Belmonte : découverte d’un village aux racines anciennes

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Perché sur les contreforts de la Serra da Estrela, là où les montagnes semblent dialoguer avec le ciel, Belmonte se dresse comme un livre ouvert sur l’histoire du Portugal. Ici, chaque pierre, chaque rue, chaque regard vous ramène à un autre temps : celui des conquêtes, des croyances, de la persécution, mais aussi de la résilience. De la forteresse médiévale aux ruines romaines, des sentiers de randonnée aux traditions juives conservées en secret pendant des siècles, ce village fascine par sa capacité à tout contenir, l’intime et le monumental, l’oubli et la mémoire.

Un village façonné par l’histoire et la géographie

Centum Cellas
Centum Cellas

À première vue, Belmonte séduit par sa silhouette médiévale qui semble veiller sur la vallée de la Cova da Beira. Mais derrière cette image de carte postale se cache une terre occupée depuis la préhistoire, comme en témoignent les sites mégalithiques alentour. Plus tard, les Romains y construisent des fermes, des routes, et une tour mystérieuse nommée Centum Cellas, dont les vestiges marquent encore le paysage de leur géométrie énigmatique.

C’est au XIIe siècle que l’identité défensive du village se cristallise : Belmonte devient un maillon essentiel de la ligne fortifiée de l’Alto Côa. Après le traité d’Alcanizes (1297), le château perd son rôle militaire, mais reste le cœur symbolique du village. Sous le règne d’Afonso V, Fernão Cabral, ancêtre de l’explorateur Pedro Álvares Cabral, transforme la forteresse en résidence seigneuriale : le Paço dos Cabrais, dont il subsiste aujourd’hui une tour, des remparts et un amphithéâtre moderne inséré dans la muraille.

Terre d’explorateurs et berceau du Brésil

Pedro Álvares Cabral
Pedro Álvares Cabral

Belmonte ne serait pas Belmonte sans Pedro Álvares Cabral. Né ici vers 1467, il devient en 1500 le premier navigateur européen à atteindre les côtes du Brésil. Envoyé vers l’Inde avec une flotte commandée par le roi Manuel Ier, il dévie sa route, probablement volontairement, et accoste sur la terre de Vera Cruz. Ce “hasard géographique” scelle l’un des chapitres les plus marquants des Descobrimentos portugais. Dans le village, un musée lui est dédié : le Museu dos Descobrimentos, où cartes anciennes, objets de navigation et reconstitutions maritimes font revivre cette épopée océanique.

Face à l’église de Santiago, qui marque un des passages du chemin de Saint-Jacques, se trouve aussi le panthéon familial des Cabral. Le granit des pierres funéraires, patiné par les siècles, semble murmurer les gloires et les drames d’une famille qui porta haut le nom de Belmonte au-delà des mers.

Un bastion juif en temps d’oubli

juifs belmonte

Mais Belmonte n’est pas que le village d’un héros national. C’est aussi, et peut-être surtout, une terre d’exil intérieur pour l’une des plus anciennes communautés juives du Portugal. Après l’édit royal de 1496, qui impose la conversion ou l’expulsion des Juifs, une petite communauté séfarade choisit de rester ici, dans l’ombre. Pendant plus de cinq siècles, les crypto-juifs de Belmonte ont conservé en secret les rites du judaïsme, transmis oralement de mère en fille, sans synagogue ni rabbin, à l’abri des regards.

Ce n’est qu’en 1989 que cette mémoire souterraine refait surface : la communauté se constitue officiellement et inaugure, en 1996, la synagogue Bet Eliahu, édifiée sur un promontoire face à la vallée. Le Musée Juif de Belmonte complète ce témoignage unique dans la péninsule ibérique : objets rituels, documents, portraits et récits des conversions forcées y racontent une histoire de résistance silencieuse et de foi retrouvée.

Un parcours immersif entre château, ruelles et musées

Commencer sa visite de Belmonte, c’est gravir d’abord les pentes qui mènent à son château médiéval 1. Depuis la tour encore debout, la vue sur la vallée du Zêzere et les crêtes de la Serra da Estrela est saisissante. Au pied des remparts, une place pavée vous conduit vers l’église de Santiago 2, où repose la famille Cabral. Ce lieu discret, marqué par un style roman simple, sert de repère historique et spirituel. On y sent le passage des pèlerins vers Compostelle et l’ancrage d’une foi ancienne.

Descendre ensuite par la Calçada Romana, ancienne voie empierrée, revient à marcher dans les pas des premiers habitants du village. Le granit usé, les seuils gravés, les encadrements de fenêtres sculptés… chaque détail témoigne d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Dans la partie basse, les ruelles étroites mènent à la Judiaria (quartier juif) : la pierre y parle avec pudeur. Les marques hébraïques gravées dans les linteaux, à demi effacées, évoquent une mémoire longtemps enfouie.

Non loin, la synagogue Bet Eliahu 3 s’élève face à la vallée. Construite en 1996, elle est aujourd’hui un symbole du retour à la lumière d’une communauté longtemps clandestine. Le Musée juif 4, tout proche, complète la visite avec des objets, récits, photos et documents retraçant cinq siècles de pratique cachée. Il ne s’agit pas ici d’un musée figé, mais d’un lieu de transmission vivante.

Enfin, ne pas manquer la Casa da Torre 5, ancienne résidence de la famille Cabral, qui abrite donc le Musée des Descobrimentos 6. On y découvre cartes, instruments de navigation et maquettes, mais surtout une mise en récit sensible de l’histoire portugaise au moment de l’expansion maritime. Une dernière balade dans les rues de Belmonte permettra de croiser échoppes d’artisanat, petits cafés et maisons aux portes ouvertes,invitation simple à l’échange et à la lenteur.

Flâneries, saveurs et horizons granitiques

Pelourinho d’Inguias
Pelourinho d’Inguias

Se promener à Belmonte, c’est accepter de se perdre. Dans les ruelles de granit, entre les seuils sculptés du quartier juif, les ruines romaines de la Quinta da Fórnea ou encore les vestiges du Pelourinho d’Inguias, le temps semble suspendu. La lumière qui glisse sur les pierres jaunes en fin d’après-midi donne à chaque façade une chaleur douce et vibrante.

fromage serra da estrela

Et puis, il y a les plaisirs de la table. La gastronomie de Belmonte reflète sa diversité historique : fromages de la Serra da Estrela, migas, pieds d’agneau, esparregados (purées de légumes), mais aussi spécialités séfarades comme les fressures ou les douceurs au miel. Les liqueurs, biscuits, pains et vins locaux racontent, eux aussi, une histoire, celle d’un Portugal rural, dense et fier.

Belmonte, pierre angulaire des Aldeias Históricas

Belmonte fait partie des 12 Aldeias Históricas de Portugal, ce réseau de villages fortifiés du Centre du pays, restaurés et valorisés pour leur patrimoine exceptionnel. Parmi eux, Belmonte se distingue non seulement par la richesse de son architecture, mais par la puissance symbolique de son héritage. Berceau de la dernière communauté crypto-juive ibérique, berceau du Brésil moderne, et point d’ancrage de nombreuses routes de randonnée, il est à la fois mémoire, refuge et promesse de découvertes.

Le voyage à Belmonte n’est pas une simple visite. C’est une immersion. Une exploration lente, patiente, qui invite à la contemplation et à la rencontre. Celle des pierres, des paysages, mais aussi des gens. Et dans ce coin secret du Portugal, c’est peut-être cela, la plus grande des richesses.

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