Le Portugal poursuit sa stratégie de compétitivité fiscale. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, le gouvernement portugais a confirmé une nouvelle baisse de l’impôt sur les sociétés (IRC – Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Colectivas). Le taux nominal, actuellement à 20 %, passera à 19 % dès l’année prochaine. Une mesure qui s’inscrit dans un plan de réduction progressive jusqu’en 2028, malgré un coût budgétaire non négligeable.
La proposition, soumise à l’Assemblée de la République, vise un double objectif : stimuler l’investissement privé et soutenir le tissu des petites et moyennes entreprises. Dans un contexte économique marqué par l’incertitude et une pression fiscale élevée sur le capital, cette réforme s’inscrit dans un repositionnement stratégique du pays au sein de l’Union européenne.
Un allègement fiscal progressif jusqu’en 2028
Selon les termes du rapport accompagnant le projet de loi de finances, la baisse de l’IRC de 1 point de pourcentage en 2026 (de 20 % à 19 %) entraînera une diminution des recettes fiscales estimée à 199 millions d’euros. Le produit total de l’impôt sur les sociétés devrait ainsi atteindre 9,532 milliards d’euros l’an prochain, contre près de 9,731 milliards en 2025.
Cette réduction s’inscrit dans une trajectoire déjà amorcée en 2025, lorsque le taux nominal était passé de 21 % à 20 %. Le gouvernement souhaite maintenir ce rythme, avec un objectif de 17 % en 2028 pour l’ensemble des entreprises. Parallèlement, un taux préférentiel de 15 % sera appliqué dès 2026 aux premiers 50.000 euros de bénéfices réalisés par les micro, petites et moyennes entreprises (MPME).
Le ministère des Finances a chiffré l’impact budgétaire global de cette réforme à 300 millions d’euros pour l’exercice 2026. Un coût que l’exécutif justifie par l’espoir d’un effet d’entraînement sur l’investissement et l’attractivité économique du Portugal, en particulier auprès des PME exportatrices et des entreprises technologiques.
Un pari fiscal assumé par l’exécutif
La baisse de l’IRC n’est pas nouvelle dans le paysage fiscal portugais, mais sa continuité affichée jusqu’en 2028 constitue un signal fort adressé aux acteurs économiques. Le gouvernement présente cette réforme comme une réponse aux besoins de relance, mais aussi comme un outil de modernisation du tissu productif portugais.
Dans la note budgétaire, l’exécutif précise avoir sollicité une autorisation législative auprès du Parlement pour encadrer ce programme de réduction. Celle-ci devrait garantir la prévisibilité du cadre fiscal pour les entreprises, condition essentielle à l’implantation d’investissements de long terme. La stabilité fiscale est également un argument fréquemment mis en avant dans les négociations avec des investisseurs étrangers.
En parallèle, le gouvernement souligne son intention de maintenir un niveau d’équilibre budgétaire, grâce à une croissance économique modérée mais stable, et à un contrôle rigoureux des dépenses publiques. Il s’agit donc d’un pari d’équilibre : stimuler l’économie sans creuser le déficit, tout en renforçant l’assise des entreprises domestiques.
Un choix stratégique dans un environnement fiscal européen changeant
La décision portugaise intervient dans un contexte de concurrence fiscale accrue entre les États membres de l’Union européenne. Plusieurs pays, notamment l’Irlande et la Hongrie, proposent déjà des taux très inférieurs à la moyenne européenne, tandis que d’autres, comme la France ou l’Allemagne, maintiennent des niveaux élevés mais compensés par de nombreux dispositifs de niches fiscales.
Le Portugal semble opter pour une voie intermédiaire : un taux bas, appliqué de manière progressive et différenciée, notamment en faveur des PME. Cette orientation permet de répondre à une double pression : améliorer la compétitivité du pays tout en assurant une certaine justice fiscale, en ciblant les entreprises de taille modeste.
Les PME portugaises, premières bénéficiaires de la réforme
Le volet spécifique aux PME, qui bénéficieront dès 2026 d’un taux de 15 % sur leurs 50.000 premiers euros de bénéfice, marque une inflexion sociale dans la politique fiscale du gouvernement. Ces entreprises représentent plus de 90 % du tissu économique portugais et concentrent la majorité des emplois créés ces dix dernières années.
Pour beaucoup d’entre elles, la pression fiscale reste un frein à l’embauche ou à l’investissement en capital humain. Le gouvernement espère ainsi redonner des marges de manœuvre aux dirigeants, tout en encourageant la formalisation des activités économiques encore informelles dans certaines régions.
Cette mesure est également présentée comme un instrument de justice territoriale, dans un pays où les disparités régionales restent marquées. Les micro-entreprises implantées dans l’intérieur du pays, loin des pôles dynamiques que sont Lisbonne, Porto ou Braga, pourraient en être les premières bénéficiaires.
Une baisse d’impôt, mais pas une réforme fiscale complète
Si cette baisse de l’IRC est saluée par une partie du patronat, plusieurs économistes soulignent qu’elle ne s’accompagne pas, pour l’instant, d’une réforme structurelle de la fiscalité des entreprises. Le système reste complexe, notamment pour les jeunes sociétés ou les indépendants, qui doivent naviguer entre plusieurs régimes et barèmes.
Le gouvernement n’a pas annoncé de refonte en profondeur de l’architecture fiscale, préférant une approche par ajustements progressifs. Une stratégie qui limite les ruptures mais qui pourrait aussi ralentir l’impact réel sur la croissance, selon certains analystes.
Enfin, l’effet à long terme de cette politique dépendra aussi de la capacité de l’administration fiscale à simplifier les démarches, à renforcer la transparence des dispositifs et à éviter les effets d’aubaine pour les grandes entreprises peu contributrices.
Vers un nouveau contrat fiscal entre l’État et l’entreprise ?
La baisse de l’IRC s’inscrit dans une logique politique lisible : encourager l’investissement, alléger la pression sur les entreprises, stimuler la croissance. Mais cette mesure, à elle seule, ne suffira pas à transformer la structure économique du Portugal.
Le gouvernement mise sur un enchaînement vertueux : une baisse d’impôt raisonnable, des recettes stables grâce à la croissance, et une montée en gamme du tissu entrepreneurial. Un pari mesuré, qui attendra la validation du Parlement, et surtout, l’épreuve du réel.







