Portugal : 40 000 logements touristiques vont disparaître

alojamento local

Nous nous en étions déjà fait l’écho il y a quelques mois 1 : le Portugal entame enfin la phase décisive de son « nettoyage » administratif des hébergements touristiques de courte durée. En novembre, près d’un tiers des alojamentos locais (AL) inscrits au Registo Nacional de Alojamento Local (RNAL) devraient disparaître, soit plus de 40.000 licences annulées sur environ 125.000 existantes. L’opération, lancée par les municipalités sous la supervision du gouvernement, vise à mettre fin aux « registres fantômes » qui gonflaient artificiellement les statistiques du secteur.

Un système saturé de registres inactifs

Depuis des années, le registre portugais des hébergements touristiques est encombré par des milliers d’inscriptions dormantes. Ces unités, souvent jamais exploitées ou abandonnées, n’avaient pas été annulées par leurs propriétaires. Résultat : une image faussée du marché, sur laquelle se sont parfois appuyées les politiques publiques de logement. Eduardo Miranda, président de l’Association du logement local au Portugal (ALEP), parle d’un « processus de nettoyage » indispensable pour corriger ces écarts statistiques et rétablir la transparence du secteur.

Selon lui, dès le mois de novembre, les données officielles du RNAL devraient refléter « la situation réelle du marché ». L’ALEP estime que Lisbonne passera de 18.600 à environ 12.000 enregistrements actifs, et Porto de 10.600 à moins de 9000. Ces deux villes concentrent la majorité des locations touristiques urbaines du pays et ont été les premières à lancer la procédure de notification et de radiation.

Des propriétaires dépassés par les nouvelles obligations

À l’origine de ces annulations massives : le renforcement, en 2024, des exigences légales entourant la possession d’une licence d’AL. Depuis mars, chaque propriétaire doit fournir la preuve d’une assurance de responsabilité civile en cours de validité, via le portail gouvernemental gov.pt. Ce document vise à couvrir les dommages causés aux hôtes ou aux voisins dans le cadre de l’activité touristique.

Or, à la mi-octobre, seuls 70.000 des 126.000 établissements inscrits avaient rempli cette formalité. Près de 40.000 sont désormais sous le coup d’une procédure de suppression automatique, les municipalités ayant commencé à envoyer les avis de radiation. Les propriétaires disposent de 10 jours pour régulariser leur situation avant l’annulation définitive de leur licence. Une contrainte administrative qui, selon l’ALEP, pénalise surtout les retraités ou les propriétaires étrangers peu familiers des démarches numériques.

Lisbonne et Porto en première ligne

Dans la capitale, près de 7000 logements touristiques devraient disparaître des registres, soit 37 % des unités recensées. À Porto, la proportion sera bien moindre : la ville, plus rigoureuse dans ses inspections et ses contrôles antérieurs, ne devrait perdre qu’environ 15 % de ses licences. Dans le Sud, notamment dans l’Algarve où se concentre 40 % du total national, les autorités locales sont encore en phase de notification. Là aussi, l’impact devrait être significatif, avec près d’un tiers des licences annulées d’ici la fin de l’année.

Les mairies, explique Miranda, sont désormais passées à la « deuxième et troisième phase » du processus : envoi des notifications, puis ordres de radiation. Certaines ont pris du retard en raison des élections municipales, mais devraient reprendre un rythme normal d’ici novembre. Lisbonne figure parmi les municipalités pionnières ; son dispositif devrait être entièrement actualisé d’ici la fin de l’automne.

Une réforme qui s’inscrit dans un débat européen

Cette « purge » intervient alors que Bruxelles plaide pour une régulation plus stricte du marché des locations touristiques. Face à la tension croissante sur le logement dans plusieurs capitales européennes, la Commission a appelé en septembre à une harmonisation des règles encadrant les plateformes et les hébergements de courte durée. Le Portugal, durement touché par la flambée des loyers urbains, cherche à trouver un équilibre entre développement touristique et droit au logement.

Les données gonflées par des « registres fantômes » compliquaient jusqu’ici l’élaboration de politiques réalistes. Leur suppression pourrait clarifier les responsabilités entre État, municipalités et opérateurs privés. En parallèle, le gouvernement portugais travaille à une réforme du cadre fiscal de l’AL, afin de mieux distinguer les acteurs professionnels des propriétaires occasionnels, souvent accusés de contribuer à la rareté des logements à long terme.

Un tournant pour l’économie du tourisme portugais

Le secteur de l’alojamento local a joué un rôle majeur dans la relance du tourisme portugais après la crise financière. Mais sa croissance rapide, surtout dans les centres historiques, a entraîné une hausse des prix et une gentrification accélérée. La « mise à jour » du registre national n’est donc pas qu’une formalité : elle marque la volonté politique de mieux encadrer un modèle économique arrivé à maturité.

Reste à savoir si la réduction d’un tiers de l’offre enregistrée se traduira par une baisse réelle des locations touristiques, ou seulement par une régularisation comptable. Pour Eduardo Miranda, ce chantier administratif pourrait être l’occasion de rebâtir un secteur plus sain : « Les chiffres seront enfin réalistes, et les politiques publiques plus justes ». Une étape nécessaire, selon lui, pour que le Portugal conserve une offre touristique forte sans sacrifier sa cohésion urbaine.

En somme, l’automne portugais s’annonce décisif pour un modèle qui, après avoir dynamisé le pays pendant une décennie, cherche désormais à se réinventer dans un contexte européen de plus en plus contraignant.

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