Le football, bien plus qu’un sport, a été un acteur clé dans l’histoire contemporaine du Portugal. La Seleção, l’équipe nationale, a évolué parallèlement aux grands événements politiques et sociaux du pays. Depuis ses premiers pas dans les années 1920, elle a été un reflet de la société portugaise, un baromètre de ses changements et de ses aspirations.
Les origines de la Selecção : un symbole d’unité nationale
Dès les années 1920, la Selecção 1 a incarné un symbole d’unité nationale. Introduit par les Britanniques, le football a rapidement conquis les classes populaires portugaises. La première rencontre internationale de la Seleção a eu lieu en 1921 contre l’Espagne, marquant le début d’une longue histoire sportive et politique. Ces matchs contre l’Espagne étaient particulièrement chargés d’émotion, reflétant une rivalité historique et une quête d’indépendance culturelle.
La Seleção est rapidement devenue un point de convergence pour les Portugais de toutes les régions et de toutes les classes sociales. Les matchs de l’équipe nationale étaient des moments où les différences s’effaçaient, unissant le pays autour d’une passion commune. Cette unité était d’autant plus remarquable dans un Portugal marqué par des divisions profondes, notamment entre les grandes villes comme Porto et Lisbonne.
Le football sous la dictature : propagande et politique
Sous la dictature de Salazar, de 1933 à 1974, le football et la Seleção ont été utilisés comme des outils de propagande. Le régime a cherché à promouvoir ses idéaux d’unité nationale et de grandeur impériale à travers les succès sportifs. Cependant, les performances de la Seleção n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, reflétant parfois les limites et les contradictions du régime. Par exemple, les lourdes défaites contre l’Espagne dans les années 1930 et 1940 étaient souvent perçues comme des symboles de la faiblesse nationale.
Les confrontations avec l’Espagne, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, étaient des moments de forte tension politique. Ces matchs étaient l’occasion pour les Portugais de manifester, de manière détournée, leur résistance à la dictature. Les victoires étaient célébrées comme des triomphes nationaux, tandis que les défaites étaient souvent interprétées à travers le prisme de la politique et de l’histoire.
Le football et l’identité nationale
Le style de jeu de la Seleção, ainsi que ses succès et ses échecs, étaient perçus comme le reflet des traits caractéristiques du peuple portugais. Par exemple, le style de jeu posé et sentimental de l’équipe était souvent comparé au fado, la musique traditionnelle portugaise. Cette relation entre le football et l’identité nationale a été un fil conducteur tout au long du 20ème siècle.
Révolution des Œillets
Après la Révolution des Œillets en 1974, qui a marqué la fin de la dictature, l’identité nationale portugaise a connu une profonde transformation. La Seleção, toujours un symbole d’unité, a commencé à incarner une nouvelle vision du Portugal : un pays tourné vers l’Europe, cherchant à redéfinir sa place dans un monde post-impérial et en pleine mutation.
La Selecção dans l’Europe moderne
Après la Révolution des Œillets et la fin de la dictature, la Seleção a entamé un nouveau chapitre de son histoire, symbolisant le renouveau démocratique et l’intégration européenne du Portugal. L’équipe nationale, autrefois utilisée comme un instrument de propagande sous Salazar, est devenue un symbole de la modernisation et de l’ouverture du pays. Cette période a été marquée par une série de performances impressionnantes qui ont redéfini la place du Portugal sur la scène footballistique européenne.
Un moment clé de cette transformation a été l’Euro 2004, organisé au Portugal. L’événement a non seulement été un succès sportif, mais aussi un symbole fort de la nouvelle ère du Portugal en Europe. La performance remarquable de la Seleção, atteignant la finale, a galvanisé le pays et a été vue comme une métaphore de la renaissance nationale. Ce tournoi a également été l’occasion pour le Portugal de démontrer sa capacité à organiser un événement d’envergure internationale, renforçant son image de nation moderne et dynamique au sein de l’Union européenne.
Les années suivantes ont vu la Seleção s’affirmer comme une force constante dans le football européen. Des joueurs comme Cristiano Ronaldo, devenu l’un des meilleurs joueurs du monde, ont contribué à cette ascension. La victoire du Portugal à l’Euro 2016 a été un autre moment phare, marquant la première grande victoire internationale de l’équipe. Cette réussite a été perçue non seulement comme un triomphe sportif, mais aussi comme le symbole de la résilience et de la détermination d’une nation qui avait traversé une période économique difficile dans le cadre de la crise financière européenne.
En somme, la Seleção dans l’Europe moderne est devenue un reflet de l’identité portugaise renouvelée : un pays fier de son héritage, mais tourné vers l’avenir, cherchant à jouer un rôle actif et positif sur la scène européenne et mondiale. Les succès de l’équipe nationale de football sont devenus des moments de célébration nationale, renforçant le sentiment d’appartenance à une Europe unie et diversifiée.
Le football au Portugal et plus particulièrement la trajectoire de la Seleção portugaise est une métaphore vivante de l’histoire du Portugal au 20ème siècle. À travers ses hauts et ses bas, l’équipe nationale a été le reflet des espoirs, des luttes et des transformations d’une nation. Son histoire est celle d’un peuple en quête d’identité, cherchant sa place sur la scène mondiale, un voyage qui continue de captiver et d’inspirer.
- La véritable orthographe portugaise est : Selecção, mais la Seleção brésilienne ayant supplanté son homologue portugaise en terme de notoriété footballistique, c’est l’orthographe brésilienne qui s’impose, même chez les portugais. Nous avons volontairement fait le choix d’utiliser ici les deux formes. ↩︎
