Au cœur de la vallée du Côa, au nord-est du Portugal, une étude récente apporte un éclairage inattendu sur la lutte contre les incendies de forêt. Pendant trois ans, des chercheurs ont observé les effets du pâturage naturel par des chevaux semi-sauvages, notamment les Sorraia, sur la gestion des paysages méditerranéens. Résultat : ces herbivores endémiques participent activement à la réduction du risque d’incendies, tout en favorisant la biodiversité. Un modèle de réensauvagement (rewilding) qui séduit de plus en plus d’acteurs engagés dans la régénération des milieux naturels.
Un allié inattendu dans la prévention des incendies
L’étude, menée dans deux zones de réensauvagement (Vale Carapito et Ermo das Águias) a montré que les chevaux contribuent à limiter les départs de feux en broutant la végétation basse. Ce rôle est particulièrement crucial dans les régions méditerranéennes, confrontées à des températures extrêmes et à l’abandon progressif de l’agriculture traditionnelle. En l’absence de pâturage, les prairies se transforment en combustibles à ciel ouvert. Les Sorraia, robustes et autonomes, permettent ainsi de restaurer un équilibre naturel autrefois assuré par les troupeaux d’élevage traditionnels.
Les chevaux contribuent à limiter les départs de feux en broutant la végétation basse
Les chercheurs ont comparé les zones pâturées et des parcelles témoins clôturées. Le contraste est net : dans les zones avec chevaux, la hauteur et la densité de la végétation ont nettement diminué. Ce simple mécanisme naturel suffit à ralentir la propagation du feu. En revanche, leur action est plus limitée sur les broussailles ligneuses. C’est pourquoi l’étude suggère d’introduire une combinaison de grands herbivores pour une efficacité maximale : chevaux, cerfs, bisons ou bovins rustiques.
Un maillon clé dans la chaîne de la biodiversité

Au-delà de la gestion du feu, les Sorraia jouent un rôle écologique fondamental. En créant une mosaïque d’habitats diversifiés, ils permettent le retour d’une flore variée et de pollinisateurs essentiels. Le piétinement des sols, les excréments et la dispersion des graines favorisent également le renouvellement du sol et la croissance d’espèces végétales autochtones.
Une renaissance écologique en marche
Le projet mené par Rewilding Portugal 1 s’inscrit dans une vision plus large portée par l’organisation européenne Rewilding Europe 2. Depuis 2011, cette initiative vise à réintroduire des chevaux semi-sauvages dans divers écosystèmes, du Przewalski en Espagne au Konik en Bulgarie. La vallée du Côa est l’un des fleurons de ce réseau. Là, le Sorraia n’est pas seulement un outil de gestion écologique : il devient un symbole du patrimoine vivant portugais.
Les résultats scientifiques ne laissent pas place au doute. Dans les deux zones testées, la diversité des plantes à fleurs a augmenté, attirant davantage de papillons et d’abeilles. Mieux encore : la matière organique dans le sol s’est enrichie, condition essentielle à la résilience des écosystèmes post-incendie. À Ermo das Águias, ancienne zone sinistrée, la régénération naturelle s’opère grâce au passage tranquille des chevaux.
Un atout aussi pour les communautés locales
La présence de ces chevaux n’est pas seulement bénéfique pour l’environnement. Elle attire de plus en plus de touristes sensibles aux valeurs de l’écotourisme et du tourisme de nature. Les Sorraia, au pelage gris et à la silhouette singulière, fascinent les visiteurs. Dans certaines zones de rewilding, leur observation devient une activité en soi, générant des revenus complémentaires pour les communautés rurales.
Par ailleurs, cette stratégie de réensauvagement contribue à redonner vie à des territoires longtemps désertés. Elle renforce aussi la perception positive d’un équilibre retrouvé entre nature et activité humaine, et invite à repenser les outils de prévention en intégrant davantage les dynamiques écologiques locales.
Une approche qui pourrait s’étendre en Europe
Le rapport publié en 2023 par Rewilding Europe offre un guide de référence pour tous les projets visant à réintroduire des chevaux dans les paysages européens. Il s’adresse aux ONG, collectivités locales, agriculteurs ou parcs naturels désireux de reconnecter les écosystèmes à leurs herbivores naturels. Cette méthode de gestion par la nature elle-même pourrait bien devenir un pilier des politiques d’adaptation climatique dans les zones sensibles.
Impact écologique des chevaux Sorraia
Fonction | Effet observé |
---|---|
Réduction des herbacées inflammables | Prévention des feux de forêt |
Piétinement et fertilisation naturelle | Amélioration de la qualité des sols |
Dispersion de graines | Restauration de la biodiversité végétale |
Favorisation des pollinisateurs | Augmentation des plantes à fleurs |
Attractivité touristique | Valorisation des paysages et économie locale |
Dans un contexte où le climat s’emballe et les feux gagnent en intensité, le retour des chevaux semi-sauvages dans la vallée du Côa incarne une solution à la fois ancestrale et innovante. Ce modèle de rewilding, ancré dans la réalité portugaise, résonne bien au-delà des frontières. Il rappelle que parfois, la meilleure réponse à nos crises modernes réside dans le réapprentissage des équilibres naturels.
- Rewilding Portugal : https://rewilding-portugal.com/ ↩︎
- Rewilding Europe : https://rewildingeurope.com/ ↩︎