Face aux longues files d’attente observées ces derniers jours à l’aéroport de Lisbonne, la Commission européenne a évoqué la possibilité d’un retour provisoire au système manuel de contrôle des passeports. Ce dispositif classique, avec vérification et tampon physique, pourrait être réactivé pour faciliter le passage des voyageurs issus de pays tiers, le temps de stabiliser la mise en œuvre du nouveau Entry/Exit System (EES), en vigueur depuis dimanche dernier dans l’espace Schengen.
Des retards liés au nouveau système électronique
Depuis le 13 octobre, le Portugal, comme les 28 autres pays membres de l’espace Schengen, a commencé à appliquer le nouveau système européen d’enregistrement automatisé des entrées et sorties aux frontières. Celui-ci remplace les tampons traditionnels par un enregistrement numérique de la date, de l’heure et du point de passage de chaque voyageur non ressortissant de l’Union européenne.
Mais dès mardi, la situation s’est enrayée : la police portugaise (PSP) a évoqué une « journée critique » à l’aéroport Humberto Delgado, à Lisbonne. Les voyageurs non européens ont dû patienter jusqu’à 90 minutes pour franchir les contrôles d’arrivée et de départ. Un délai qui a suscité de nombreuses critiques, notamment de la part de compagnies aériennes et d’agents frontaliers débordés.
Interrogé par l’agence Lusa, Markus Lammert, porte-parole de la Commission européenne chargé des affaires intérieures, a reconnu que « le système inclut la possibilité de revenir au modèle précédent chaque fois qu’un dysfonctionnement pourrait compromettre la stabilité de la nouvelle plateforme ». Selon lui, « tous les États membres ont lancé le dispositif avec succès, mais une période de transition de six mois est prévue pour corriger les difficultés techniques et adapter les effectifs ».
Une période de transition jusqu’en 2026
L’Entry/Exit System fait partie du vaste plan européen de modernisation des contrôles extérieurs de Schengen. Il vise à mieux tracer les entrées et sorties des voyageurs de pays tiers (hors Union européenne et Espace économique européen), y compris ceux exemptés de visa pour de courts séjours (jusqu’à 90 jours sur une période de 180 jours). Les États membres espèrent que ce dispositif renforcera la sécurité intérieure tout en facilitant le repérage des séjours irréguliers.
La Commission européenne a qualifié la mise en service du système de « succès », malgré les perturbations observées au Portugal. En deux jours seulement, plus de 100.000 voyageurs non européens ont été enregistrés à l’échelle du continent. « C’est une étape majeure dans notre nouvelle approche de la gestion des frontières », a déclaré Magnus Brunner, commissaire européen aux affaires intérieures et à la migration, en marge d’une réunion ministérielle à Luxembourg.
L’ensemble des États Schengen bénéficiera d’une phase d’intégration de six mois destinée à ajuster le déploiement complet de la plateforme, dont le fonctionnement stable est attendu d’ici avril 2026.
Une mesure qui ne concerne pas les voyageurs européens
Le nouveau système ne modifie en rien les conditions de circulation des citoyens de l’Union européenne, ni de ceux des pays associés à Schengen (Suisse, Norvège, Islande, Liechtenstein). Les ressortissants des pays de l’UE n’ont donc aucune formalité supplémentaire à accomplir lors d’un voyage au Portugal ou dans tout autre État Schengen.
Les contrôles renforcés ne s’appliquent qu’aux voyageurs venant de pays tiers, par exemple le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, le Brésil ou encore les pays d’Afrique subsaharienne, lorsqu’ils entrent dans l’espace Schengen pour un court séjour. Leurs données biométriques et leurs passages sont désormais enregistrés électroniquement, remplaçant le traditionnel tampon apposé dans le passeport.
Les citoyens de pays de l’Union Européenne voyageant au Portugal continueront donc à circuler comme auparavant, sans formalité de visa ni enregistrement particulier, grâce à la liberté de mouvement garantie par les traités européens. Les désagréments observés à Lisbonne ne concernent que les voyageurs non européens soumis à cette nouvelle procédure.
Des files d’attente révélatrices des défis techniques
Les files d’attente à Lisbonne rappellent néanmoins les limites pratiques de la numérisation à grande échelle des contrôles frontaliers. Le système, censé accélérer les procédures, nécessite des terminaux biométriques performants et une coordination entre les forces de police et les opérateurs aéroportuaires. Dans les aéroports où le trafic international est dense, comme Lisbonne, Porto ou Madrid-Barajas, la mise en route simultanée du dispositif a créé des goulots d’étranglement temporaires.
Le gouvernement portugais affirme travailler étroitement avec Frontex et la Commission pour fluidifier le passage aux frontières, tout en maintenant les standards de sécurité exigés. Selon les autorités, la situation devrait se stabiliser dans les prochaines semaines, à mesure que les agents et les voyageurs se familiariseront avec les nouvelles bornes de contrôle.
Un enjeu européen de souveraineté et de mobilité
Pour Bruxelles, l’Entry/Exit System constitue un pas de plus vers une gestion unifiée des frontières extérieures. Dans un contexte de tension migratoire et de réaffirmation des souverainetés nationales, l’UE cherche à concilier mobilité et sécurité. La centralisation des données d’entrée et de sortie doit permettre un suivi plus précis des flux, tout en facilitant les retours de personnes en situation irrégulière.
Mais sur le terrain, cette ambition se heurte à la complexité technique et humaine du dispositif. En attendant la pleine efficacité du système prévue en 2026, la Commission n’exclut donc pas de revenir ponctuellement aux contrôles manuels là où les infrastructures peinent à absorber la transition numérique, comme c’est le cas, ces jours-ci, au Portugal.
Un retour provisoire au tampon sur passeport qui, ironie du sort, rappelle combien la promesse d’un espace Schengen fluide reste fragile à l’épreuve des technologies et des réalités logistiques.







