Lisbonne engage une refonte discrète mais significative de sa politique de sécurité routière, en renforçant les obligations médicales et administratives imposées aux conducteurs âgés. Derrière une simple actualisation du Code de la route, se profile un débat sensible et européen : celui du maintien de la mobilité individuelle face au vieillissement de la population. Une réflexion d’autant plus pertinente que les enjeux sont similaires ailleurs, y compris en France.
Des revalidations plus fréquentes à partir de 60 ans
Selon le Code de la route portugais, les conducteurs titulaires du permis B (voitures particulières) doivent renouveler leur titre à 60, 65 et 70 ans, puis tous les 2 ans au-delà. Chaque revalidation impose la présentation d’un certificat médical confirmant l’aptitude à la conduite. Ce contrôle inclut systématiquement un test de la vision, qui peut donner lieu à des examens ophtalmologiques plus poussés en cas de doute.
La réforme de 2026 ne toucherait pas directement au contenu des évaluations, mais renforce leur fréquence et la rigueur de leur application. En cas d’échec à ces examens, la revalidation du permis peut être refusée, entraînant l’interdiction de conduire. Conduire avec un permis expiré expose à une amende de 120 à 600 euros.
Au-delà du délai : examen spécial obligatoire
Les conducteurs qui laissent passer plus de 2 ans entre la date limite de revalidation et leur demande de renouvellement doivent repasser un examen spécial de conduite. Au-delà de 10 ans, toute revalidation est exclue : le titre devient caduc et la capacité à conduire est juridiquement annulée.
Cette mesure vise à garantir que tout conducteur actif dispose des compétences physiques et mentales actualisées pour faire face à la complexité croissante de la circulation. Elle est aussi présentée comme une condition de responsabilité partagée entre l’usager et l’administration.
Des obligations spécifiques selon les activités
Pour les professions liées au transport (ambulanciers, chauffeurs de taxi ou de transport scolaire), une aptitude psychologique est requise en plus de l’attestation médicale. Le test est alors réalisé par un psychologue accédité et s’inscrit dans un cadre légal strict.
Ces exigences relèvent du « Groupe 2 », différencié du « Groupe 1 » qui concerne les conducteurs particuliers. Mais une autorité médicale peut exiger ponctuellement ce test pour certains cas dans le Groupe 1, en fonction du profil du conducteur.
Qu’en est-il des retraités étrangers résidant au Portugal ?

La réforme de la revalidation du permis de conduire soulève donc une question légitime pour les expatriés retraités installés au Portugal : seront-ils eux aussi concernés par ces contrôles médicaux renforcés à partir de 60 ans ? À ce jour, la législation portugaise s’applique indistinctement à tous les titulaires d’un permis portugais, quelle que soit leur nationalité. Cela signifie que les étrangers ayant échangé leur permis de conduire contre un permis portugais sont, en principe, soumis aux mêmes règles de renouvellement, de fréquence et de contrôle médical.
Cependant, le texte adopté en octobre 2025 par l’Assemblée de la République reste à ce stade imprécis quant à l’application effective de ces exigences pour les étrangers résidant de manière permanente mais titulaires de permis non portugais (s’ils ne l’ont pas échangé). Aucune disposition spécifique ne clarifie pour l’instant si des exceptions seront prévues pour les ressortissants de l’Union européenne ou pour les détenteurs de permis valides dans leur pays d’origine.
Une réforme inspirée des pratiques européennes
Le Portugal n’est pas isolé dans cette stratégie. En Espagne, les tests médicaux sont systématiques tous les cinq ans dès 65 ans. En Italie, la durée de validité du permis est raccourcie à partir de 70 ans, avec des contrôles plus poussés. En France, bien que la revalidation ne soit pas obligatoire pour les seniors, des voix s’élèvent pour renforcer la prévention chez les conducteurs âgés.
Le modèle portugais constitue ainsi un laboratoire pertinent pour les décideurs français, confrontés à la même pression démographique et aux mêmes impératifs de sécurité routière. La question du maintien de l’autonomie des seniors tout en préservant l’intégrité du système de circulation demeure un enjeu majeur.
Vers un nouveau dialogue entre santé et mobilité
Cette réforme souligne une évolution sociétale où la mobilité des individus âgés devient une variable de santé publique. En renforçant le rôle des professionnels de santé dans l’autorisation à conduire, le Portugal mise sur une approche plus prédictive des risques routiers. L’objectif est autant de prévenir les drames que de mieux accompagner la transition vers des alternatives de mobilité adaptées.
Le débat est appelé à s’intensifier dans les années à venir, alors que la gérontocratie de nos sociétés devient un fait démographique incontournable. La manière dont le Portugal anticipe ces mutations pourrait bien inspirer de futures politiques de mobilité en Europe.







