Depuis son lancement le 21 octobre dernier, le nouveau « passe verde » portugais suscite curiosité et enthousiasme. Pour seulement 20 € par mois, il promet deux voyages quotidiens en train, une mesure présentée comme révolutionnaire par le gouvernement conservateur en place. Avec ses files d’attente record et ses 3000 exemplaires vendus en trois jours, le titre de transport semble déjà séduire une large partie de la population. Mais derrière cette initiative audacieuse, des doutes subsistent quant à sa viabilité financière et à sa capacité à transformer durablement les habitudes de mobilité au Portugal.
Un modèle économique inédit
Le nouveau pass ferroviaire s’inscrit dans une démarche de transition écologique et de lutte contre la dépendance automobile. Arborant la couleur verte emblématique des chemins de fer portugais (Comboios de Portugal, CP 1), il bénéficie d’une subvention publique de près de 19 millions d’euros, intégrée à un programme gouvernemental plus large de 115 millions d’euros pour la mobilité verte. En comparaison, aucun autre pays européen ne propose un tarif mensuel aussi attractif pour le transport ferroviaire. Pour seulement 20 € par mois, ce pass autorise jusqu’à deux trajets en train chaque jour !
Pour 20 € par mois, il permet de réaliser deux voyages en train par jour !
Pourtant, cette mesure repose sur un réseau ferroviaire en difficulté. La CP accumule une dette avoisinant les 2 milliards d’euros, et les critiques se multiplient sur l’état vieillissant des infrastructures, les retards fréquents et le manque de trains disponibles. À cela s’ajoute une contrainte spécifique : les trajets doivent être réservés 24 heures à l’avance, une exigence qui pourrait limiter l’attractivité du titre pour certains usagers.
Un compromis écologique et économique
En réduisant drastiquement les coûts pour les voyageurs, le Portugal vise à encourager l’usage du train comme alternative à la voiture. Cette stratégie s’inspire des initiatives allemandes et autrichiennes, mais avec une approche radicalement différente. Contrairement au « Ticket D » allemand, qui couvre tous les modes de transport urbain et régional pour 49 € par mois, le pass portugais se concentre uniquement sur le rail, excluant les trains rapides (Alfa Pendular) et les réseaux urbains de Lisbonne et Porto.
Le Portugal parviendra-t-il à surmonter ces défis grâce à son tarif imbattable ?
L’Autriche, de son côté, a opté pour une formule annuelle avec le « Klimaticket Ö », au coût de 1 095 € par an, permettant l’accès à tous les modes de transport. Ces modèles, bien qu’ambitieux, sont régulièrement critiqués pour leur coût élevé ou leur impact limité sur les comportements de mobilité. Le Portugal parviendra-t-il à surmonter ces défis grâce à son tarif imbattable ?
Des bénéfices pour les usagers, mais des limites structurelles
Une solution pour les étudiants et les familles
Le « passe verde » profite particulièrement à des groupes spécifiques, comme les étudiants et les familles, qui réalisent fréquemment des trajets interrégionaux. Avec un aller-retour traditionnel pouvant dépasser le coût du pass mensuel, ce titre représente une véritable opportunité économique. Il s’inscrit également dans une logique de soutien à la mobilité longue distance, un domaine souvent délaissé dans les politiques de transport.
Pourtant, ce succès apparent masque des inégalités d’accès. Le réseau ferroviaire portugais reste limité, avec de nombreuses régions mal desservies, voire dépourvues de liaisons directes. De plus, les restrictions imposées aux trains rapides et urbains réduisent l’attrait du pass pour les usagers des grandes villes, qui représentent une part importante des déplacements quotidiens.
Un réseau ferroviaire sous pression
Si le « passe verde » ambitionne de démocratiser l’usage du train, il met également en lumière les faiblesses structurelles du réseau ferroviaire portugais. La CP, déjà lourdement endettée, fait face à des défis majeurs en matière de modernisation des infrastructures et d’augmentation de la capacité. Les retards, les grèves fréquentes et le vieillissement du matériel roulant figurent parmi les obstacles les plus cités par les usagers.
Le gouvernement a annoncé la construction d’une ligne à grande vitesse entre Lisbonne et Porto d’ici 2030
Le gouvernement a annoncé des projets ambitieux, comme la construction d’une ligne à grande vitesse entre Lisbonne et Porto d’ici 2030. Cependant, de nombreux observateurs s’interrogent sur la capacité de la CP à gérer un afflux accru de passagers tout en maintenant des standards de qualité acceptables.
Un modèle inspirant, mais perfectible
Avec le « passe verde », le Portugal montre qu’il est possible de repenser la mobilité en plaçant l’écologie et l’accessibilité au centre des priorités. Ce titre de transport incarne une vision prometteuse, qui pourrait servir de modèle pour d’autres pays européens. Cependant, pour transformer cette initiative en véritable succès à long terme, des investissements significatifs dans le réseau ferroviaire seront indispensables.
À 20 € par mois, le pass portugais marque un pas audacieux dans la transition verte, mais il soulève également des interrogations. Sera-t-il capable de surmonter les limites structurelles de son réseau et d’inspirer durablement un changement des comportements de mobilité ? Le temps nous dira si cette politique tarifaire, ambitieuse mais risquée, saura tenir ses promesses.
En bref :
- Lancement et coût : Le nouveau « passe verde » portugais, lancé le 21 octobre 2024, permet de réaliser deux trajets en train par jour pour seulement 20 € par mois, un tarif inédit en Europe.
- Public ciblé : Principalement avantageux pour les étudiants et les familles effectuant des trajets réguliers interrégionaux, notamment sur les lignes régionales.
- Exclusions : Les trains rapides (Alfa Pendular) et les réseaux urbains de Lisbonne et Porto ne sont pas couverts par ce pass, qui nécessite une réservation obligatoire 24 heures à l’avance.
- Objectif écologique : Cette mesure s’inscrit dans une stratégie gouvernementale de 115 millions d’euros pour promouvoir la mobilité verte et réduire la dépendance à la voiture.
- Contexte européen : Inspiré par des modèles comme le « Ticket D » allemand ou le « Klimaticket Ö » autrichien, le Portugal innove avec le tarif le plus bas, mais un périmètre d’application plus limité.
- Critiques et défis : Le réseau ferroviaire portugais, vieillissant et sous-financé, souffre d’un endettement de près de 2 milliards d’euros, suscitant des doutes sur la viabilité du programme à long terme.
- Projets futurs : Une ligne à grande vitesse Lisbonne-Porto est prévue d’ici 2030, mais des investissements massifs seront nécessaires pour améliorer la qualité des services actuels.
- En savoir plus sur le Passe Ferroviario Verde de Comboios de Portugal : https://www.cp.pt/passageiros/pt/descontos-vantagens/descontos/ferroviario-verde ↩︎