Le climat économique mondial traverse une période de turbulences, marquée par des tensions commerciales persistantes, des conflits armés, et une perte de confiance généralisée dans les perspectives à moyen terme. Le Portugal, malgré sa relative stabilité économique, n’échappe pas à ces secousses globales. D’après les dernières prévisions publiées par la Banque du Portugal, les effets cumulatifs de ces événements pourraient amputer le produit intérieur brut portugais de 1,1 % d’ici 2027. Une alerte sérieuse pour une économie ouverte, qui dépend fortement de ses exportations et de l’attractivité de son tissu productif.
Des prévisions revues à la baisse par la Banque du Portugal
Dans son bulletin économique de mars, la Banque du Portugal (BdP) 1 met en lumière un scénario préoccupant. Alors que la croissance du pays devait initialement atteindre 2,3 % en 2025, elle ne devrait finalement s’élever qu’à 1,4 %, conséquence directe des nouveaux droits de douane instaurés par les États-Unis et de l’instabilité commerciale mondiale. La correction est brutale. Cette révision à la baisse s’inscrit dans une perspective à trois ans, où l’économie portugaise pourrait perdre jusqu’à 0,7 % de son PIB uniquement à cause des mesures protectionnistes américaines.
Alors que la croissance du pays devait initialement atteindre 2,3 % en 2025, elle ne devrait finalement s’élever qu’à 1,4 %
Mais l’impact ne s’arrête pas là. L’environnement d’incertitude, accentué par les conflits armés en Ukraine et au Moyen-Orient, contribue à une perte de confiance plus large des entreprises et investisseurs. En intégrant cette variable géopolitique, le recul attendu du PIB grimpe à 1,1 %, avec des effets plus marqués à court terme.
Une combinaison de tensions commerciales et géopolitiques
Cette combinaison de tensions commerciales et géopolitiques agit comme un frein à l’investissement et à la consommation. Les prévisions montrent une faible reprise en 2026 (1,7 % de croissance au lieu de 2,1 %) et un léger rebond en 2027 (1,9 % contre 1,7 % estimés auparavant). Ces chiffres traduisent une volatilité inquiétante pour un pays dépendant de ses débouchés extérieurs.
L’une des principales inquiétudes concerne la confiance des acteurs économiques. La multiplication des barrières douanières brouille les perspectives, retarde les projets et pèse sur la compétitivité des entreprises portugaises, notamment dans les secteurs exportateurs sensibles aux variations de coûts, comme l’agroalimentaire, le textile ou l’électronique.
Face à ces défis, la Banque du Portugal plaide pour une lecture prudente de l’évolution macroéconomique. L’enjeu n’est pas uniquement conjoncturel : les fondations mêmes de la coopération internationale sont mises à l’épreuve, avec des conséquences à long terme sur les stratégies d’investissement et la structure du commerce mondial. En parallèle, le gouvernement portugais devra adapter sa politique budgétaire afin d’amortir les effets de ce choc externe, tout en maintenant les objectifs de stabilité financière et d’investissement dans l’économie verte et numérique, deux piliers de la résilience future.
Un climat international marqué par l’instabilité
La perte de dynamisme économique n’est pas uniquement imputable aux États-Unis. Deux conflits majeurs — en Ukraine et au Moyen-Orient — assombrissent les perspectives économiques en Europe et dans le monde. La combinaison de ces facteurs crée une pression sur les chaînes d’approvisionnement, sur les prix de l’énergie, et sur la logistique internationale. L’incertitude ambiante dissuade les investissements à long terme et retarde les décisions d’expansion, impactant directement les économies ouvertes comme celle du Portugal.
Un coût de production en hausse, des marges sous pression
Les tarifs douaniers imposés par les États-Unis ne se contentent pas de taxer les flux commerciaux : ils alimentent une spirale d’augmentation des coûts. Les matières premières, composants importés et produits semi-finis voient leurs prix grimper, ce qui affecte le tissu industriel portugais. L’industrie, notamment dans le nord du pays, doit faire face à une hausse de ses coûts de production, sans toujours pouvoir la répercuter sur les prix finaux.
Cette situation se traduit par une compression des marges, une baisse de la rentabilité et, parfois, un recul des embauches ou des investissements. Dans certains secteurs, la compétitivité déjà fragile est mise à rude épreuve, notamment face à des concurrents asiatiques moins exposés aux sanctions commerciales bilatérales.
Une inflation persistante et des consommateurs prudents
Cette hausse des coûts se répercute naturellement sur les prix à la consommation. Le renchérissement des biens importés, combiné aux incertitudes sur l’approvisionnement énergétique, crée un effet inflationniste difficile à contenir. Bien que la Banque centrale européenne 2 tente de juguler l’inflation par des hausses de taux, la transmission de cette politique reste lente.
Les ménages portugais, déjà confrontés à une érosion de leur pouvoir d’achat, adaptent leur comportement
Les ménages portugais, déjà confrontés à une érosion de leur pouvoir d’achat, adaptent leur comportement. L’épargne augmente, la consommation ralentit. Cette prudence contribue à freiner la croissance économique intérieure, accentuant les effets des chocs extérieurs. Le climat d’incertitude pèse ainsi à double titre, sur la demande comme sur l’offre.
Vers un nécessaire rééquilibrage de la stratégie économique
Pour atténuer les effets de cette triple menace — commerciale, géopolitique et inflationniste — le Portugal devra diversifier davantage ses partenaires commerciaux et renforcer son autonomie stratégique, notamment en matière d’énergie et d’approvisionnement industriel. Le renforcement des liens avec l’Union européenne et les marchés émergents s’impose comme une voie prioritaire.
- Développer de nouveaux accords bilatéraux pour sécuriser l’accès aux marchés extérieurs.
- Encourager la relocalisation partielle des chaînes de production sensibles.
- Soutenir les secteurs innovants et les exportations à haute valeur ajoutée.
- Investir dans l’éducation, la recherche et l’énergie renouvelable pour renforcer la résilience économique.
- Maintenir une discipline budgétaire tout en stimulant la demande intérieure.
Ces orientations pourraient aider le pays à amortir les effets des chocs exogènes et à retrouver une trajectoire de croissance plus stable à moyen terme. La stratégie économique devra donc évoluer rapidement pour faire face à un monde de plus en plus fragmenté.
Une reprise progressive à partir de 2026
Malgré un horizon assombri pour 2025, les projections de la BdP tablent sur un retour progressif de la croissance dès 2026, avec 1,7 %, puis une légère amélioration en 2027 (1,9 %). Ces chiffres restent en-deçà du potentiel de l’économie portugaise, mais traduisent une certaine capacité d’adaptation dans un contexte instable. L’économie pourrait bénéficier d’un regain de confiance si les tensions internationales s’apaisent et si les politiques publiques parviennent à rassurer les marchés et les ménages.
Un enjeu de confiance collective
Au-delà des chiffres, c’est la confiance qui est en jeu. Celle des entreprises, qui hésitent à investir. Celle des consommateurs, qui retardent leurs achats. Celle des partenaires économiques, qui scrutent les orientations politiques. La stabilité et la prévisibilité sont devenues des biens rares, mais essentiels.
Les prochaines années seront donc décisives pour le Portugal. Il s’agira de renforcer ses atouts — main d’œuvre qualifiée, infrastructures performantes, attractivité touristique — tout en réduisant sa vulnérabilité aux chocs externes. C’est cette combinaison qui permettra de sécuriser un avenir économique durable, dans un monde de plus en plus incertain.
Année | Croissance estimée initiale | Croissance révisée | Écart |
---|---|---|---|
2025 | 2,3 % | 1,4 % | -0,9 % |
2026 | 2,1 % | 1,7 % | -0,4 % |
2027 | 1,7 % | 1,9 % | +0,2 % |
Rester attentif à ces évolutions et soutenir une vision économique de long terme seront des impératifs pour naviguer dans cette nouvelle ère marquée par les rivalités commerciales et la fragmentation des marchés.
- Banque du Portugal : https://www.bportugal.pt/ ↩︎
- Banque centrale européenne : https://www.ecb.europa.eu/home/html/index.en.html ↩︎