promesse : « désormais, pas de délais ». Une déclaration qui tente de tourner la page des retards chroniques accumulés dans le secteur.

À l’heure où le pays cherche à moderniser ses infrastructures et renforcer sa compétitivité, le rail revient au centre des politiques publiques. Et avec lui, la volonté de rapprocher Lisbonne, Porto, Madrid, mais aussi Évora, Elvas, Huelva ou Salamanca par des lignes à grande vitesse, tout en intégrant les ports et les hubs logistiques à un réseau plus cohérent.

Rattraper les retards, structurer l’avenir

Devant les professionnels réunis au Musée ferroviaire national, le ministre n’a pas mâché ses mots : « Nous devons terminer Ferrovia 2020 et respecter les délais ». Initié il y a plus de dix ans, ce programme d’investissements a connu de nombreux ralentissements. La promesse gouvernementale est désormais claire : relancer les chantiers gelés, notamment ceux du Plan ferroviaire national (PFN), et entrer dans une nouvelle phase exécutive.

Plus de 300 000 usagers ont adopté le « pass ferroviaire vert« , preuve selon Pinto Luz que l’intérêt pour le rail croît, tout comme les recettes de la CP (Comboios de Portugal). « Nous ne sommes pas en train de décapitaliser CP, au contraire », a-t-il insisté, balayant les critiques sur le sous-financement de l’opérateur public. Pour le ministre, la tendance est à l’investissement structurant, pensé dans une logique à long terme.

Le PFN, validé en mars 2025 en Conseil des ministres, inclut des mesures pour lancer les études de faisabilité des futures lignes à grande vitesse, dans le nord comme dans le sud, et pour adapter l’ensemble du réseau à une nouvelle logique d’intermodalité logistique et durable.

Trois connexions transfrontalières dans le viseur

Un dialogue ferroviaire avec l’Espagne

Le ministre a confirmé que les liaisons transfrontalières feront partie des priorités du quinquennat. Trois projets de grande vitesse ont été explicitement évoqués : Porto–Bragança–Zamora, Aveiro–Salamanca et Faro–Huelva–Séville. Ces axes visent à désenclaver le nord-est, le centre et le sud du pays, et à favoriser l’intégration de la péninsule ibérique dans le réseau européen à grande vitesse.

Des discussions sont en cours avec le gouvernement espagnol. Une coopération logistique et politique est jugée essentielle pour faire aboutir ces dossiers, souvent ralentis par des désaccords sur les tracés, les calendriers et les priorités nationales respectives. La volonté affichée de Lisbonne est d’aboutir à une planification partagée à l’horizon 2030–2040.

Marchandises et corridors internationaux

Outre les liaisons voyageurs, le fret constitue un autre pilier du programme ferroviaire. Pinto Luz a annoncé la finalisation d’ici la fin de l’année du « corridor sud international » sur le tronçon Évora–Elvas–Caia. Ce segment clé doit permettre la circulation de trains de 750 mètres de long, en réponse aux exigences du transport de marchandises moderne. Il servira également de base à l’infrastructure future de la grande vitesse voyageurs.

Objectif : connecter les ports portugais au continent, fluidifier les échanges transfrontaliers et réduire la dépendance au transport routier. Le développement du fret ferroviaire est ainsi présenté comme une stratégie climatique et logistique à part entière.

Cette approche s’inscrit dans un cadre plus large de transition énergétique et d’intégration économique régionale, au moment où les chaînes d’approvisionnement sont repensées à l’échelle européenne.

Un aéroport en débat, une métropole à relier

Autre grand chantier du gouvernement : le futur aéroport de Lisbonne. Encore incertain dans sa localisation et ses modalités, il devrait être accompagné d’un réseau dense d’infrastructures ferroviaires et routières. Sont évoqués : une troisième traversée du Tage, le prolongement du métro de part et d’autre du fleuve, ainsi que les lignes LIOS (ligação intermodal de oriente e ocidente).

Ces projets nécessitent une articulation fine entre régions, un financement à long terme, et surtout un consensus politique large. Or, le Parlement portugais, issu des élections de 2025, est fragmenté. Pourtant, Miguel Pinto Luz reste optimiste : « Il y a beaucoup de consensus autour de ces décisions. C’est fondamental pour garantir l’avenir. »

L’interconnexion métropolitaine, la liaison aéroportuaire et la régénération du tissu ferroviaire urbain deviennent ainsi des éléments clefs de la planification territoriale du Portugal post-2025.

Une politique de transport ambitieuse mais fragile

Au Portugal Railway Summit ¹, où se sont réunis 500 participants, 50 orateurs et 40 exposants, les discussions ont tourné autour de mots-clés bien connus : grande vitesse, innovation, IA, durabilité, intermodalité. Le ferroviaire n’est plus vu comme un simple mode de transport, mais comme un levier de développement économique, de transition énergétique et de transformation territoriale.

Reste à savoir si les moyens suivront. La réalisation du PFN, la relance de Ferrovia 2020, les connexions transfrontalières, l’équipement des ports, l’accompagnement de TAP et du futur aéroport forment un ensemble d’objectifs ambitieux. Leur réussite dépendra de la coordination entre ministères, de l’accès aux fonds européens, et de la capacité politique à tenir les délais — ce que le Portugal a rarement su faire dans le domaine ferroviaire.

À travers la voix de son ministre, le gouvernement s’engage. Mais face à sept années de retard accumulées, la seule déclaration d’intention ne suffira pas. Il faudra du concret, des échéances respectées, et un pilotage rigoureux pour transformer ces lignes sur le papier en infrastructures réelles. Le rail portugais n’a pas droit à un nouveau déraillement stratégique.