Le plus vieil olivier du Portugal a plus de 3700 ans

Dans le cœur sauvage et lumineux de l’Alentejo, un géant discret se dresse, résistant aux assauts du temps. Là, au sein de la Herdade do Peso, propriété viticole emblématique située dans la commune de Vidigueira, se trouve un être vivant dont l’âge défie l’imagination : un olivier millénaire qui aurait plus de 3700 ans. Cet arbre, dont les racines plongent dans des sols chargés d’histoire, serait le plus ancien olivier connu du Portugal. Sa longévité exceptionnelle n’est pas seulement un chiffre inscrit sur un certificat scientifique ; c’est un témoignage vivant de la résilience de la nature, un fragment du passé encore ancré dans le présent.

Autour de cet olivier majestueux, une véritable forêt de mémoire se déploie : près de 80 autres oliviers multi-centenaires peuplent la même plaine, formant un patrimoine arboré dont la somme des âges dépasserait les 7000 ans. Ces arbres ne sont pas de simples témoins muets ; ils ont vu défiler les peuples, les cultures, les empires. Leurs branches ont sans doute offert leur ombre aux ancêtres des habitants d’aujourd’hui, et leurs fruits ont nourri des générations de Portugais, d’Ibères et d’anciens Romains. Ce sont des gardiens silencieux d’un monde en perpétuel changement.

Une datation scientifique révolutionnaire

Pour comprendre l’âge vertigineux de ces oliviers, il a fallu repousser les limites de la science. Car les oliviers millénaires présentent une particularité : leur tronc, souvent creux, ne permet pas une analyse classique des cernes de croissance. C’est grâce à une méthode de datation unique, développée par l’Université de Trás-os-Montes e Alto Douro (UTAD) ¹, que l’âge de l’olivier la plus ancien a pu être estimé avec précision. Ce procédé breveté combine des mesures de diamètre, de hauteur et de périmètre, modélisées mathématiquement pour établir une estimation fiable, validée par des tests au radiocarbone. Avec une marge d’erreur de seulement 2%, cette avancée scientifique a permis de révéler l’histoire cachée dans ces troncs tordus par le temps.

Les recherches menées depuis plus d’une décennie par l’équipe de l’UTAD, en collaboration avec des spécialistes de la société Oliveiras Milenares ², ont permis de certifier l’âge exceptionnel de plusieurs oliviers, dont celui de la Herdade do Peso ³. Ces travaux ont été rendus possibles, entre autres, par la disponibilité d’arbres issus des chantiers d’infrastructures, comme la construction du barrage d’Alqueva, qui ont mis au jour de nombreux spécimens centenaires et millénaires autrefois inaccessibles.

Un écosystème d’une richesse insoupçonnée

La Herdade do Peso, ce vaste domaine agricole d’environ 465 hectares, n’est pas seulement un sanctuaire pour ces oliviers ancestraux. C’est un écrin de biodiversité où se mêlent vignes, oliveraies et espèces végétales autochtones. Sur près de 160 hectares se déploient des cultures d’oliviers, des vignes soigneusement alignées, et des espaces naturels où s’épanouissent des espèces typiques du paysage méditerranéen : l’ail-pourpre, la cléonie, l’aroeira, les campanules jaunes, la roselha-grande ou encore l’azinheira (chêne-vert). Cette mosaïque d’écosystèmes reflète une coexistence harmonieuse entre l’agriculture et la nature, un équilibre que Sogrape, propriétaire des lieux, s’engage à préserver à travers son programme de durabilité Seed the Future.

Pour Mafalda Guedes, directrice de la communication et de la durabilité chez Sogrape, cet engagement va bien au-delà d’une simple obligation écologique : « C’est avec une grande responsabilité et fierté que nous nous attachons à préserver la biodiversité et à respecter les lieux où nous sommes implantés. Notre mission est de prendre soin de ce paysage unique, de valoriser le patrimoine naturel qu’il incarne et d’assurer sa transmission aux générations futures. »

Un héritage enraciné dans le temps

Les archives historiques apportent un éclairage fascinant sur la longévité de ces oliviers. Des documents datant de 1791 mentionnent déjà la présence de 57 oliviers sur la Herdade do Peso, intégrés dans un acte de vente par le Desembargador Estêvão José Palha. Il est probable que certains des arbres mentionnés dans ces textes soient encore debout aujourd’hui, témoins silencieux d’une époque révolue. Leur survie, à travers les siècles, illustre à la fois la robustesse biologique des oliviers et l’importance des pratiques agricoles respectueuses des écosystèmes.

Au-delà des chiffres, cet olivier millénaire, ainsi que ses compagnons de la plaine, racontent une histoire d’adaptation et de régénération. Car bien qu’ayant perdu leur cœur de bois initial au fil des siècles, ces arbres continuent à vivre grâce à leur capacité exceptionnelle à repousser à partir de tissus vivants périphériques. Leur résilience est presque infinie, et leur vie pourrait se prolonger encore pendant des millénaires, à condition que l’homme sache les protéger.

Un patrimoine naturel à préserver

Le plus vieil olivier du Portugal est bien plus qu’une curiosité botanique : c’est un monument naturel, un pont vivant entre l’histoire et l’avenir. Préserver ces géants végétaux, c’est préserver la mémoire d’un territoire, un témoignage irremplaçable de l’interaction millénaire entre l’homme et son environnement. Mais c’est aussi un rappel que la nature, bien qu’extraordinairement résistante, reste vulnérable face aux changements climatiques, aux pressions agricoles et à l’urbanisation galopante.

Alors que nous avançons dans le XXIe siècle, l’exemple de l’olivier de Vidigueira nous invite à réfléchir à la valeur de ce que nous risquons de perdre si nous négligeons notre patrimoine naturel. Un arbre de 3700 ans n’est pas simplement un arbre : c’est un survivant, un gardien de l’histoire, une promesse d’avenir. Sa longévité n’est pas un hasard, mais le fruit d’une harmonie fragile qu’il nous appartient de maintenir.

Car après tout, ces oliviers millénaires sont bien plus que de simples producteurs d’huile : ils sont des piliers d’identité, des refuges pour la biodiversité, des œuvres d’art vivantes façonnées par le temps, et des témoins d’un passé que nous ne devons jamais oublier.