Le paysage politique portugais est en pleine transformation, et le vote des émigrants vient confirmer cette tendance. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie portugaise, Chega, parti d’extrême droite, s’impose comme le premier choix des Portugais de l’étranger. Avec 26,15 % des voix, Chega devient le principal parti d’opposition, reléguant le Parti socialiste (PS) à la troisième place, une situation inédite depuis la création des cercles électoraux à l’étranger.
La collation PSD/CDS se maintient à la deuxième position, mais avec des résultats très en deçà des attentes, tandis que le PS voit son influence considérablement réduite. Cette redistribution des cartes confirme le déclin du bipartisme traditionnel au Portugal, au profit d’un vote protestataire et populiste.
Chega : premier parti chez les portugais de l’étranger

Le vote des Portugais de l’étranger pour les élections législatives vient tout juste d’être dépouillé à Lisbonne, dans l’enceinte de la Feira Industrial de Lisboa (FIL). Après plusieurs jours de comptage minutieux, 150 tables de dépouillement ont permis de recueillir et analyser les bulletins de 352.503 électeurs expatriés, soit un peu plus de 22 % des inscrits à l’international. Ces votes ont abouti à la nomination de 4 nouveaux députés à l’Assemblée de la République : deux élus dans le cercle européen et deux dans le cercle hors Europe.
Ces résultats confirment un tournant majeur dans la politique portugaise : pour la première fois, le parti d’extrême droite Chega arrive en tête dans le vote des émigrés, devançant les partis traditionnels. Cette percée témoigne à la fois d’un malaise profond au sein de la diaspora portugaise et d’une polarisation accrue du débat politique, où la mobilisation forte de l’électorat d’extrême droite contraste avec l’abstention massive et le désengagement des autres électeurs.
Des résultats marquants dans les deux cercles électoraux
Les chiffres sont sans appel : dans le cercle européen, Chega obtient 28,20 % des suffrages, suivi de la coalition PSD/CDS avec 14,65 % et du PS avec 13,54 %. Hors d’Europe, le parti populiste arrive également en tête avec 20,78 % des votes, contre 19,60 % pour le PSD/CDS et 13,50 % pour le PS.
Ces scores ont permis à Chega d’obtenir 2 députés supplémentaires à l’assemblée, un dans chaque cercle (Europe et hors Europe), tout comme la coalition PSD/CDS. En revanche, le PS n’obtient aucun élu parmi les quatre sièges à pourvoir, une première depuis l’instauration du vote des Portugais de l’étranger.
Une participation limitée mais significative

Bien que seulement 22,24 % des électeurs inscrits aient voté (352.503 votants sur 1.515.519 inscrits), ces résultats traduisent un basculement clair des intentions de vote des communautés portugaises expatriées. Ce faible taux de participation souligne aussi une fracture : les voix exprimées représentent une minorité de l’électorat total, mais elles pèsent lourd dans l’évolution politique du pays.
Les voix exprimées représentent une minorité de l’électorat total, mais elles pèsent lourd dans l’évolution politique du pays
Ces résultats illustrent une réalité plus large que l’on observe dans de nombreux pays européens : les électeurs d’extrême droite apparaissent aujourd’hui comme les plus mobilisés. Leur participation massive contraste avec l’abstention croissante d’une partie de l’électorat plus modéré, souvent désabusé ou lassé d’un système politique qu’il ne croit plus capable d’apporter des réponses. Cette fracture électorale accentue le poids des partis radicaux dans les résultats finaux, donnant parfois une image déformée de l’opinion générale. À travers ce vote massif en faveur de l’extrême droite, mais aussi à travers l’abstention record, se dessine un rejet préoccupant des mécanismes démocratiques traditionnels, où la désillusion nourrit les extrêmes et fragilise le consensus démocratique.
Les conséquences : une nouvelle opposition, un parlement recomposé

Avec ces résultats, Chega confirme sa place de nouveau leader de l’opposition au Portugal. Le parti populiste, jusqu’alors marginalisé, prend la tête de l’opposition, laissant derrière lui le Parti socialiste. La coalition de centre-droit AD, avec ses 91 députés, n’a pas obtenu la majorité absolue au parlement, mais l’ensemble des forces de droite et de centre-droit détient désormais une majorité des deux tiers, ouvrant la voie à une possible révision constitutionnelle.
Ce changement radical met fin au bipartisme historique entre le PS et le PSD, une alternance qui structurait la vie politique portugaise depuis près de 50 ans. La montée en puissance de Chega, alliée à d’autres forces de droite, témoigne de l’émergence d’une nouvelle dynamique électorale, marquée par des discours populistes, une rhétorique anti-système et un rejet des partis traditionnels.
Un miroir des tendances européennes
La percée de Chega n’est pas un phénomène isolé : elle s’inscrit dans une tendance plus large qui touche plusieurs pays d’Europe. L’essor des partis d’extrême droite, la montée du populisme et la défiance croissante envers les partis traditionnels témoignent d’un climat politique en mutation, où les électeurs cherchent des alternatives radicales face à l’instabilité et aux crises successives.
Pour le Portugal, cette bascule soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la démocratie, l’équilibre des pouvoirs et la protection des droits acquis. Le vote des émigrants, en plaçant Chega en tête, reflète un sentiment de rupture et d’exaspération, mais aussi une volonté de changement profond, dont les effets se feront sentir bien au-delà de l’Assemblée nationale.