À Lisbonne, se loger coûte 116 % du salaire moyen

immobilier lisbonne

Selon un rapport du Conseil européen dirigé par l’ancien Premier ministre portugais António Costa, les habitants de Lisbonne consacrent en moyenne 116 % de leur salaire net au logement. Ce chiffre, alarmant, place la capitale portugaise en tête des villes européennes les plus inaccessibles en matière d’habitat, devant Barcelone (74 %) et Madrid (74 %). Au-delà de l’indignation, cette statistique illustre l’ampleur d’une crise du logement devenue systémique à l’échelle de l’Union européenne. Lisbonne cristallise un paradoxe redoutable : une ville attractive, mais de plus en plus invivable pour ses propres habitants.

Lisbonne, symbole européen d’un déséquilibre devenu intenable

Le rapport, intitulé « Un toit, des réalités multiples » 1, souligne que Lisbonne est aujourd’hui la seule capitale européenne où le coût moyen du logement dépasse le revenu médian. Concrètement, une personne gagnant un salaire moyen ne peut pas, sans s’endetter, louer ou acheter un logement dans les limites urbaines de la ville. En cause : l’envolée des prix dans l’immobilier central, dopée par la spéculation, le tourisme de masse, et l’essor des locations de courte durée.

Lisbonne est aujourd’hui la seule capitale européenne où le coût moyen du logement dépasse le revenu médian

Le contraste est saisissant avec des villes comme Vienne (37 %), Luxembourg (34 %) ou Helsinki (35 %), où l’intervention publique, les programmes de logement abordable et une régulation plus stricte permettent de contenir l’explosion des prix. Dans ces capitales, le logement reste un droit ; à Lisbonne, il devient un luxe.

António Costa, aujourd’hui président du Conseil européen, alerte : « Si la crise du logement persiste, c’est la confiance dans les institutions démocratiques qui s’érodera. » Et d’ajouter que la compétitivité européenne pourrait également en pâtir, freinée par la difficulté croissante à retenir talents et classes moyennes dans les grands centres urbains.

Une crise structurelle aux racines multiples

Entre 2015 et le premier trimestre 2025, les prix du logement ont augmenté en moyenne de 58 % dans l’Union européenne, selon Eurostat. Certains pays affichent une progression vertigineuse : la Hongrie (+237 %), le Portugal (+147 %) et la Lituanie (+147 %) figurent en tête. Ce phénomène traduit une dérégulation du marché immobilier alimentée par des investissements spéculatifs, des flux touristiques massifs et un manque chronique d’offre de logements abordables.

À Lisbonne, les effets sont visibles : désertification des quartiers historiques, expulsion silencieuse des classes populaires, et fragilisation du tissu économique local. Le centre-ville se transforme peu à peu en vitrine pour visiteurs internationaux, tandis que les Lisboètes sont contraints de s’exiler en périphérie, avec des conséquences sur la mobilité, la qualité de vie et la cohésion urbaine.

Une responsabilité locale… et européenne

Bien que la politique du logement relève des États membres, António Costa plaide pour une approche coordonnée à l’échelle européenne. Il souhaite mobiliser les outils communautaires, notamment les fonds européens, pour donner aux autorités nationales « plus de marge de manœuvre ». Il évoque la nécessité de réguler les locations de courte durée, d’encourager la construction de logements abordables et de renforcer les mécanismes de protection des locataires.

La Commission européenne élabore actuellement un plan d’action dans ce sens. L’objectif : garantir un droit au logement effectif tout en maintenant l’attractivité des grandes métropoles. Mais l’équation est complexe : concilier croissance économique, urbanisation durable et justice sociale nécessite un changement profond de paradigme.

Logement : le point de bascule démocratique

Le logement n’est pas seulement une affaire de chiffres : c’est une question de dignité, de stabilité et de projection dans l’avenir. Lorsque 116 % du revenu est absorbé par un toit, il ne reste plus rien pour vivre. Lisbonne devient ainsi l’illustration brutale d’un modèle urbain à bout de souffle.

Sans correction rapide, les grandes villes européennes risquent de devenir des enclaves réservées aux très riches, tandis que les classes moyennes et les jeunes générations s’en éloignent. Cette dynamique nourrit le ressentiment, alimente la défiance politique et affaiblit le tissu social.

Face à ce constat, António Costa appelle les dirigeants européens à agir sans tarder : « La crise du logement est une urgence sociale. Elle mérite des réponses collectives à la hauteur de ses conséquences. »

Lisbonne, un laboratoire à haut risque pour l’Europe

Le cas lisboète pourrait servir de signal d’alarme. L’attractivité touristique, les politiques fiscales incitatives et les investissements internationaux ont certes permis à la capitale portugaise de sortir de la crise économique de 2011. Mais ces leviers, aujourd’hui non maîtrisés, provoquent une exclusion silencieuse et une polarisation du marché immobilier. Lisbonne devient la ville test d’un modèle économique déséquilibré : croissance pour les investisseurs, précarité pour les habitants.

  • 116 % : c’est la part du salaire moyen nécessaire pour se loger à Lisbonne.
  • 147 % : hausse des prix du logement au Portugal depuis 2015 (Eurostat)
  • +58 % : augmentation moyenne des prix dans l’UE entre 2015 et 2025
  • 37–35 % : part du revenu consacrée au logement à Vienne, Luxembourg, Helsinki

Le sommet européen sur le logement, convoqué pour la première fois ce mois-ci, permettra-t-il de tracer une nouvelle feuille de route ? Lisbonne attend des réponses. Mais surtout, ses habitants attendent un souffle d’oxygène.

Au-delà du symbole, une impasse sociale

Le chiffre de 116 % n’est pas qu’un indicateur économique. C’est le reflet d’une impasse sociale et politique. Ce que révèle la situation à Lisbonne dépasse largement les frontières du Portugal. Il s’agit d’un test grandeur nature pour la capacité de l’Union européenne à défendre des valeurs concrètes : droit au logement, égalité des chances, cohésion territoriale.

À défaut d’agir, les capitales européennes deviendront de simples vitrines, désertées par ceux qui les font vivre. Le temps presse. Et les chiffres ne mentent plus.

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