Le Portugal encadre enfin les cryptomonnaies : les nouvelles règles

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À partir de 2026, le Portugal s’apprête à franchir un cap important dans la régulation des cryptomonnaies. Longtemps perçu comme un paradis fiscal pour les investisseurs en actifs numériques, le pays transpose désormais les normes européennes pour mieux encadrer les plateformes, lutter contre le blanchiment d’argent et renforcer la protection des consommateurs. L’entrée en vigueur progressive de ces mesures, prolongée jusqu’à juin 2026, marque une nouvelle ère pour l’économie numérique portugaise.

Entre promesse de stabilité réglementaire, renforcement des contrôles et adaptation aux enjeux européens, ce virage s’annonce structurant pour l’ensemble de l’écosystème crypto du pays. Les autorités entendent à la fois rassurer les acteurs économiques, répondre aux obligations communautaires, et anticiper les dérives d’un secteur en constante mutation. Les débats parlementaires ont illustré la complexité d’un tel changement, mais aussi la convergence des partis sur la nécessité d’agir.

Un nouveau cadre juridique aligné sur les normes européennes

Markets in Crypto-Assets

Le cœur de la réforme repose sur la transposition du règlement européen MICA (Markets in Crypto-Assets) 1, officiellement le Règlement 2023/1114 2, dans le droit portugais. Ce texte, attendu de longue date, établit un socle commun de règles pour les émetteurs de cryptotokens adossés à des actifs, de jetons de monnaie électronique, ainsi que pour les prestataires de services sur actifs numériques. Le Portugal devient ainsi un des premiers États membres à structurer aussi précisément son approche nationale de la cryptofinance.

Concrètement, la loi définit les procédures d’autorisation, d’enregistrement et de supervision de ces acteurs. Le champ de compétence est désormais partagé entre la Banque du Portugal et la CMVM (Commission des marchés financiers) 3, qui bénéficieront de prérogatives élargies pour contrôler les pratiques, prévenir les abus et sanctionner les manquements.

En parallèle, une deuxième initiative législative applique les nouvelles directives en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Les prestataires de services en cryptoactifs, y compris ceux établis dans d’autres pays de l’Union européenne mais disposant d’une implantation au Portugal, devront mettre en œuvre des mesures de vigilance comparables à celles exigées des institutions financières classiques.

Ces dispositions s’ajoutent à une troisième mesure technique garantissant l’immédiateté des transferts en euros, y compris dans l’univers des cryptoactifs. Ensemble, ces trois textes visent à offrir un cadre plus transparent, mieux sécurisé et conforme aux standards européens.

Vers une supervision renforcée du secteur

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Selon le Secrétaire d’État au Trésor et aux Finances, João Silva Lopes, ces réformes marquent un « pas décisif » pour la régulation du marché des cryptomonnaies au Portugal. À l’occasion des débats parlementaires, il a souligné l’ambition de garantir la protection des investisseurs et la stabilité du système financier. L’un des points essentiels du dispositif réside dans la requalification des entreprises crypto comme entités financières à part entière, tenues de respecter les obligations prévues par la loi anti-blanchiment n°83 de 2017 4.

Un secteur sous surveillance proactive

La Banque du Portugal, désormais investie d’un rôle de contrôle élargi, pourra exiger des informations, diligenter des inspections, et, en coordination avec le ministère public et les régulateurs européens, sanctionner les plateformes contrevenantes. Le député CDS-PP Paulo Núncio a insisté sur la nécessité de répondre « en temps utile » aux sollicitations des autorités. L’objectif est de prévenir les manipulations de marché, l’opacité sur les flux financiers et les risques systémiques liés à la volatilité des cryptomonnaies.

Du côté de la gauche, la députée Patrícia Gonçalves (Livre) a rappelé que les actifs numériques constituent une « réalité inéluctable » de l’économie moderne, par laquelle les citoyens épargnent, investissent ou effectuent des paiements. Réguler ne signifie pas interdire, mais apporter un minimum de garanties, dans un contexte de transformation silencieuse mais profonde des usages financiers.

Une réglementation qui soulève des inquiétudes économiques

Le député libéral Mário Amorim Lopes a mis en garde contre les effets pervers d’une régulation jugée trop tardive. Il a rappelé que certaines entreprises crypto, confrontées à un flou juridique persistant, ont déjà préféré migrer vers d’autres juridictions européennes plus prévisibles. La perte d’attractivité du Portugal, autrefois salué pour sa fiscalité douce, devient un enjeu pour les start-ups et PME du secteur.

Eduardo Teixeira (PSD) a quant à lui plaidé pour un encadrement qui n’oublie pas les petits acteurs économiques. Il a défendu un triptyque : transparence des prix, soutien à l’adoption par les entreprises locales, et attention particulière aux micro-entreprises qui innovent souvent sans moyens. L’innovation ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la conformité.

Le débat s’est également étendu à la publicité sur les réseaux sociaux. Miguel Cabrita (PS) a alerté sur les dérives des campagnes de promotion non encadrées, notamment auprès des jeunes. Il demande une régulation spécifique des contenus publicitaires liés aux produits cryptoéconomiques.

La fiscalité, sujet sensible et encore en évolution

Le Parti communiste portugais (PCP), par la voix d’Alfredo Maia, a dénoncé le régime fiscal actuellement applicable aux cryptoactifs. Les plus-values générées en moins d’un an sont taxées à 28 %, ce qui, selon lui, revient à une « niche » injustifiée. Il plaide pour leur intégration dans l’ensemble des revenus déclarés, comme pour les salaires ou loyers. Ce débat fiscal, bien qu’annexe aux textes discutés, reste un point de tension majeur dans l’opinion publique.

Un calendrier étendu pour faciliter l’adaptation

Face à la complexité des ajustements techniques, juridiques et technologiques exigés par les textes, le gouvernement a admis qu’un délai supplémentaire était nécessaire. La période de transition, initialement prévue jusqu’au 30 décembre 2025, est ainsi prolongée jusqu’à juin 2026. Ce sursis permettra aux entreprises de se mettre en conformité, de former leurs équipes et d’adapter leurs systèmes d’information sans précipitation ni perte de compétitivité.

Tableau récapitulatif des principales mesures

MesureDescriptionEntrée en vigueur
Transposition du règlement MICACadre légal pour les prestataires de services sur actifs numériquesJuin 2026
Renforcement de la lutte anti-blanchimentÉlargissement des obligations aux entreprises cryptoJuin 2026
Traitement des prestataires comme entités financièresObligation de vigilance et de coopération avec les autoritésJuin 2026
Supervision accrueBanque du Portugal, CMVM, ministère public impliquésDès la publication des décrets
Débat fiscal en coursProposition de taxation intégrée des plus-valuesNon précisé

Un tournant stratégique pour l’écosystème portugais

À l’heure où les cryptomonnaies deviennent un pilier de l’économie numérique mondiale, le Portugal ne pouvait plus se contenter d’un vide juridique. Ce virage réglementaire, s’il est bien mis en œuvre, pourrait transformer le pays en un acteur crédible, sûr et attractif du secteur. Reste à savoir si la promesse de stabilité saura convaincre les entreprises de rester ou de revenir.

L’enjeu dépasse la simple conformité aux normes européennes : il s’agit de redéfinir un positionnement stratégique dans la concurrence des juridictions, tout en garantissant une plus grande sécurité pour les investisseurs particuliers. Pour les régulateurs, comme pour les acteurs économiques, les mois à venir seront décisifs.

Dans un climat marqué par les tensions fiscales, les dérives spéculatives et les incertitudes géopolitiques, la régulation des cryptoactifs s’impose comme une condition essentielle à la crédibilité du système financier portugais. Le cadre est posé, il reste à le faire vivre.

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