Faial, l’île bleue des Açores

Au cœur de l’archipel des Açores, Faial se distingue comme un véritable joyau maritime. Avec ses 173 km² et ses quelque 15.000 habitants, elle offre une intimité insulaire sans sacrifier son ouverture au vaste monde. Surnommée l’île bleue en raison de l’abondance des hortensias de toutes nuances qui habillent ses vallées et ses collines, elle enchante le voyageur d’un mélange subtil de puissance géologique et de douceur végétale.

Son nom lui vient du portugais faia, le hêtre, autrefois présent en nombre sur ses flancs. C’est un clin d’œil discret à un passé végétal aujourd’hui presque supplanté par les rhododendrons et hortensias rimés au climat océanique.

Faial est également la dernière étape européenne avant l’infini de l’Atlantique : posée à la limite des plaques tectoniques européenne et nord-américaine, elle révèle ses entrailles volcaniques et ses falaises sombres dans un dialogue permanent avec la mer.

Les grandes lignes de l’histoire de Faial

Des colons flamands au cœur de l’Atlantique

Découverte officiellement avant 1460, Faial fut peuplée à partir de 1465 par une communauté de colons venus des Flandres, conduite par Josse van Huerter. Installés dans la vallée de Flamengos, ces pionniers flamands introduisirent de nouvelles méthodes agricoles et structurèrent les premières communautés. Leur présence est encore perceptible dans la toponymie, les traditions et certaines techniques rurales. L’île prend alors son élan, façonnée par les vents atlantiques et une fertilité rendue possible grâce à la cendre volcanique.

Une île de transit entre continents

Dès le XVIIIᵉ siècle, Horta devient un port majeur sur les routes commerciales transatlantiques. La ville s’impose comme une escale stratégique pour les baleiniers américains et les navires de commerce européens. Au XIXᵉ siècle, l’influence de la famille Dabney, diplomates et négociants américains, transforme Faial en véritable carrefour maritime entre les Açores et les États-Unis. Ils exportent vin du Pico, huile de baleine, oranges, et accueillent les baleiniers en escale. Leur empreinte économique et culturelle marque durablement l’île.

Une mémoire volcanique toujours vive

Entre 1957 et 1958, l’éruption du volcan de Capelinhos bouleverse le paysage de Faial. En quelques semaines, une nouvelle langue de terre surgit, recouvrant maisons, terres agricoles et jusqu’au phare de Capelinhos, à moitié englouti. Cette catastrophe naturelle déclenche une vague d’émigration vers les États-Unis mais laisse aussi un site géologique exceptionnel. Aujourd’hui, le Centre d’interprétation du volcan ¹ attire géologues et visiteurs curieux de comprendre la genèse des îles et la puissance du feu sous-marin.

Une île pionnière des télécommunications

À la fin du XIXᵉ siècle, Faial joue un rôle crucial dans l’histoire des communications modernes. Grâce à l’installation de câbles sous-marins reliant l’Europe et l’Amérique, Horta devient un point de relais international du télégraphe, puis des premières communications radio. Les messages entre continents passent littéralement sous ses pieds. En 1919, l’île entre dans l’histoire de l’aviation avec l’amerrissage du NC4, premier avion à avoir traversé l’Atlantique avec escale dans la baie de Horta.

De la chasse à la baleine au tourisme durable

Jusqu’à la fin du XXᵉ siècle, la chasse à la baleine est une activité majeure à Faial et Pico. Pratiquée à bord de barques traditionnelles, elle alimente l’économie locale en huile, viande et os. Mais les temps changent. Aujourd’hui, ce passé devient atout touristique : les musées des baleiniers et les excursions d’observation des cétacés sont au cœur d’une nouvelle économie plus respectueuse de l’environnement. Faial s’est ainsi reconvertie en pionnière de l’écotourisme maritime dans les Açores.

Un éventail d’expériences à vivre

La caldeira de Faial

Au centre de l’île, la caldeira du Cabeço Gordo domine le paysage : un cratère circulaire de 400 mètres de profondeur qui offre une randonnée spectaculaire. Faire le tour prend environ deux heures. Pour les plus aventureux, la descente dans le cratère est possible avec guide. Le panorama embrasse alors Faial, ses collines, ses hameaux, et même l’île voisine de Pico dans la brume.

Horta, port cosmopolite

Horta, capitale de l’île, est le point de contact entre l’élément terrestre et l’élément marin. Sa marina, mondialement réputée, est tapissée de peintures laissées par des marins du monde entier. Le Peter Café Sport, institution depuis 1918, est le cœur social de ce microcosme voyageur : ici se croisent marins, aventuriers, curieux. À proximité, le musée de l’île, la Igreja São Salvador et les rues limpides révèlent l’âme culturelle de Faial.

Capelinhos, mémoire volcanique

À l’extrême ouest, le volcan de Capelinhos porte le souvenir d’une éruption terrestre et sous-marine. Le paysage est lunaire, les roches encore noires, et le Centre d’Interprétation construit parmi les cendres transforme la visite en immersion géologique. Le phare submergé, les strates visibles, les cristaux extraits, tout raconte la naissance récente d’un bout d’île.

Observation des cétacés

Entre avril et octobre, les eaux profondes au large de Faial deviennent le théâtre discret d’un ballet majestueux, où baleines et dauphins glissent à la surface avec une élégance presque irréelle. Parmi les espèces les plus fréquemment observées figurent le dauphin commun, le grand dauphin, mais aussi, plus impressionnants encore, les cachalots et parfois les rorquals. Les guides locaux, souvent d’anciens baleiniers reconvertis, veillent à une approche éthique et respectueuse de la faune, sans jamais perturber les migrations naturelles. Les sorties en mer s’accompagnent souvent d’explications sur la géologie volcanique de Capelinhos, et parfois de séances de pêche artisanale, offrant ainsi une expérience complète entre science, tradition et émerveillement.

Plages, piscines naturelles et rivages volcaniques

Faial ne rivalise pas avec les plages tropicales, mais ses rivages de sable noir, ses criques austères et ses piscines naturelles creusées dans la roche volcanique exercent une attraction magnétique. Chaque baignade ici est une immersion dans une nature brute, minérale, indomptée.

Les plages de Porto Pim, Almoxarife et Praia da Conceição, bordées par les flots cristallins de l’Atlantique, sont les plus accessibles. Plus spectaculaires encore, les piscines naturelles de Varadouro, adossées à des falaises basaltiques, permettent de nager en toute sécurité face à l’immensité. Le contraste saisissant entre le sable noir et les reflets turquoise, avec en toile de fond le cône majestueux du mont Pico, donne à ces lieux une aura presque surnaturelle.

Explorer au-delà : balade inter-îles

Faial appartient au « triangle » central des Açores, relié à Pico (8 km) et São Jorge (20 km). Les ferries Atlânticoline permettent de traverser l’Atlantique intérieur en quelques dizaines de minutes (30 min vers Pico, environ 2h30 vers São Jorge). Louer un véhicule sur place facilite les excursions dans l’île entière, sinueuse et pleine de surprises géographiques.

Sur Pico, on descend vers les piscines naturelles (Poço da Maré, São Roque, etc.), on gravit la montagne elle-même, on visite le musée des baleiniers. Sur São Jorge, les fajãs, ces plaines basses issues de coulées ou effondrements volcaniques, révèlent un autre visage des Açores, sauvage et presque secret.

Où dormir, où manger ?

Faial joue la carte de l’authenticité. Logements simples mais soignés, maisons de pierre face à la mer, yourtes végétalisées à Azul Singular ou lodges en pleine nature comme à Pátio Lodge ou Casas da Fajã offrent une immersion sans fard, entre océan et forêts.

L’hébergement reste abordable et souvent écoresponsable, avec des adresses tenues par des familles locales, fières de faire découvrir leur île. On y réveille souvent les sens avec un petit-déjeuner maison face à Pico, dans une lumière laiteuse typique des Açores.

Où manger ?

Côté cuisine, les tables locales rivalisent de sincérité : poisson grillé, poulpe mijoté, fromages de São Jorge ou desserts au lait, les saveurs marines côtoient les produits de la terre. On retrouve le fameux bolo lêvedo dans les burgers d’Ah! Boca Santa, les plats servis sur pierre volcanique chez Canto da Doca, ou les recettes traditionnelles chez Genuino à Porto Pim. Incontournable, Peter’s Café Sport reste l’escale des marins, où l’on partage gin local et récits de traversée.

Faial, un récit d’équilibre

Faial ne cherche pas à impressionner par la profusion. Elle charme par l’authenticité, le frottement entre la terre volcanique et l’océan, entre la flore luxuriante et la pierre noire. En quelques jours, on y ressent la densité d’une île. Le bleu des hortensias, la majesté des cratères, le silence des routes secondaires, les récits des navigateurs qui passent : tout concourt à faire de Faial une île de mémoire, un rythme à part, une invitation à la lenteur.

Pour qui va au-delà des cartes postales, Faial révèle un Portugal insulaire qui parle à l’imaginaire autant qu’à la curiosité. Une île à prendre le temps de vivre, à écouter, à mesurer, à laisser entrer.