Le géant mondial du luxe LVMH, dirigé par Bernard Arnault, 76 ans, et figure bien connue du paysage économique français, poursuit son expansion en Europe du Sud. Dernière opération en date : l’acquisition du centre commercial Nosso Shopping, situé à Vila Real, dans la région du Douro, pour un montant de 78,83 millions d’euros. Une opération qui illustre la stratégie de diversification patrimoniale du groupe et son intérêt croissant pour le marché portugais.
Une acquisition stratégique dans le nord du Portugal
L’acheteur de ce centre commercial n’est autre que L. Catterton, le bras financier du groupe LVMH en matière d’investissement, qui co-investit régulièrement avec la famille Arnault. Situé dans une zone dépourvue de concurrence dans un rayon de 100 kilomètres, Nosso Shopping représente un actif stratégique en matière de retail régional. Avec 21 000 m² de surface locative et 1 000 places de stationnement, il attire des enseignes phares telles que FNAC, Tous, Sportzone, les marques du groupe Inditex, ainsi qu’un hypermarché Alcampo, des cinémas Nos et plusieurs chaînes de restauration.

L’immeuble se distingue par son architecture moderne et ses trois niveaux commerciaux. Pour Trajano Iberia 1, l’ancien propriétaire, il s’agit d’une sortie fructueuse. Acquis en 2015 pour 53 millions d’euros, le centre a atteint 100 % d’occupation grâce à une gestion rigoureuse, condition qui a grandement facilité la cession à un acteur de poids comme LVMH
LVMH, une présence de plus en plus visible au Portugal
Si l’image de LVMH évoque avant tout les vitrines de Louis Vuitton ou de Christian Dior sur les grandes avenues parisiennes, le groupe est aussi un acteur discret mais efficace du développement immobilier et touristique à l’international. Lisbonne concentre aujourd’hui plusieurs de ses marques de prestige sur l’Avenida da Liberdade, à l’image de Loewe, Bvlgari, Sephora ou Fenty, tandis que Dior y a ouvert sa première boutique en 2023, dans le prestigieux bâtiment Alegria One.

Dans le secteur hôtelier, LVMH a acquis Reid’s Palace à Madère, joyau de l’hôtellerie historique, à travers le rachat du groupe Belmond. Le groupe ne se contente plus de vendre du luxe ; il l’incarne dans les lieux mêmes où il s’installe. C’est une stratégie globale qui allie visibilité, ancrage patrimonial et diversification prudente.
Le savoir-faire portugais prisé par LVMH : usines, ateliers et excellence locale
On ne peut plus parler de la présence de LVMH au Portugal sans évoquer sa base industrielle de plus en plus affirmée. Au-delà des investissements dans l’immobilier commercial, le géant du luxe s’appuie depuis plusieurs années sur le savoir-faire textile et cuir portugais pour la fabrication de ses produits haut de gamme.
Le groupe opère ainsi trois usines de chaussures au nord du pays, à Ponte de Lima (ouverte en 2011), Santa Maria da Feira et Penafiel. Ces ateliers spécialisés produisent notamment des modèles pour Louis Vuitton, avec une attention particulière portée à la qualité artisanale et à la montée en gamme des matériaux. Ces sites industriels s’intègrent dans la célèbre « Shoe Valley« , cette vallée du cuir où cohabitent savoir-faire traditionnel et innovation technologique.

Mais ce n’est pas tout. Le partenariat avec le groupe Jade, consolidé sous l’impulsion de LVMH, représente plus de 400 collaborateurs sur trois sites de production. Ces structures, discrètes mais stratégiques, produisent une part importante des collections textiles des maisons du groupe.
Enfin, difficile d’ignorer la place de Petratex, l’un des sous-traitants les plus réputés du pays, basé près de Paços de Ferreira. À la fois innovant et respecté pour ses processus hautement qualitatifs, il fournit depuis des années plusieurs marques prestigieuses comme Dior, Balenciaga et Louis Vuitton. Même Hermès est client. Cette coopération discrète mais solide entre la haute couture française et les manufactures portugaises illustre une stratégie industrielle réfléchie ; le Portugal devient ici un partenaire, plus qu’un simple atelier délocalisé.
Entre Barcelos, Braga et Guimarães, c’est donc tout un écosystème textile et cuir qui s’est développé, propulsant cette région au rang de pilier de la production européenne de luxe. LVMH ne s’y est pas trompé, ancrant dans ces territoires une production agile, exigeante, et déjà tournée vers l’avenir.
Une stratégie cohérente et discrète d’implantation régionale
En investissant dans un centre commercial à Vila Real, loin des grandes métropoles côtières, LVMH démontre qu’il ne réserve pas ses ambitions aux seules capitales. C’est aussi une manière de s’insérer dans les territoires, de capter une clientèle locale fidèle et de miser sur des actifs immobiliers à fort potentiel, loin de la spéculation urbaine des grandes villes. Ce choix reflète une tendance plus large observée chez les grands groupes : investir dans des villes secondaires mais dynamiques, là où le foncier reste attractif et les perspectives solides.
Ce choix reflète une tendance plus large observée chez les grands groupes : investir dans des villes secondaires mais dynamiques
Cette opération s’inscrit dans la liquidation progressive du portefeuille de Trajano Iberia, qui vient de vendre un autre centre commercial, Alcalá Magna (près de Madrid), pour 96,3 millions d’euros au groupe sud-africain Lighthouse Properties. En moins d’un an, la société espagnole a cédé ses deux actifs majeurs, confirmant l’appétit d’investisseurs internationaux pour les lieux commerciaux solides et bien gérés dans la péninsule ibérique.
Bernard Arnault : un œil sur le Portugal
À travers ces initiatives, Bernard Arnault confirme son intérêt pour le Portugal, pays perçu comme stable, attractif et en plein renouveau économique. Alors que la France connaît une saturation dans l’immobilier commercial haut de gamme, le Portugal offre encore des opportunités de valorisation. La fiscalité avantageuse, la dynamique touristique et le rayonnement croissant des villes portugaises dans les classements internationaux renforcent ce choix d’implantation.

Ce mouvement s’inscrit également dans une volonté d’internationalisation discrète mais maîtrisée du portefeuille de LVMH. En se positionnant comme propriétaire de lieux emblématiques – qu’ils soient culturels, hôteliers ou commerciaux – le groupe assoit une forme de souveraineté économique qui dépasse le luxe au sens strict. C’est un écosystème global que Bernard Arnault déploie, mêlant branding, immobilier et ancrage territorial.
Un pari portugais qui s’annonce gagnant
En investissant dans un actif structurant comme Nosso Shopping, LVMH ne fait pas que diversifier ses placements : il envoie un signal clair. Le Portugal n’est plus seulement une destination de villégiature ou de boutiques haut de gamme ; c’est un terrain d’avenir, à fort potentiel de développement et d’attractivité. Et si Bernard Arnault s’y intéresse, c’est peut-être le moment pour d’autres investisseurs de suivre son exemple. Avec cette acquisition, LVMH confirme qu’il n’a pas seulement l’œil sur les podiums, mais aussi sur les plans d’urbanisme…
- Trajano Iberia : société espagnole cotée, gérée par DWS (la division de gestion d’actifs de Deutsche Bank) ↩︎