Le programme portugais de résidence par investissement, plus connu sous le nom de Golden Visa, s’impose depuis plus d’une décennie comme l’un des dispositifs les plus attractifs d’Europe. Avec plus de 12.000 investisseurs étrangers et un apport cumulé dépassant 7,5 milliards d’euros depuis 2012, il a contribué à repositionner le pays sur la carte mondiale de l’investissement résidentiel. Mais les récentes réformes proposées par le gouvernement à l’été 2025 marquent un virage significatif, à la fois sur le plan économique et sociopolitique.
Un modèle européen de référence depuis 2012
Lancé au lendemain de la crise de la dette, le Golden Visa portugais a rapidement séduit les investisseurs internationaux en quête de stabilité et de mobilité. En échange d’un investissement initial, qu’il s’agisse d’un don de 200.000 €, d’une création d’entreprise ou d’une participation dans un fonds à hauteur de 500 000 €, les bénéficiaires obtiennent un permis de séjour leur permettant de vivre, travailler et circuler librement dans l’espace Schengen. Ce cadre souple, combiné à une fiscalité avantageuse et à une perspective d’accès à la citoyenneté au bout de 5 ans, a fait du Portugal un cas d’école au sein de l’Union européenne.
Contrairement à d’autres programmes européens jugés opaques ou excessivement sélectifs, Lisbonne a misé sur la transparence administrative et la diversité des options d’investissement. Les délais de traitement, compris entre huit et douze mois, ont contribué à entretenir la confiance des investisseurs, notamment venus de Chine, du Brésil, d’Afrique du Sud et plus récemment des États-Unis. Pour de nombreux candidats, la promesse d’un passeport européen en cinq ans constituait un argument décisif.
Vers une refonte de la loi sur la nationalité
Le 23 juin 2025, le gouvernement portugais a soumis au Parlement un projet d’amendement à la loi sur la nationalité, susceptible de modifier en profondeur les conditions d’accès à la citoyenneté pour les détenteurs de Golden Visa. L’un des changements les plus significatifs concerne le doublement de la durée minimale de résidence requise : de 5 à 10 ans avant de pouvoir déposer une demande de naturalisation.
Des exigences accrues pour la naturalisation
Au-delà du temps de résidence, les nouvelles conditions introduisent des critères linguistiques et civiques plus stricts. Les futurs candidats devront justifier d’un niveau B2 en portugais, attesté par un examen officiel, et réussir un test de connaissances civiques portant sur la culture, l’histoire et les institutions du pays. S’ajoute à cela l’obligation de présenter un casier judiciaire vierge de toute condamnation passible d’une peine d’emprisonnement. Ces exigences renforcées traduisent la volonté du gouvernement de privilégier une intégration réelle et durable au sein de la société portugaise.
Cette réforme, bien que saluée par une partie de l’opinion publique, suscite des interrogations parmi les investisseurs déjà engagés dans le programme. Plusieurs cabinets de conseil internationaux soulignent l’importance d’une période transitoire claire afin d’éviter toute insécurité juridique pour les dossiers en cours. La question du maintien des droits acquis pour les détenteurs actuels demeure d’ailleurs au cœur des discussions parlementaires.
Un basculement stratégique du capital vers les fonds
Le volet économique de la réforme n’est pas moins symbolique. L’exclusion définitive du secteur immobilier du dispositif, décidée en 2023 mais consolidée en 2025, oriente désormais le flux des investissements vers les fonds de capital-risque et de private equity. Cette évolution marque la fin d’une décennie de spéculation immobilière alimentée en partie par le Golden Visa, accusé d’avoir contribué à la flambée des prix du logement à Lisbonne et à Porto.
Les nouveaux véhicules d’investissement favorisent désormais des secteurs jugés plus productifs : innovation technologique, santé, énergies renouvelables ou encore industrie créative. Certains fonds se distinguent par une diversification originale, incluant des actifs atypiques tels que les voitures de collection ou l’art contemporain. L’objectif affiché du gouvernement est double : réorienter les capitaux étrangers vers l’économie réelle et réduire la pression sur le marché résidentiel national.
Un levier économique qui cherche un second souffle
Au-delà de la révision juridique, la question de fond demeure celle de la place du Golden Visa dans la stratégie économique du Portugal. Longtemps considéré comme un moteur d’attractivité financière, le programme est aujourd’hui appelé à se réinventer pour rester pertinent dans un contexte international plus exigeant en matière de transparence et de durabilité. Le glissement du capital vers des fonds d’investissement peut, à terme, renforcer le tissu entrepreneurial portugais, à condition que les flux financiers soient correctement canalisés et contrôlés.
Le défi pour Lisbonne sera de maintenir l’équilibre entre ouverture internationale et cohésion nationale. Si le Portugal parvient à transformer son modèle de résidence par investissement en outil de financement de l’innovation et de la transition économique, il pourrait bien redevenir, une décennie après la crise, un laboratoire européen d’attractivité maîtrisée.
Mais une chose est certaine : le temps des visas dorés adossés à la pierre touche à sa fin. Désormais, l’or du Portugal se mesure moins en mètres carrés qu’en capital humain et en projets créatifs.







