Lisbonne couronne le meilleur pastel de nata 2025

Ils étaient douze. Douze finalistes, sélectionnés avec rigueur parmi les meilleures pastelarias de la région de Lisbonne, tous porteurs d’un savoir-faire sucré ancestral et d’une ambition bien moderne. Le suspense était à son comble depuis la publication de la liste des prétendants au trône pâtissier il y a quelques semaines, suscitant des débats passionnés sur les places lisboètes et dans les cuisines des fins gourmets. Ce 6 octobre 2025, le verdict est tombé, au cœur des Jardins du Palácio do Marquês de Pombal, à Oeiras, lors du prestigieux Congrès de Cozinha : le pastel de nata de la Pastelaria Aloma a une nouvelle fois conquis le sommet.

Aloma : la consécration d’une légende lisboète

Fondée en 1943 dans le quartier de Campo de Ourique, la Pastelaria Aloma n’en est pas à son premier exploit. C’est même la 5ème fois qu’elle remporte ce concours exigeant, confirmant son statut de véritable institution dans l’univers des douceurs portugaises. Son propriétaire, João Castanheira, évoque avec émotion un succès fondé sur la répétition de l’excellence : « Le secret ? Faire le bien, encore et encore, avec des produits de qualité. » Cette philosophie artisanale, presque monacale, se retrouve dans chaque bouchée : un équilibre entre la croustillance parfaite de la pâte et la douceur onctueuse de la crème, juste assez caramélisée en surface.

Le jury, présidé par le gastronome Virgílio Nogueiro Gomes, a évalué les candidats à l’aveugle, selon des critères méticuleusement établis : aspect (dont la base bien enroulée sans brûlure), texture de la pâte (qui doit craquer sous la dent), saveur et consistance de la pâte (dégustée seule), qualité du recheio (la crème), et enfin l’harmonie gustative globale. La dégustation se fait à température ambiante, loin des distractions du chaud, pour une appréciation plus juste des saveurs.

Le meilleure pastel de nata de Lisbonne

Le concours « Melhor pastel de nata » ², lancé en 2009, a pour objectif d’honorer un symbole de la culture culinaire lisboète. Chaque victoire peut transformer l’avenir d’un établissement. À titre d’exemple, une ancienne lauréate est passée de 700 à 2000 unités vendues par jour après sa distinction. La reconnaissance n’est donc pas seulement gustative ; elle est aussi économique, presque révolutionnaire pour certaines maisons.

Cette année encore, les 12 finalistes incluaient des noms prestigieux : la Casa do Padeiro (Queluz), O Pãozinho das Marias (Ericeira), ou encore la Confeitaria Glória (Amadora), qui complètent le podium 2025. Toutes proposent des versions du pastel de nata respectueuses de la tradition, mais distinctes dans leur interprétation du feuilletage ou du point de cuisson du flan.

Quand la pâte devient territoire

Au-delà de la compétition, ce concours est un manifeste culinaire et culturel. Il réaffirme une vérité chère aux puristes : le pastel de nata est lisboète. « Il fait partie de notre identité », martèle Virgílio Gomes, fervent défenseur de l’orthodoxie pâtissière. La question de sa déclinaison au chocolat, récemment soulevée, a été catégoriquement rejetée par ce dernier, soucieux de préserver la définition exacte de cette icône gustative. Car, comme toute œuvre d’art, le pastel de nata a ses règles, ses limites et son essence.

Une épreuve aux allures de rituel

Chaque édition du concours se déroule comme une véritable cérémonie. Tout commence par la phase d’inscription, réservée aux établissements ayant un atelier de fabrication propre, situés dans la zone métropolitaine de Lisbonne. Les sélections initiales, réalisées au Centre Lexus entre le 9 et le 11 septembre, permettent de repérer les plus prometteurs. Mais seuls les 12 meilleurs accèdent à la grande finale, publique, face à un jury composé de pâtissiers, critiques, blogueurs et personnalités de la gastronomie.

Cette année, le jury comprenait notamment Davide Cunha, primé par l’Académie de Gastronomie, Beatriz Matias (L’AND Vineyards), Lara Figueiredo (MACAM), la blogueuse Isabel Zibaia Rafael, Paulo Amado (Éditions do Gosto) et l’animatrice Joana Barrios. Tous ont dégusté à l’aveugle, dans une atmosphère de concentration et de respect. Aucun nom, aucune origine ne filtre avant le classement final ; seul compte le goût, le vrai.

La revanche du « flan feuilleté »

Si l’on connaît l’engouement mondial pour les pastéis de nata, de Tokyo à Toronto, peu de concours leur rendent un hommage aussi rigoureux. À Lisbonne, il ne s’agit pas de simple gourmandise, mais d’un patrimoine vivant. Le pastel de nata est un condensé de culture, de technique, d’histoire. Chaque détail compte : le brunissement de la surface, le souffle d’air entre les feuillets, la légèreté du lait infusé de citron ou de cannelle.

Des établissements comme Aloma en font leur drapeau, mais d’autres lieux aspirent aussi à cette reconnaissance. On pense à la Padaria da Né (Damaia), finaliste pour la deuxième année consécutive, ou à la Pastelaria Batalha, déjà couronnée en 2024. Toutes montrent que l’excellence n’est pas l’apanage d’un seul quartier ; elle se niche là où le soin est roi, où chaque fournée est un acte d’amour.

Enfin, il faut noter l’impact économique majeur de cette distinction. Pour une maison lauréate, la victoire équivaut à un label d’excellence, visible sur les devantures, et convoité par les touristes comme par les locaux. C’est aussi une fierté pour la communauté, un sujet de conversation, une confirmation que, parfois, le meilleur du monde est à deux rues de chez soi.

Une victoire lisboète, un écho national

Si le concours est exclusivement lisboète, son aura dépasse largement les frontières de la capitale. Des pastelarias d’autres régions, comme Porto, s’inspirent du modèle et adaptent leurs propres concours (comme celui du croissant à la mode de Porto). Les boutiques nées à Lisbonne, elles, essaiment : Aloma possède aujourd’hui des antennes à Vila Nova de Gaia, preuve que le pastel de nata, même enraciné dans la ville blanche, sait voyager sans trahir son âme.

Récapitulatif des finalistes 2025 :

Un joyau simple, au cœur de l’identité portugaise

Le pastel de nata n’est pas une simple pâtisserie. C’est un symbole national, un fragment de l’histoire lisboète servi dans une caissette de papier. Ce concours, au-delà de la récompense, rappelle combien l’humilité d’un dessert peut porter haut une ville, une tradition, un peuple. Et cette année encore, le peuple du feuilleté a parlé : la couronne reste à Aloma. Prochaine dégustation ? À Lisbonne bien sûr, là où la pâte feuilletée a l’accent du Tage et le sucre, la mémoire de siècles de douceur.