Élections législatives anticipées 2025 : le Portugal face à l’incertitude politique

elections portugal

À moins d’un an du basculement à droite lors des législatives de mars 2024, le Portugal subit une dissolution et retourne aux urnes ce 18 mai 2025 pour un scrutin qui s’annonce déterminant. C’est la troisième élection nationale en trois ans, signe d’une instabilité politique persistante. Le pays, dirigé depuis mars dernier par le Premier ministre Luís Montenegro (coalition Alliance Démocratique), est gouverné sans majorité et a vu son exécutif renversé par une motion de censure. En toile de fond : des scandales, des tensions croissantes autour de l’immigration, et une extrême droite en progression constante.

Une droite fragilisée malgré sa victoire

En mars 2024, l’Alliance Démocratique (AD), coalition entre le Parti Social-Démocrate (PSD) et le Parti Populaire (CDS), remportait les élections, mettant fin à huit années de gouvernance socialiste. Mais cette victoire n’a pas suffi à garantir la stabilité : faute de majorité absolue, le gouvernement de Luís Montenegro a dû faire face à un Parlement divisé. En mars 2025, une motion de confiance perdue précipite la convocation de nouvelles élections.

Une dissolution provoquée par un scandale de conflit d’intérêts

montenegro

Le 11 mars 2025, le gouvernement de Luís Montenegro a perdu un vote de confiance au Parlement, avec 137 voix contre et seulement 87 en faveur, sans abstentions. Cette défaite a été provoquée par des accusations de conflit d’intérêts liées à Spinumviva 1, une entreprise de conseil détenue par la famille du Premier ministre. Des révélations ont indiqué que cette société recevait des paiements mensuels de 4500 euros de la part de Solverde, une entreprise de casinos bénéficiant de concessions gouvernementales, même après l’entrée en fonction de Montenegro.

Montenegro a tenté de dissiper les doutes en transférant ses parts à son épouse en 2022. Cependant, la loi portugaise interdit la vente d’actions entre conjoints, rendant cette opération invalide et maintenant Montenegro en tant qu’actionnaire actif. Face à la pression croissante, il a proposé une motion de confiance, espérant renforcer sa position. Cependant, l’opposition, y compris le Parti socialiste et Chega, a voté contre, entraînant la chute du gouvernement.

Le président Marcelo Rebelo de Sousa a rapidement réagi en dissolvant le Parlement le 13 mars et en convoquant des élections anticipées pour le 18 mai 2025., qui devront à présent décider si l’AD parviendra à obtenir la majorité convoitée, avec ou sans le soutien du parti libéral Initiative Libérale, crédité d’environ 7 % des intentions de vote.

Le Parti socialiste à l’offensive

Pedro Nuno Santos

Face à cette droite affaiblie, le Parti Socialiste (PS), désormais dans l’opposition, tente de reconquérir sa position. Son leader Pedro Nuno Santos accuse le Premier ministre d’incarner « le principal facteur d’instabilité politique » et fustige sa gestion de la crise énergétique récente, ainsi que le recul du PIB de 0,5 % au premier trimestre 2025 — le pire résultat économique depuis la pandémie.

Le PS, bien que relégué en deuxième position dans les sondages avec environ 27 % des intentions de vote, espère tirer profit du climat d’incertitude et séduire les électeurs modérés inquiets d’une possible poussée populiste.

Chega, la percée confirmée de l’extrême droite

chega

Le grand gagnant potentiel de ces élections pourrait bien être Chega (« Assez »), formation d’extrême droite dirigée par André Ventura. Depuis sa création en 2019, Chega ne cesse de gagner du terrain. En 2024, le parti s’est imposé comme la troisième force politique du pays, avec près de 18 % des voix.

Ventura espère profiter de la crise migratoire et des scandales politiques pour franchir un nouveau seuil. Il promet un « tournant historique » et affirme que les partis traditionnels ont échoué depuis 50 ans. Ses propos controversés sur l’immigration et la criminalité, souvent contredits par les statistiques officielles, trouvent un écho croissant dans une partie de la population.

Une campagne électorale sous tension

campagne electorale

La campagne électorale a débuté dans un climat tendu, marqué par des débats sur l’immigration, la crise du logement et la transparence gouvernementale. Le gouvernement sortant a annoncé l’expulsion de 18.000 immigrés en situation irrégulière, une mesure critiquée par l’opposition comme étant électoraliste.

Les sondages placent l’Alliance démocratique (AD) de Montenegro en tête avec environ 32,5 % des intentions de vote, suivie du Parti socialiste (PS) à 27,3 % et de Chega à 17 %. Cependant, l’AD pourrait une fois de plus ne pas obtenir de majorité absolue, rendant la formation d’un gouvernement stable incertaine.

Une campagne polluée par la désinformation

À l’approche du scrutin du 18 mai, le Portugal a mis en place un système de réponse rapide pour détecter et signaler les contenus mensongers liés aux élections. Inspiré d’expériences menées dans d’autres pays européens, cet outil vise à endiguer les effets de la désinformation en ligne, devenue l’un des principaux facteurs d’instabilité dans les campagnes électorales contemporaines.

Les cibles privilégiées sont les propos viraux sur les réseaux sociaux, notamment ceux concernant l’immigration. Parmi les plus diffusés, on retrouve des affirmations infondées d’André Ventura, leader du parti d’extrême droite Chega, accusant les étrangers de représenter 20 % de la population carcérale ou de bénéficier abusivement des aides sociales portugaises. En réalité, selon les données officielles, les étrangers ne représentent que 16,7 % des détenus et leur accès aux prestations est strictement encadré par la loi.

Le gouvernement portugais, à travers cette initiative, tente de préserver l’intégrité du débat public face à une intensification des manipulations numériques. L’enjeu est crucial : garantir un processus démocratique fondé sur des faits, à l’heure où les fausses informations circulent plus vite que les démentis. Les élections se jouent aussi dans les algorithmes, et l’État en est désormais pleinement conscient.

Vers une recomposition politique ?

Ce troisième scrutin en trois ans cristallise la fatigue démocratique de l’électorat, confronté à un système incapable de produire une majorité stable. Quel que soit le vainqueur le 18 mai, le défi sera de gouverner efficacement dans un contexte d’hyper-fragmentation politique.

Une coalition AD-PS paraît hautement improbable, tandis que Chega reste ostracisé par les deux partis traditionnels. Dans ces conditions, un gouvernement minoritaire semble à nouveau probable, sauf retournement électoral majeur. Reste à savoir si les électeurs portugais opteront pour la continuité, le recentrage, ou le choc populiste.

À lire aussi : notre dossier sur les élections au Portugal


Article écrit par
Retour en haut
Portugal.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.