Vers la fin du Golden visa au Portugal ?

fin du golden visa

Le 29 avril 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt historique : les dispositifs dits de « citoyenneté contre investissement », plus connus sous le nom de golden passports, sont jugés contraires au droit de l’Union. Bien que cette décision vise directement Malte, dernier État membre à maintenir officiellement ce type de programme, elle envoie un signal clair aux autres pays qui ont longtemps pratiqué — ou continuent à maintenir — des formes d’immigration par investissement. Le Portugal, bien que n’accordant pas la nationalité mais uniquement un droit de résidence par son propre programme de golden visa, se retrouve indirectement concerné par cette remise en question globale.

Le Portugal et le golden visa : état des lieux

Depuis sa création en 2012, le golden visa portugais a attiré des milliers d’investisseurs étrangers, notamment chinois, brésiliens et russes. En échange d’un investissement significatif (immobilier, création d’entreprises, transfert de capitaux), les bénéficiaires obtiennent un titre de séjour ouvrant la voie à la résidence permanente, voire à la nationalité après plusieurs années. En 2023, les conditions ont été durcies : les investissements immobiliers ne sont plus éligibles, au profit de l’innovation, de la culture ou des fonds d’investissement. Pourtant, les critiques persistent, notamment sur les effets de ces dispositifs sur le prix du logement à Lisbonne et Porto, et sur les inégalités qu’ils nourrissent.

La CJUE s’attaque à la marchandisation de la citoyenneté

L’arrêt de la CJUE 1 concerne directement le programme maltais, qui permettait, depuis 2020, d’obtenir la nationalité maltaise — et donc européenne — en échange d’une contribution financière. Selon la Cour, une telle démarche transforme l’appartenance à un État membre en simple bien marchand, incompatible avec l’esprit de solidarité, de loyauté et de coopération sincère qui doit prévaloir au sein de l’Union. En d’autres termes, la citoyenneté européenne ne saurait être achetée comme un produit de luxe.

Citoyenneté vs résidence : une distinction décisive

Le Portugal, à l’instar d’autres États comme l’Espagne ou la Grèce, propose non pas la citoyenneté mais la résidence par investissement. Cette distinction est essentielle : les golden visas portugais n’impliquent pas de passeport immédiat, mais seulement un permis de séjour valable 5 ans, renouvelable, avec possibilité d’acquérir la nationalité au bout de 6 ans, sous conditions strictes. Pourtant, l’esprit du dispositif reste critiqué : il permet un accès rapide et privilégié à l’espace Schengen, sans exigence de résidence continue ou d’intégration réelle.

Qu’est ce que Bruxelles reproche au Portugal ?

Si l’arrêt vise directement la citoyenneté par investissement, il envoie un signal fort à tous les États membres qui monétisent l’accès au territoire européen. Le Portugal, bien qu’ayant supprimé l’achat immobilier de la liste des investissements éligibles en 2023, maintient son programme de résidence dorée via d’autres options, comme les fonds d’investissement ou les soutiens à la culture. Or, ces dispositifs restent perçus par Bruxelles comme des failles potentielles dans la sécurité, l’équité fiscale et la cohésion sociale de l’Union.

La CJUE, en affirmant que les États doivent respecter les principes de loyauté et de coopération sincère, ouvre la voie à une contestation juridique plus large. Une offensive de la Commission européenne contre les programmes de résidence par investissement — y compris celui du Portugal — devient donc plausible. À terme, Lisbonne pourrait être contrainte de réformer à nouveau, voire d’abolir définitivement son dispositif, sous peine de sanctions.

Les arguments contre les golden visas

Plusieurs raisons expliquent la pression croissante pour restreindre voire interdire ces programmes :

  • Injustice sociale : ces dispositifs favorisent les ultra-riches, au détriment des candidats à l’immigration classique, soumis à des procédures longues et complexes.
  • Spéculation immobilière : à Lisbonne comme ailleurs, les golden visas ont contribué à l’augmentation des prix du logement, accentuant la crise du logement.
  • Risque sécuritaire : la faiblesse des contrôles dans certains pays a permis à des individus suspectés de corruption ou de blanchiment d’argent d’obtenir des titres de séjour européens.
  • Instrumentalisation géopolitique : des ressortissants de pays sanctionnés (notamment la Russie) ont contourné les restrictions en acquérant des golden visas.

Vers une interdiction européenne généralisée ?

Le cas maltais pourrait être le point de départ d’une recentralisation européenne sur les politiques de résidence et de citoyenneté. Déjà, plusieurs pays ont mis fin à leurs dispositifs : la Bulgarie (2022), Chypre (2020), l’Irlande et les Pays-Bas ont récemment fermé leurs programmes. Le Portugal a réformé le sien en profondeur, mais le vent semble tourner.

Au Parlement européen, plusieurs groupes (notamment Renew Europe et les Verts) réclament l’adoption d’une directive interdisant purement et simplement les golden visas, ou du moins leur stricte régulation. Parmi les mesures évoquées : obligation de résidence effective, fiscalité renforcée, transparence accrue sur les investissements réalisés.

Quelles conséquences pour le Portugal ?

Si Lisbonne a pris de l’avance en supprimant l’investissement immobilier comme critère, son programme reste ouvert à d’autres types d’investissements. L’arrêt de la CJUE risque d’encourager une nouvelle réforme, voire une suspension pure et simple du dispositif. Cela aurait un impact non négligeable sur certains secteurs (fonds d’investissement, startups, services de relocalisation), mais aussi sur l’image du pays en matière de justice sociale.

En parallèle, les débats sur le droit au logement et les inégalités territoriales restent vifs, notamment dans les grandes villes. La fin du golden visa serait-elle un levier pour repenser l’attractivité du Portugal autrement — par la culture, l’innovation, l’éducation ?

Un modèle à repenser

Au-delà du cas portugais, l’arrêt de la CJUE marque un tournant dans la manière dont l’Union européenne conçoit la citoyenneté et l’accueil des étrangers. Il s’agit de rompre avec la logique commerciale pour renouer avec des valeurs de solidarité, de transparence et de justice. Le golden visa portugais, souvent loué pour sa souplesse et son succès économique, doit désormais prouver qu’il peut survivre en se réinventant — ou céder la place à d’autres formes de coopération internationale.

  1. Cours de Justice Européenne : https://curia.europa.eu/jcms/jcms/j_6/fr/ ↩︎

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