Le 28 octobre 2025, le Parlement portugais a approuvé, à une large majorité, une réforme majeure de la loi sur la nationalité. Ce texte, soutenu par les partis de droite et du centre-droit (PSD, CDS, Chega et Iniciativa Liberal), introduit de nouveaux critères d’accès à la citoyenneté portugaise. Le débat parlementaire, tendu, a révélé des clivages profonds entre la majorité et les partis de gauche, qui dénoncent un durcissement injustifié de la législation.
Quelles sont désormais les règles pour devenir portugais ? Entre exigences linguistiques renforcées, conditions de résidence prolongées et fin de l’automaticité pour les enfants nés sur le sol national, cette réforme redessine les contours de l’identité civique portugaise. Voici un décryptage complet.
Un vote marqué par les clivages partisans
La réforme a été approuvée par 157 députés, contre 64 votes défavorables. Elle dépasse ainsi le seuil symbolique des deux tiers, bien au-delà de la majorité absolue nécessaire (116 voix). Cette adoption témoigne de l’alignement stratégique entre le PSD (Parti social-démocrate), le CDS (Parti populaire), Iniciativa Liberal et le parti d’extrême-droite Chega, dont plusieurs propositions ont été intégrées dans le texte final.
À gauche, l’ensemble des partis : PS (Parti socialiste), Livre, Bloco de Esquerda, PAN et le Parti communiste portugais, ont voté contre. Ils dénoncent une loi plus restrictive, susceptible de créer de nouvelles injustices administratives. Le seul député JPP (Parti des Personnes, des Animaux et de la Nature), Filipe Sousa, s’est distingué en votant en faveur du texte.
En séance plénière, une seule modification a été ajoutée par rapport à la version issue de la commission des affaires constitutionnelles 1 : une clause, soutenue par Chega, permettant de retirer la nationalité à ceux qui l’auraient obtenue de manière « manifestement frauduleuse ».
Une réforme qui durcit les critères d’accès

La mesure la plus marquante est l’allongement de la durée minimale de résidence légale requise pour faire une demande de naturalisation. Elle passe de 5 à 10 ans pour les étrangers, sauf pour les ressortissants des pays lusophones et de l’Union européenne, pour lesquels le délai est fixé à 7 ans.
Connaissance de la langue, de la culture et des symboles nationaux
La réforme introduit également une exigence nouvelle : les candidats à la nationalité devront prouver leur connaissance « suffisante » du portugais, mais aussi de l’histoire, de la culture et des symboles de la nation. Ce savoir devra être validé via un examen ou un certificat reconnu.
Cette disposition vise à renforcer le sentiment d’appartenance culturelle. Toutefois, plusieurs juristes s’inquiètent de la subjectivité des critères d’évaluation et du manque d’encadrement précis sur les modalités de certification. Livre a d’ailleurs exprimé son désaccord sur ce point précis.
Par ailleurs, la condition d’un casier judiciaire vierge reste en vigueur : les personnes condamnées à une peine de prison égale ou supérieure à 2 ans par une décision judiciaire définitive ne peuvent pas obtenir la nationalité portugaise.
Des conditions économiques et familiales plus restrictives
Autre nouveauté : il faudra désormais démontrer la possession de moyens de subsistance suffisants pour résider au Portugal. Cette clause, ajoutée par le PSD et le CDS, est perçue par l’opposition comme une concession directe au parti Chega, et pourrait pénaliser les personnes en situation de précarité ou les travailleurs migrants à faibles revenus.
Concernant les enfants nés sur le sol portugais, la loi devient plus stricte : ils ne pourront acquérir la nationalité que si au moins un de leurs parents a résidé légalement au Portugal pendant 5 ans. Cette disposition supprime donc l’automaticité précédemment garantie à tous les enfants nés sur le territoire, indépendamment du statut administratif des parents.
Enfin, une mesure phare du précédent cadre légal a été abrogée : les enfants nés au Portugal de parents en situation irrégulière ne pourront plus bénéficier d’une procédure de naturalisation facilitée. La suppression de cette possibilité est perçue comme un recul majeur par les associations de défense des droits des étrangers.
Des délais et une entrée en vigueur immédiate
Le PS avait proposé l’ouverture d’une période transitoire jusqu’à mars 2026 afin de permettre aux demandes en cours d’être traitées selon les anciennes règles. Cette demande a été rejetée par la majorité. La nouvelle loi entrera donc en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel, ce qui risque de bouleverser de nombreux dossiers en attente.
Un changement de paradigme
Au-delà de l’aspect juridique, cette réforme témoigne d’une volonté politique de redéfinir les contours de l’identité nationale. Le passage d’un modèle relativement inclusif à un système plus conditionnel reflète une évolution du débat politique portugais, désormais marqué par une plus grande attention aux critères d’intégration culturelle et économique.
La montée en influence du parti Chega a pesé sur le contenu final du texte, plusieurs de ses revendications ayant été reprises partiellement ou intégralement. Cette dynamique inquiète les partis de gauche, qui craignent une normalisation du discours anti-immigration au sein des institutions.
Les principales modifications apportées par la réforme
| Critère | Avant la réforme | Après la réforme |
|---|---|---|
| Durée de résidence légale requise | 5 ans | 10 ans (7 ans pour ressortissants lusophones et UE) |
| Connaissance du portugais | Exigée | Exigée + connaissances sur la culture, l’histoire et les symboles nationaux via test ou certificat |
| Casier judiciaire | Pas de condamnation grave | Rejet si peine de prison ≥ 2 ans par décision définitive |
| Ressources économiques | Non exigées | Preuve de moyens de subsistance obligatoire |
| Effet de la réforme | — | Entrée en vigueur immédiate (dès publication) |
| Nationalité automatique à la naissance | Oui, même si les parents sont en situation irrégulière | Non, au moins un parent doit résider légalement depuis 5 ans |
| Naturalisation des enfants de parents étrangers sans papiers | Possible sous certaines conditions | Supprimée (fermeture de cette possibilité) |
| Clause de retrait de nationalité | Non prévue | Prévue en cas d’obtention par fraude manifeste |
Vers une citoyenneté à géométrie variable ?
La nouvelle loi sur la nationalité au Portugal marque un tournant. Si certains y voient une clarification nécessaire et un alignement sur des standards européens plus rigoureux, d’autres dénoncent un repli identitaire et un durcissement inutile. Le débat est loin d’être clos, d’autant plus que les effets concrets de cette législation ne seront visibles qu’à moyen terme.
Pour les demandeurs de nationalité, l’enjeu est désormais clair : plus que jamais, l’acquisition de la citoyenneté portugaise repose sur un parcours administratif, linguistique et culturel exigeant, à la croisée de critères objectifs et d’interprétations politiques fluctuantes.







