Chaque été, des milliers de vacanciers posent leur serviette sur les plages du Portugal, souvent sans se douter que ce sable tant convoité est une ressource en péril. Car si la mer fait rêver, elle sait aussi grignoter sans relâche les rivages. Au fil des ans, l’érosion côtière est devenue une réalité tangible, parfois brutale, pour les habitants du littoral et les élus locaux confrontés à des phénomènes de plus en plus fréquents et destructeurs.
Des passerelles emportées par les vagues, des parkings effacés du paysage, des plages réduites à de simples promontoires de béton : les signes du recul sont là, visibles, mesurables. Face à cette lente disparition, les autorités portugaises déploient désormais de nouvelles stratégies. Mais pourra-t-on vraiment reconstruire une plage ? Et à quel prix ?
Quand le sable disparaît : l’histoire d’un littoral en recul
En l’espace de 50 ans, le Portugal a vu disparaître sous les vagues l’équivalent de 1300 terrains de football. Une statistique glaçante qui révèle l’étendue du phénomène d’érosion côtière. Parmi les exemples les plus marquants figure la plage du Furadouro, dans la commune d’Ovar, littéralement rayée de la carte au fil des décennies. Là où jadis s’étendait une vaste étendue de sable, les vagues viennent aujourd’hui frapper un muret de protection que les hivers détruisent régulièrement.
En l’espace de 50 ans, le Portugal a vu disparaître sous les vagues l’équivalent de 1300 terrains de football
Le recul du trait de côte n’est pas un simple constat géologique. Il affecte concrètement les usages, les infrastructures et la sécurité des habitants. A Maceda, le parking de la plage de São Pedro a perdu en 20 ans plus de 130 mètres face à la mer. À Ílhavo, la passerelle en bois reliant les plages de la Barra et de la Costa Nova cède régulièrement. Entre 2023 et 2025, on estime à 40 mètres le recul à Lavos et Cova Gala, au sud de la Figueira da Foz, dans la région Centre.
Des plages recréées par l’homme : la solution du rechargement en sable

Face à cette urgence, les solutions d’autrefois, comme la construction d’épis (brise-lames) ou de digues en roche, sont jugées obsolètes. Aujourd’hui, la stratégie portugaise repose sur l’alimentation artificielle des plages : prélever du sable par dragage en mer et le déverser là où les pertes sont les plus lourdes. L’Agence portugaise de l’environnement (APA) 1 prévoit de réinjecter des millions de mètres cubes de sable sur le littoral d’ici 2029.
Plusieurs projets phares ont déjà été annoncés : 150.000 m³ à Costa Nova (1,5 million d’euros), 1,4 million m³ à Quarteira (15 millions d’euros), 3,3 millions m³ à Figueira da Foz (27 millions d’euros) ou encore 1.5 millions d’euros à Portimão. Ces opérations seront financées en partie par le nouveau cadre communautaire 2025-2029, doté de 140 millions d’euros pour la côte portugaise.
Furadouro : promesse d’une renaissance

Longtemps considérée comme l’une des plages les plus appréciées de la région d’Ovar, la plage du Furadouro n’existe plus. Au fil des décennies, le sable a été méthodiquement emporté par les vagues et les tempêtes. Là où s’étendaient autrefois des centaines de mètres d’estran, ponctués de cabines de plage et de parasols familiaux, il ne reste aujourd’hui qu’un muret bétonné, régulièrement submergé par l’Atlantique lors des coups de mer hivernaux. Le bruit des rouleaux frappe désormais les maisons de la marginal, et les crues marines envahissent fréquemment les rues centrales. À Furadouro, l’érosion n’est pas une menace abstraite : elle a déjà eu lieu. Le rivage a reculé, le sable a disparu, et avec lui une partie de la mémoire estivale collective de plusieurs générations. Ce traumatisme côtier symbolise à lui seul les effets concrets du changement climatique et de l’impuissance face aux forces naturelles.
Des travaux en cours
Au Furadouro, les machines sont déjà à l’œuvre depuis février. L’intervention actuelle, d’un coût de 3 millions d’euros, vise d’abord à réhabiliter les structures de défense existantes. Mais un projet complémentaire est déjà à l’étude. L’objectif ? Ramener une véritable plage d’ici 5 ans, où les habitants et visiteurs pourront de nouveau poser leur serviette. Un retour aux images des années 60, où l’on venait s’installer sous les cabanes de plage pour tout l’été.
La bataille contre l’érosion côtière n’est pas gagnée, et ne le sera peut-être jamais au sens définitif du terme. Mais elle est aujourd’hui assumée, visible, et encadrée par des stratégies à grande échelle. Le Portugal a choisi de ne plus reculer face à l’Atlantique, mais de le contenir, de composer avec lui, de recréer ce que la nature a effacé. Ce pari sur l’ingénierie, sur la résilience et sur la mémoire collective s’inscrit dans une logique de survie autant que de transmission. Car au-delà des mètres cubes de sable et des millions d’euros investis, ce sont des modes de vie, des souvenirs, et des paysages culturels que l’on tente de préserver.
Furadouro, comme d’autres plages du pays, est à la fois un symbole de perte et de possible renaissance. Entre passé englouti et rivage recomposé, c’est une nouvelle géographie du littoral portugais qui se dessine, faite de précaution, d’adaptation, mais aussi d’un espoir fragile et obstiné.
- Agence portugaise de l’environnement : https://apambiente.pt/ ↩︎