Le Portugal s’apprête-t-il à remettre en question l’un des piliers de son attractivité internationale ? Le projet de réforme du dispositif Golden Visa, soutenu par le gouvernement le 24 octobre dernier 1, suscite de vifs débats, à la fois sur le plan juridique et constitutionnel. En ligne de mire : le prolongement du délai d’accès à la citoyenneté, qui passerait de 5 à 10 ans pour certains bénéficiaires. Si les modalités précises restent à définir, l’annonce a déjà provoqué l’inquiétude des investisseurs et des cabinets spécialisés, dans un contexte où le passeport portugais est devenu l’un des plus convoités au monde.
En bref :
- Le gouvernement portugais propose d’étendre de 5 à 10 ans le délai d’accès à la citoyenneté pour certains détenteurs du Golden Visa.
- Cette mesure suscite des inquiétudes juridiques et pourrait être jugée inconstitutionnelle si elle s’applique rétroactivement.
- Les autres avantages du programme restent inchangés : séjour réduit, libre circulation en Europe, fiscalité souple, investissement à partir de 500.000€.
- Des experts appellent les titulaires actuels à accélérer leur demande de citoyenneté avant toute entrée en vigueur de la réforme.
- La réforme pourrait être soumise à l’arbitrage du Tribunal constitutionnel si elle est adoptée par le Parlement.
- Le débat soulève des enjeux de sécurité juridique et de crédibilité du Portugal auprès des investisseurs internationaux.
Un changement de paradigme aux lourdes implications
Le Golden Visa portugais, lancé en 2012, a généré depuis plus de 9 milliards d’euros d’investissements directs dans l’économie nationale. Il permet à des citoyens non-européens, principalement fortunés, d’obtenir un permis de résidence en échange d’un investissement de 500.000 € dans des fonds agréés. Outre une résidence renouvelable tous les 2 ans, le programme donne accès à l’espace Schengen et, au bout de 5 ans, à la naturalisation. C’est ce dernier point qui cristallise désormais les tensions.
En soutenant l’allongement de ce délai de 5 à 10 ans, le gouvernement portugais cherche, selon ses détracteurs, à restreindre discrètement l’attractivité du dispositif sans en modifier frontalement les fondements. Or, cette modification pourrait affecter rétroactivement des milliers de candidats en cours de procédure. Pour Paul Stannard, PDG de Portugal Pathways, « l’impact est potentiellement énorme. Cela touche non seulement les attentes légitimes des investisseurs, mais remet aussi en cause la crédibilité juridique du Portugal auprès des acteurs internationaux ».
Une réforme à haut risque constitutionnel
Plusieurs juristes, dont le professeur Jorge Miranda, figure majeure de la Constitution portugaise de 1976, ont exprimé des doutes sur la légalité d’un tel changement. L’enjeu ? La rétroactivité. Appliquer à des situations en cours de traitement une nouvelle règle de citoyenneté reviendrait, selon eux, à violer des principes fondamentaux de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois. « Le cadre constitutionnel ne permet pas de changer les règles en cours de jeu », insiste un avocat spécialisé interrogé.
La procédure législative est encore loin d’être achevée. Si le Parlement entérine la réforme, le texte pourrait être soumis au président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, qui dispose du pouvoir de saisine du Tribunal constitutionnel. De nombreux experts anticipent une telle issue, estimant que les éléments d’inconstitutionnalité sont suffisamment sérieux pour que le texte soit, au minimum, partiellement rejeté.
Les fondamentaux du programme restent inchangés
Malgré cette incertitude, les règles du Golden Visa demeurent, à ce jour, inchangées. L’exigence d’un séjour minimum annuel de sept jours, les avantages liés à la mobilité européenne, le choix du statut fiscal (résidence fiscale au Portugal ou maintien du statut d’origine), ainsi que l’éligibilité par investissement dans des fonds approuvés restent pleinement en vigueur. Ces éléments expliquent la popularité persistante du programme, qui continue d’attirer une clientèle internationale, en quête à la fois de stabilité, de qualité de vie et d’accès européen.
« Il est crucial de rappeler que les autres bénéfices ne sont pas remis en cause, insiste Paul Stannard. Ceux qui sont déjà titulaires du visa doivent simplement accélérer leur demande de citoyenneté si les cinq années sont remplies. Attendre pourrait exposer à des incertitudes supplémentaires ».
Des enjeux économiques et réputationnels majeurs
La réforme soulève également une interrogation de fond : jusqu’à quel point un État peut-il modifier les conditions d’un contrat implicite établi avec des investisseurs étrangers ? Pour les défenseurs du programme, toute tentative de révision rétroactive affaiblirait la confiance des marchés dans le droit portugais. « Le Portugal a bâti sa croissance sur une image de sérieux juridique et d’ouverture aux capitaux internationaux. Menacer cela pour des raisons politiques serait un calcul à courte vue », estime un analyste du secteur immobilier.
Cette inquiétude n’est pas théorique. En 2023, le Tribunal constitutionnel avait déjà annulé une réforme limitant le regroupement familial pour les titulaires du Golden Visa. Cette jurisprudence pourrait serv







