Loups au Portugal : retour d’un prédateur sous protection

Dans la région isolée et escarpée du plateau mirandais, aux confins du nord-est du Portugal, la nature impose encore sa loi. Terre de granite, de silence et de traditions pastorales, ce territoire situé dans le district de Bragança est aujourd’hui le théâtre d’un équilibre fragile entre préservation des espèces sauvages et survie des activités rurales. Depuis le début de l’été 2025, les attaques de loups s’y multiplient, ravivant de vieilles tensions entre hommes et prédateurs.

Une espèce protégée, mais toujours redoutée

Le loup ibérique (Canis lupus signatus) est classé espèce protégée au Portugal. Rares sont ceux qui peuvent l’apercevoir, tant il évite les activités humaines. Pourtant, depuis juillet 2025, 22 attaques lui ont été attribuées ou sont en cours d’investigation sur le plateau mirandais, selon l’Institut pour la conservation de la nature et des forêts (ICNF). Les chiffres sont lourds : 113 animaux touchés, dont 83 morts. À 95 %, il s’agit de moutons. Les municipalités de Vimioso, Miranda do Douro et Mogadouro sont les plus affectées.

Si les pertes sont bien inférieures à celles des années 2000 (où l’on recensait parfois plus de 300 bêtes tuées par an), elles n’en demeurent pas moins économiquement douloureuses pour les éleveurs, qui dépendent de ces troupeaux pour vivre.

Une tension qui monte chez les bergers

Face à la récurrence des attaques, plusieurs bergers de la région ont exprimé leur ras-le-bol. Certains parlent de « calamité » et appellent les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement à l’aide. Ils mettent en garde : si rien n’est fait, d’autres formes d’action pourraient être envisagées. L’ombre d’une reprise des abattages clandestins plane sur ces paysages où le pastoralisme façonne l’identité locale.

Mais le dilemme est ancien : comment concilier la conservation d’une espèce emblématique avec les besoins très concrets des populations rurales ? Les loups ne s’attaquent que rarement au bétail bien gardé, mais les petites exploitations isolées, souvent sans chiens de protection ou clôtures, restent vulnérables.

Des mesures d’accompagnement et de prévention

L’ICNF rappelle que toutes les pertes causées par les loups font l’objet d’un système d’indemnisation, à condition que la responsabilité du prédateur soit confirmée par expertise. Par ailleurs, le programme Alcateia ¹, doté de 3,3 millions d’euros, vise à renforcer les mesures de prévention : chiens de protection, clôtures, surveillance, et sensibilisation des populations locales.

Au-delà de la compensation financière, c’est tout un travail de médiation qui est mis en place. Le programme cherche à valoriser la présence du loup non seulement comme élément écologique régulateur, mais aussi comme atout culturel et touristique. Les loups, qui étaient jadis chassés jusqu’à l’extinction dans certaines régions d’Europe, représentent aujourd’hui un symbole de la biodiversité à préserver.

Une cohabitation possible ?

La diminution des attaques observée depuis deux décennies montre que les mesures peuvent être efficaces. Mais la vigilance reste de mise. Chaque attaque fragilise la confiance entre les acteurs. La solution semble résider dans une meilleure coordination entre autorités, scientifiques et éleveurs, avec des ressources adaptées aux besoins de chacun.

Le plateau mirandais, sauvage et majestueux, abrite l’un des derniers refuges du loup ibérique au sud de l’Europe. Le maintenir vivant sans sacrifier ceux qui y vivent et y travaillent est l’un des défis majeurs de la conservation moderne.

Sur les hauteurs venteuses du nord-est portugais, la silhouette furtive du loup rappelle que l’Europe n’a pas tout à fait tourné la page de la nature sauvage. Chaque attaque ravive des peurs ancestrales, mais chaque effort de cohabitation éclaire une voie possible vers un équilibre plus juste. Le plateau de Miranda, entre bêtes de troupeau et grands prédateurs, illustre avec force la complexité de ce fragile dialogue entre l’homme et la nature.