Alors que plusieurs de ses partenaires européens peinent encore à contenir leurs déficits publics, le Portugal confirme sa singularité en matière de rigueur budgétaire. Le gouvernement de centre-droit mené par Luís Montenegro entend poursuivre une trajectoire d’excédents, avec +0,3 % du PIB prévu en 2025 et +0,1 % en 2026, selon les projections inscrites dans son projet de budget pour l’année à venir. Une orientation saluée pour sa constance, qui prolonge les bons résultats des deux exercices précédents (+1,2 % en 2023, +0,5 % en 2024).
Une politique de rigueur assumée
Ce retour durable à l’équilibre des finances publiques constitue un véritable tournant pour le pays, qui sortait il y a une décennie d’une période d’austérité brutale. L’effort initié en 2011, dans le sillage de la crise de la dette souveraine, se concrétise aujourd’hui par une baisse continue de la dette publique : de 93,6 % du PIB en 2024, elle devrait tomber à 90,2 % en 2025, puis 87,8 % en 2026.
Le Portugal rejoint ainsi le petit cercle des États membres capables d’afficher des comptes positifs sur plusieurs exercices consécutifs, à l’instar de l’Irlande ou de Chypre. Cette rigueur budgétaire est revendiquée par le ministre des Finances Joaquim Miranda Sarmento comme un socle de stabilité et d’attractivité économique.
Une croissance modeste mais continue
Après une progression de 2,1 % du PIB en 2024, l’économie portugaise devrait poursuivre sur sa lancée, sans accélération spectaculaire mais avec une trajectoire jugée solide par le gouvernement. Pour 2025, l’exécutif table sur une hausse de 2 %, suivie d’une amélioration à 2,3 % en 2026. Cette cadence, relativement stable, reflète à la fois une demande intérieure résiliente et un retour progressif de l’investissement privé, notamment dans les infrastructures et le logement.
L’inflation, qui a atteint 2,7 % cette année selon les estimations, devrait connaître un reflux maîtrisé, à 2,4 % en 2025 puis 2,1 % en 2026. Ces prévisions sont jugées crédibles par les analystes, même si elles restent soumises à des aléas extérieurs : tensions sur les matières premières, incertitudes géopolitiques ou ralentissement économique des partenaires commerciaux de la zone euro.
Côté emploi, le marché du travail affiche une résistance notable. Le taux de chômage, actuellement à 6,4 %, est attendu à 6,1 % en 2025, puis 6 % en 2026. Une amélioration progressive, portée par la reprise dans les services, le tourisme, mais aussi les exportations industrielles. Ce maintien à des niveaux historiquement bas marque un contraste net avec les années post-crise de la dette où le chômage dépassait les 16 %.
Allègement fiscal et soutien aux plus modestes

Malgré sa prudence budgétaire, le gouvernement entend poursuivre une politique de redistribution ciblée. Le budget 2026 prévoit une revalorisation du salaire minimum, ainsi que des pensions de retraite les plus faibles. Côté fiscalité, l’impôt sur le revenu sera allégé, avec une actualisation incomplète des tranches, permettant une baisse effective de la pression fiscale pour une large part de la population active. L’impôt sur les sociétés, lui, passe de 21 % à 20 %.
Un salaire minimum revalorisé pour stimuler la demande
Dans un contexte d’inflation maîtrisée et de croissance modérée, le gouvernement portugais poursuit sa stratégie de soutien au pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables. La principale mesure annoncée concerne la revalorisation du salaire minimum, qui passera à 920 euros bruts mensuels en 2026. Cette hausse de 5,2 %, par rapport à l’année en cours, s’inscrit dans la trajectoire déjà amorcée ces dernières années, avec pour objectif d’assurer un meilleur partage des fruits de la croissance.
Ce relèvement du salaire plancher vise à répondre à deux impératifs : soulager les ménages face au coût de la vie, et soutenir la consommation intérieure, moteur essentiel de la reprise économique. Le gouvernement souligne que cette mesure a été pensée pour rester compatible avec la compétitivité des entreprises, dans un environnement international toujours incertain.
Fiscalité revue et pensions de retraite revalorisées
Sans remettre en cause sa discipline budgétaire, l’exécutif a également prévu plusieurs ajustements fiscaux à visée redistributive. Les tranches de l’impôt sur le revenu ne seront que partiellement actualisées à l’inflation, ce qui induira une baisse effective de la pression fiscale pour une large partie de la population active. Cet allègement, bien qu’indirect, doit bénéficier principalement aux classes moyennes et aux ménages aux revenus modestes.
En complément, les pensions de retraite les plus faibles seront revalorisées dès 2026. Cette hausse, dont les modalités précises doivent encore être discutées au Parlement, devrait permettre à une partie des retraités de mieux faire face à l’érosion du pouvoir d’achat accumulée ces dernières années. Le gouvernement défend un ciblage social assumé, tout en maintenant le cap sur la réduction des déséquilibres structurels des comptes publics.
Un impôt sur les sociétés en baisse progressive
Le projet de budget 2026 confirme la trajectoire de réduction de l’IRC engagée par le précédent exécutif. Le taux standard de l’impôt sur les sociétés passera de 21 % à 20 % dès l’an prochain, une mesure qui s’inscrit dans une stratégie de moyen terme visant à renforcer l’attractivité fiscale du pays. Selon les projections, cette baisse devrait entraîner un manque à gagner de 199 millions d’euros, compensé en partie par une dynamique de croissance et de consommation soutenue.
Lisbonne espère ainsi attirer de nouveaux investisseurs et encourager la rétention des profits sur le territoire national, tout en allégeant la pression fiscale sur les entreprises domestiques. Si cette stratégie a été saluée par une partie du patronat, certaines organisations estiment néanmoins qu’elle reste insuffisante au regard des besoins de transformation structurelle de l’économie portugaise.
Logement et sécurité au cœur des arbitrages

Alors que le Portugal enregistre des excédents budgétaires successifs, le gouvernement doit désormais répondre à des attentes sociales de plus en plus pressantes, notamment dans le domaine du logement. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une enveloppe de 930 millions d’euros dédiée à la politique de l’habitat. Celle-ci doit financer à la fois la rénovation du parc existant et la construction de nouveaux logements publics, avec un accent mis sur les loyers modérés. En l’état, cependant, peu de détails concrets ont été communiqués, ce qui suscite une certaine réserve du côté des professionnels du secteur et des élus locaux, confrontés à la montée des tensions sur le terrain.
Une promesse de logements abordables sous contrainte
Le ministre des Finances a insisté sur la nécessité de « stimuler l’offre locative à prix accessible » sans pour autant imposer de mesures coercitives au secteur privé. Mais les effets d’annonce ne suffisent plus dans un contexte où les loyers continuent de progresser, notamment dans les grandes villes, sous l’effet combiné de la pénurie d’offre, du tourisme et du développement rapide des plateformes de location courte durée. Pour de nombreux jeunes actifs, la promesse d’un logement abordable reste encore hors de portée, malgré les dispositifs mis en place lors des dernières législatures.
Un virage sécuritaire pour ménager Chega
Autre poste budgétaire en nette progression : la sécurité intérieure, domaine devenu central dans les négociations parlementaires. Le gouvernement a annoncé une augmentation significative des crédits alloués aux forces de l’ordre, sans en préciser pour l’instant les montants exacts. Cette décision répond à une exigence politique : le soutien du parti d’extrême droite Chega, dont l’abstention ou l’adhésion partielle sera déterminante pour faire adopter le budget lors du vote en première lecture, prévu le 28 octobre prochain.
Une ligne de crête entre rigueur et concessions
En affichant une fermeté renforcée sur les questions sécuritaires, l’exécutif cherche à consolider un fragile équilibre parlementaire, tout en évitant les concessions trop marquées sur les sujets économiques. Mais cette stratégie comporte des risques : elle pourrait accentuer les critiques venant de la gauche, qui dénonce déjà un budget « socialement déséquilibré » au profit des intérêts électoralistes à court terme.
Dans ce contexte, l’orientation budgétaire du gouvernement reste sous haute surveillance : entre discipline des comptes et pressions politiques, Lisbonne tente de maintenir une ligne de crête. Le projet de budget dessine ainsi une économie vertueuse sur le papier, mais encore fragile dans ses fondations sociales.
Une réception contrastée, entre vertus budgétaires et fragilités politiques
Si le PSD (centre-droit) salue un budget qu’il qualifie de responsable, équilibré et propice à la stabilité économique, les critiques ne manquent pas. À gauche, l’opposition pointe l’insuffisance des réponses aux urgences sociales, notamment en matière de logement et de santé publique. Du côté des milieux économiques, la tonalité est plus nuancée : l’Association des entreprises portugaises (AEP) regrette l’absence de réformes structurelles fortes en faveur de l’investissement, de la compétitivité et de l’innovation.
Dans un contexte européen marqué par la dérive des déficits et le retour des contraintes budgétaires imposées par Bruxelles, le Portugal fait figure d’exception vertueuse. Mais cette exemplarité reste fragile. Le maintien d’un cap rigoureux suppose non seulement une croissance soutenue, mais aussi une majorité parlementaire capable de le porter jusqu’au bout. Or, entre négociations politiques tendues et attentes sociales grandissantes, l’année 2026 pourrait bien mettre à l’épreuve l’équilibre si patiemment construit depuis une décennie.
La loi de finances devra franchir l’obstacle parlementaire lors de son vote final prévu le 27 novembre. Dans un hémicycle sans majorité absolue, les tractations avec les forces d’appoint, notamment Chega ou le Parti socialiste, seront décisives. Le contenu du texte pourrait encore évoluer d’ici là, au gré des amendements et compromis politiques. Une épreuve de vérité pour l’exécutif de Luís Montenegro.







