Au-delà du soleil et des façades pastel, Lisbonne s’impose comme la ville la plus convoitée d’Europe par les grandes fortunes. La capitale portugaise dépasse désormais Londres, Madrid et Barcelone dans le classement des villes préférées des millionnaires désireux de s’installer sur le Vieux Continent. En toile de fond : un mélange d’atouts culturels, de stabilité politique et d’un style de vie méditerranéen devenu synonyme de sécurité et de discrétion.
Un rapport qui consacre Lisbonne comme nouvelle capitale du « lifestyle »
Selon le European Lifestyle Report 1, publié par Quintela + Penalva | Knight Frank, Lisbonne est aujourd’hui la destination urbaine la plus prisée par les individus à haut revenu (High Net Worth Individuals, HNWI), c’est-à-dire ceux dont la fortune dépasse un million de dollars. L’étude, menée auprès de plus de 700 personnes fortunées réparties dans onze pays européens, révèle un basculement clair des préférences : les grandes fortunes privilégient à nouveau les métropoles, après plusieurs années d’exode vers les zones rurales et balnéaires provoqué par la pandémie.
Lisbonne arrive en tête des villes les plus attractives, suivie par Londres, Madrid, Dublin et Barcelone. Hors des grandes villes, Chamonix domine, tandis que l’Algarve se hisse à la 4ème place dans la catégorie des marchés de villégiature. Une performance notable pour le Portugal, qui place ainsi deux destinations dans le top européen de la mobilité des élites économiques.
Le Portugal, une stabilité qui séduit les grandes fortunes
Ce succès ne doit rien au hasard. Alors que les tensions géopolitiques se multiplient et que la fiscalité devient plus imprévisible dans plusieurs pays, le Portugal se distingue par une combinaison rare : stabilité politique, cadre fiscal compétitif et qualité de vie. Les auteurs du rapport soulignent que l’Europe, perçue comme un « havre de gouvernance et de sécurité », est redevenue le continent de prédilection pour les riches expatriés. Et dans cette Europe recomposée, Lisbonne fait figure d’équilibre idéal entre dynamisme économique et douceur de vivre.
Les motivations évoquées par les répondants traduisent ce changement de paradigme : les trois priorités principales sont désormais la santé, les écoles internationales et les infrastructures de transport. Les incitations fiscales ne viennent qu’en troisième position, derrière la sécurité et la vie privée. Autrement dit, le Portugal attire désormais moins pour ses niches fiscales que pour la qualité de son environnement humain et institutionnel.
Des générations différentes, un même attrait pour Lisbonne

Fait notable : ce ne sont pas uniquement les retraités ou les entrepreneurs du numérique qui convergent vers le Portugal. Selon le rapport, Lisbonne attire particulièrement la Génération Z et les baby-boomers 2, un contraste révélateur. Les plus jeunes y voient un terrain fertile pour l’entrepreneuriat et la créativité, tandis que les plus âgés recherchent un climat doux, un système de santé accessible et une fiscalité claire.
En termes de nationalités, les nouveaux arrivants les plus nombreux viennent du Brésil, du Royaume-Uni et des États-Unis. Les acheteurs les plus actifs, eux, sont brésiliens, français et américains. Cette diversité témoigne d’une ouverture internationale qui renforce l’image cosmopolite de la capitale portugaise, longtemps perçue comme une alternative plus calme et plus abordable à Barcelone ou à Paris.
Le grand retour à la ville
La pandémie avait amorcé une fuite vers la montagne ou les bords de mer. Aujourd’hui, la tendance s’inverse : les grandes fortunes réinvestissent les centres urbains. Le rapport souligne que près de la moitié des personnes interrogées envisagent d’acquérir une maison de ville ou un immeuble indépendant, devant les appartements et penthouses. L’ère du télétravail absolu s’essouffle ; celle de la connectivité urbaine reprend ses droits.
Lisbonne concentre ces avantages : un aéroport international à 10 minutes du centre, un réseau d’écoles internationales, une scène culturelle foisonnante et une fiscalité encore attractive par rapport à d’autres capitales européennes. « Les riches ont toujours eu le choix, mais jamais ils ne l’ont exercé avec une telle urgence », observe Kate Everett-Allen, responsable de la recherche européenne chez Knight Frank. « Ce que nous vivons dépasse un simple déplacement démographique. C’est une reconfiguration profonde du paysage mondial de la richesse. »
Un pays qui apprend à gérer sa nouvelle richesse
Pour le Portugal, cette vague de capitaux étrangers constitue une opportunité économique autant qu’un défi social. Si les investissements haut de gamme soutiennent le marché immobilier et la construction, ils alimentent aussi le débat sur la gentrification et la hausse du coût du logement pour les habitants locaux. Le gouvernement a déjà aboli certains avantages fiscaux jugés trop généreux, comme le statut de résident non habituel, pour calmer les tensions.
Lisbonne doit désormais concilier son attractivité internationale avec la préservation de son tissu social. Le pays, qui a longtemps vu partir ses jeunes diplômés, se découvre aujourd’hui comme une terre d’accueil pour les élites économiques mondiales. Un renversement de perspective qui dit autant sur la transformation du Portugal que sur celle du capitalisme contemporain : le luxe ne se cherche plus seulement dans le prestige, mais dans la simplicité, la stabilité et le climat humain.
Les lieux de prestige se déplacent
Alors que Londres ou Genève continuent d’incarner la finance et le pouvoir, Lisbonne s’impose comme le symbole d’une nouvelle géographie de la richesse. Celle d’une Europe du Sud réinventée, où le patrimoine culturel, la qualité de vie et la sécurité politique valent désormais autant que les taux d’imposition. L’Algarve, quatrième parmi les destinations non métropolitaines, illustre cette extension du modèle portugais à d’autres régions du pays, où les résidences secondaires des grandes fortunes se multiplient.
Reste une question : combien de temps le Portugal pourra-t-il préserver cet équilibre fragile entre attractivité internationale et inclusion sociale ? Pour l’heure, Lisbonne avance sereinement, fière de son cosmopolitisme retrouvé, et consciente que son succès, s’il n’est pas maîtrisé, pourrait aussi devenir son talon d’Achille.
- European Lifestyle Report : https://www.dmproperties.com/wp-content/uploads/media/european-lifestyle-report-2025.pdf ↩︎
- La Génération Z désigne les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, souvent décrites comme connectées, mobiles et sensibles aux enjeux de durabilité et de qualité de vie. Les baby-boomers, nés entre 1946 et 1964, représentent la génération de l’après-guerre, aujourd’hui à la retraite ou proche de l’être. ↩︎







