Le Portugal envisage 30% de zones marines classées d’ici 2026

protection fonds marins portugal

Depuis les crêtes volcaniques des Açores jusqu’aux abîmes du banc Gorringe, les eaux portugaises couvrent un territoire bien plus vaste que ses terres émergées. En s’apprêtant à classer 30 % de cette immensité bleue en aires marines protégées d’ici 2026, le Portugal affirme son ambition d’être un pionnier de la conservation océanique en Europe. En devançant de 4 ans ses propres engagements fixés pour 2030, le pays insulaire au passé maritime imposant renoue avec sa vocation d’avant-poste atlantique tourné vers l’avenir.

Un territoire bleu en voie de sanctuarisation

plongée

Le point d’orgue de cette stratégie environnementale est la création de la réserve naturelle marine Madeira-Tore et du banc Gorringe. Ce vaste ensemble, qui s’étend sur environ 200.000 km², relie symboliquement le cap Saint-Vincent, à l’extrême sud-ouest du continent, à l’archipel de Madère. C’est un corridor d’une biodiversité insoupçonnée, où les monts sous-marins et les plaines abyssales forment des refuges naturels pour de nombreuses espèces menacées.

Le Portugal portera à 30 % la part de ses eaux marines sous statut protégé

Le ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Maria da Graça Carvalho, a souligné que ces zones « sont de véritables nurseries pour les poissons« , ajoutant que leur protection est aussi essentielle à la durabilité de la pêche. Les modalités techniques et juridiques de cette classification seront finalisées d’ici décembre, avant une phase de consultation publique et une déclaration officielle attendue pour 2026.

Par cette mesure, le Portugal portera à 30 % la part de ses eaux marines sous statut protégé. Une avancée saluée tant par les institutions européennes que par les ONG environnementales.

Une ambition écologique, mais aussi économique

madere

Si l’enjeu premier reste la conservation de la biodiversité, le gouvernement ne cache pas ses espoirs en termes de retombées économiques. Le secrétaire d’État à la mer, Salvador Malheiro, rappelle que « la mer représente déjà 5 % du PIB national« . L’écotourisme, la plongée, le nautisme, mais aussi la recherche scientifique devraient bénéficier directement de ces nouveaux sanctuaires marins.

Des partenariats sont envisagés avec des centres universitaires, ainsi qu’avec des entreprises de surveillance maritime. Le contrôle de ces aires reste en effet un défi, notamment face à la pression de la pêche industrielle ou à la présence de navires étrangers. Des systèmes de suivi satellitaire, couplés à des patrouilles locales, devraient être mis en place pour prévenir les infractions.

Les zones pleinement protégées : objectif 10 %

Le gouvernement portugais ne s’arrête pas là. Si les 30 % d’aires marines protégées représentent un objectif quantitatif ambitieux, l’État vise désormais 10 % de zones pleinement protégées, où toute activité extractive serait interdite.

Actuellement, ces zones strictement interdites d’accès ne couvrent que 2 à 3 % du domaine maritime portugais. Leur délimitation exige un travail scientifique précis et une concertation avec les collectivités locales. Mais le cap est fixé : sanctuariser durablement des écosystèmes sensibles pour préserver la résilience de l’océan face au changement climatique.

Une gouvernance multi-niveaux en construction

L’expérience acquise sur des projets précédents, comme le parc naturel marin de Pedra do Valado en Algarve ou le réseau des aires protégées des Açores, montre l’importance d’une gouvernance partagée. Entre État central, régions autonomes, ONG, pêcheurs et citoyens, la gestion efficace de ces espaces suppose dialogue et transparence.

Le financement provient en partie du Fonds environnemental portugais, en attente d’accord avec l’archipel des Açores. La surveillance est un enjeu majeur, notamment face aux navires étrangers. Le ministère de l’Environnement a déjà annoncé un renforcement des coopérations européennes pour prévenir les violations dans les zones sensibles.

Un leadership européen assumé

Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large, à l’échelle de l’Union européenne. Le 26 octobre dernier, les dirigeants européens se sont engagés vers une réduction nette de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. Une étape clé vers la neutralité carbone en 2050.

Le 26 octobre dernier, les dirigeants européens se sont engagés vers une réduction nette de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040

Lors d’une rencontre avec Teresa Rivera, vice-présidente de la Commission européenne, Maria da Graça Carvalho a plaidé pour l’inclusion anticipée des crédits carbone issus de projets au Cap-Vert ou à Sao Tomé-et-Principe. Le Portugal souhaite que ces investissements internationaux puissent être comptabilisés dès 2031, et non 2036 comme prévu initialement.

Cela traduirait une reconnaissance du rôle que les petits États peuvent jouer dans les équilibres climatiques planétaires. Et conforterait le Portugal dans son positionnement de laboratoire environnemental de l’Atlantique.

Vers une océanopolitique éclairée

Le Portugal, pays d’explorateurs et de marins, semble vouloir aujourd’hui protéger ce qu’il a autrefois conquis. Avec 30 % de son espace maritime placé sous protection d’ici 2026, il envoie un signal fort : celui d’une volonté politique ancrée dans la durée, à rebours des cycles électoraux court-termistes.

Si les défis restent nombreux, surveillance, financement, implication des acteurs locaux, l’exemple portugais montre qu’une politique maritime ambitieuse et concertée est possible. Une véritable océanopolitique qui redonne à la mer toute sa place dans la transition écologique mondiale.


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