Lisbonne s’enorgueillit d’un nouveau parc urbain, le Jardim Campo de Ourique, inauguré discrètement le 31 mars dernier. Situé entre les quartiers des Amoreiras et de Campo de Ourique, ce nouvel espace vert promettait une respiration supplémentaire pour la capitale. Pourtant, les premiers retours du public sont teintés de scepticisme. Bruit incessant, accessibilité partielle, manque d’ombre… le tableau n’est pas tout à fait idyllique. Ce jardin, censé reconnecter les habitants à l’histoire hydraulique de la ville, a encore du chemin à faire pour devenir un lieu incontournable de détente.
Un jardin au pied de l’Aqueduc, mais au cœur du tumulte

Implanté sur l’ancien site de l’EPAL (la compagnie des eaux de Lisbonne), le Jardim Campo de Ourique s’inscrit dans une dynamique de revalorisation patrimoniale. Il jouxte le majestueux Aqueduto das Águas Livres et intègre dans son tracé un large passadiço piéton censé abolir la barrière entre deux quartiers autrefois déconnectés. Lors de l’inauguration, le maire Carlos Moedas a d’ailleurs souligné la dimension symbolique de ce pont urbain : “Cette passerelle a un sens. Elle unit la ville.”
Mais cette volonté d’unification se heurte à une réalité bien concrète : le jardin est situé en bordure de la très fréquentée A5, l’une des principales artères routières de la capitale. Et ce voisinage se fait entendre. De nombreux visiteurs ont déjà fait part de leur déception face au niveau sonore élevé, qui ruine toute tentative de détente. Entre vrombissements de voitures et grondements constants, l’ambiance bucolique espérée se transforme en véritable épreuve auditive.
Accessibilité et confort : les promesses restent à concrétiser
Au-delà du bruit, d’autres points d’achoppement ont été signalés. Le parcours piéton, bien qu’esthétique, est mal adapté aux personnes à mobilité réduite ou aux familles avec poussettes. Des escaliers abrupts et une barrière peu maniable rendent l’accès difficile, voire impossible pour certains usagers. Un comble pour un équipement public pensé comme inclusif.
Autre ombre au tableau : l’absence de zones ombragées. Si les infrastructures — parc pour enfants, aire pour chiens, kiosque avec terrasse — sont au rendez-vous, les plantations encore jeunes peinent à offrir un répit contre le soleil. En plein été lisboète, cela risque de se faire sentir. Il faudra sans doute plusieurs années avant que la végétation n’atteigne un stade suffisant pour créer de véritables îlots de fraîcheur.
Un projet entre patrimoine et écologie urbaine

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans ce projet. Le jardin abrite un élément peu connu mais essentiel du patrimoine lisboète : le Réservoir de Campo de Ourique. Construit à la fin du XIXe siècle, cet ouvrage hydraulique faisait partie intégrante du réseau d’approvisionnement en eau de la ville. Sa préservation et sa mise en valeur dans un espace public constituent une belle manière de relier histoire et modernité.
Par ailleurs, le jardin répond à une volonté claire de la municipalité : rééquilibrer la présence d’espaces verts dans la ville, notamment dans des zones densément peuplées. L’initiative s’inscrit dans un programme plus large de requalification urbaine durable, mené en partenariat avec EPAL, et visant à réconcilier nature, culture et urbanisme. L’idée de faire coexister détente, mémoire et mobilité douce est ambitieuse… mais encore imparfaitement réalisée ici.
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Entre attentes citoyennes et limites urbaines
Les premiers retours sur le Jardin Campo de Ourique témoignent d’un écart entre les objectifs affichés et la réception populaire. L’ambition écologique et patrimoniale est saluée, mais le quotidien des usagers soulève des frustrations légitimes : difficile d’apprécier un pique-nique ou un moment de lecture quand l’A5 gronde à quelques mètres. En même temps on allait pas non plus déplacer l’autoroute et ça les gens le savaient !
En somme, ce nouvel espace vert devra évoluer pour tenir ses promesses. Il faudra des ajustements techniques (meilleure isolation sonore, amélioration des accès), mais aussi du temps — pour que les arbres poussent, pour que les usages s’installent, pour que les habitants se l’approprient. Lisbonne a gagné un nouveau parc ; reste à savoir si celui-ci trouvera, à terme, sa place dans le cœur des Lisboètes.