Banco de Portugal (BdP) a annoncé une hausse spectaculaire de la valeur de ses réserves d’or en 2024, atteignant 31 milliards d’euros, soit une progression de 34% par rapport à 2023. Cette valorisation, exclusivement due à l’envolée du prix de l’once d’or sur les marchés mondiaux, ravive l’intérêt pour cet actif de réserve, mais réveille également les débats sur l’origine historique de cet or, notamment les transactions réalisées durant la Seconde Guerre mondiale.
Des chiffres impressionnants pour 2024
Selon le Rapport de mise en œuvre de la politique monétaire de 2024, le stock d’or du BdP, composé de 382,7 tonnes, a vu sa valeur passer de 23 milliards à 31 milliards d’euros en l’espace d’un an. Cette augmentation a également contribué à faire croître le bilan global de la banque centrale portugaise, qui s’établit désormais à 191 milliards d’euros, en hausse de 3% sur l’année.
Banco de Portugal se classe aujourd’hui au 6ème rang des plus grandes réserves d’or d’Europe occidentale, derrière l’Allemagne, l’Italie, la France, la Suisse et les Pays-Bas. Une partie des réserves est conservée dans la maison-forte du BdP à Carregado, tandis qu’une autre partie est déposée dans des coffres à Londres.
L’or portugais, un actif stratégique et symbolique
L’or joue un rôle clé en tant que valeur refuge, surtout en période d’incertitude économique. Lors de la crise financière de 2011, il a été perçu comme une garantie indirecte de la dette portugaise. Comme l’a reconnu Hélder Rosalino, ancien administrateur du BdP, en 2024 : « Lors du programme de la Troïka, les créanciers ont considéré l’or comme un élément de confiance, même s’il ne constituait pas une garantie directe. »
Une origine historique controversée
L’origine de l’or portugais est un sujet sensible depuis plusieurs décennies. Entre 1936 et 1945, pendant la Seconde Guerre mondiale, le Portugal, alors sous le régime de Salazar, a massivement accru ses réserves d’or, passant de 65 tonnes en 1939 à plus de 300 tonnes en 1945. Cet or provenait en grande partie de l’Allemagne nazie, en paiement des exportations portugaises de volfram (tungstène), un minerai stratégique pour l’industrie de guerre allemande.
Face aux controverses internationales sur les biens spoliés par les nazis, une commission officielle a été créée en 1998, présidée par Mário Soares. Son rapport a conclu que les transactions étaient des échanges commerciaux légitimes, connus des Alliés, et que le Portugal ne devait pas de compensation supplémentaire. Cependant, ces conclusions restent contestées par plusieurs historiens et spécialistes de l’Holocauste, qui soulignent la responsabilité morale du régime de Salazar dans ces échanges.
Des réserves historiques en mutation
Les réserves d’or du Portugal ont atteint un pic historique de 606,76 tonnes en 2002. Entre 2002 et 2006, sous la gouvernance de Vítor Constâncio, le pays a vendu plus de 200 tonnes d’or, ramenant le stock actuel à environ 383 tonnes.
En 1950, un accord avec la Commission tripartite avait permis la restitution symbolique de 4 tonnes d’or aux victimes des pillages nazis, un « geste de bonne volonté » selon le rapport de l’époque.
Perspectives : entre prudence et résilience
Alors que le prix de l’or continue d’atteindre des sommets historiques, Banco de Portugal reste vigilant face aux aléas des marchés. La vice-gouverneure du BdP, Clara Raposo, a récemment souligné que la régulation bancaire et la prudence dans la constitution d’imparités sont essentielles pour maintenir la stabilité et la résilience du système bancaire portugais, surtout dans un contexte de baisse progressive des taux d’intérêt attendue en 2025.
Les réserves d’or du Portugal sont bien plus qu’un actif financier : elles incarnent un pan de l’histoire économique, diplomatique et morale du pays. Leur gestion, leur transparence et leur préservation restent des enjeux majeurs, tant pour l’économie nationale que pour l’image internationale du Portugal.