Alors que le Portugal est souvent cité comme un modèle de rigueur budgétaire en Europe, notamment depuis la présentation d’un budget 2026 en excédent, une autre réalité émerge en parallèle : celle d’une pauvreté structurelle qui touche encore un cinquième de la population. En effet, si le gouvernement portugais présente un budget 2026 en excédent, les indicateurs sociaux, eux, racontent une autre histoire. Selon le dernier rapport de la Rede Europeia Anti-Pobreza (EAPN), près de 2,1 millions de personnes vivent toujours dans la pauvreté au Portugal. Un chiffre équivalent à 20% de la population, soit 1 Portugais sur 5.
Une amélioration statistique à relativiser

Les dernières données de l’Institut national de la statistique (INE), publiées en décembre 2024, montrent certes une légère baisse du taux de risque de pauvreté, passant de 17% à 16,6%. Pourtant, le nombre absolu de personnes concernées reste stable. Cette situation met en évidence une pauvreté structurelle qui peine à être endiguée, malgré une reprise économique présentée comme robuste.
Une pauvreté structurelle qui peine à être endiguée, malgré une reprise économique présentée comme robuste
La pauvreté reste aussi très géographiquement marquée. Les régions les plus touchées sont les îles des Açores (28,4%) et la péninsule de Setúbal (21,8%). Les zones rurales, peu peuplées, affichent un taux de pauvreté de 23,5%, bien supérieur à celui des zones urbaines denses (17,5%).
Une pauvreté des actifs et des retraités

Contrairement à une vision encore répandue, la pauvreté au Portugal ne se limite pas aux chômeurs ou aux personnes totalement exclues du marché du travail. Selon le rapport 2025 de l’EAPN 1, 50% des personnes en situation de pauvreté ont entre 18 et 64 ans, c’est-à-dire qu’elles sont en âge de travailler. Pourtant, seules la moitié d’entre elles perçoivent des aides sociales, un taux particulièrement faible au sein de l’Union européenne. Le Portugal reste ainsi le 3ème pays de l’UE où les transferts sociaux réduisent le moins efficacement la pauvreté.
Le Portugal reste ainsi le 3ème pays de l’UE où les transferts sociaux réduisent le moins efficacement la pauvreté
Plus de 1/4 des retraités portugais sous le seuil de pauvreté
Mais c’est la situation des retraités qui interpelle le plus vivement. En 2023, le risque de pauvreté chez les personnes âgées s’est brutalement aggravé : +19,9 % pour les retraités, +17,8 % pour les plus de 65 ans, et jusqu’à +22,7 % pour les personnes de 75 ans et plus. Autrement dit, plus d’un quart des Portugais de plus de 64 ans vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. En cause : des pensions souvent faibles, parfois inférieures à 500 euros mensuels, et une insuffisance des compléments sociaux pour compenser.
Cette double réalité : actifs précaires mal couverts et retraités vulnérables, souligne que la pauvreté au Portugal n’est pas conjoncturelle mais structurelle, et qu’elle se transmet souvent d’une génération à l’autre, particulièrement dans les zones rurales ou peu densément peuplées.
Les femmes et les enfants en première ligne

Les inégalités de genre persistent. Les femmes représentent 56% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, le rapport de l’EAPN insiste sur la vulnérabilité extrême des enfants : 40% des enfants pauvres vivent dans des foyers dont les revenus mensuels ne dépassent pas 422 euros. Cette pauvreté infantile compromet gravement les perspectives d’insertion sociale et économique à long terme.
Les femmes représentent 56% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté
Les ménages monoparentaux, majoritairement dirigés par des femmes, figurent parmi les groupes les plus exposés. Les politiques publiques peinent encore à offrir des filets de sécurité efficaces à ces catégories de la population.
Lire aussi : Le Portugal est un des pays les plus inégalitaires de l’Union Européenne
Un modèle sous tension, entre rigueur budgétaire et fragilité sociale
Le Portugal a su rétablir ses comptes publics, mais ce rétablissement a parfois été obtenu au prix d’un sous-investissement social. L’accent mis sur l’excédent budgétaire masque une réalité plus contrastée : le déficit d’accès aux soins, au logement, à la formation ou encore à des emplois correctement rémunérés.
Alors que les comparaisons avec la France sont légion, notamment dans les débats politiques sur la gestion des finances publiques, il convient de rappeler que l’efficacité budgétaire ne peut être l’unique critère d’évaluation d’une politique économique. La soutenabilité sociale doit impérativement accompagner la performance financière pour éviter un creusement des inégalités et un affaiblissement du lien social.
Lire aussi : La face cachée des excédents budgétaires du Portugal
Le Portugal est-il donc un exemple ?
Le Portugal, souvent cité en exemple pour sa rigueur budgétaire, reste confronté à une pauvreté endémique qui touche plus d’un cinquième de sa population. Un chiffre alarmant, qui oblige à reconsidérer l’équilibre entre discipline budgétaire et justice sociale. Si l’équilibre des comptes est nécessaire, il ne peut être atteint durablement au détriment des plus vulnérables. Pour que la sortie de crise soit réelle et inclusive, elle doit reposer sur une stratégie sociale ambitieuse et équitable.
- EAPN : https://www.eapn.pt/ ↩︎







