Bordeira : village typique de l’Algarve

bordeira

Dans l’arrière-pays discret de l’Algarve, là où la roche se creuse et le vent parle une langue ancienne, Bordeira résiste au temps. Cette petite bourgade du concelho d’Aljezur, encore préservée du tourisme de masse, incarne à elle seule l’essence d’un Algarve rural, marin, et profondément vivant. Ici, pas de palaces ni de marinas scintillantes, mais des ruelles tranquilles, des fleurs en terrasse et une blancheur aveuglante qui surgit sur les façades sous le soleil atlantique. Bordeira est un secret. Un refuge. Et un point de départ.

Un village blanc au cœur de la terre rouge

Aldeia da Bordeira

Dès l’entrée dans le village, le regard est happé par deux symboles silencieux : les petits jardins cultivés, à peine séparés de la route par un parterre fleuri, et l’église, modeste mais singulière, dont la façade asymétrique et la clarté immaculée évoquent une spiritualité ancienne. Construite au XVe siècle, modifiée au XVIIIe, elle présente encore des éléments d’architecture manueline, témoins d’un âge d’or portugais où la mer était conquise, mais la foi restait locale.

À l’ombre des arbres, un café accueille les visiteurs. Il n’y a rien de spectaculaire à Bordeira, et c’est précisément ce qui la rend inoubliable. L’ambiance est celle d’un monde suspendu : hospitalité, lenteur, et authenticité en sont les maîtres-mots.

Un littoral puissant, entre falaises et lagune

praia da bardeira

À 4 kilomètres à peine, le paysage se métamorphose. La plage de Bordeira déploie un désert blond de plus de 3 kilomètres, battu par les vents et entouré de pinèdes aux troncs massifs. Les dunes s’étendent jusqu’aux abords du village de Carrapateira, et un petit fleuve, le rio Bordeira, serpente jusqu’à former, à marée basse, une lagune d’eau tiède fréquentée par les loutres et les oiseaux marins.

Sur les hauteurs, des falaises calcaires escarpées attirent les pêcheurs téméraires et les rapaces silencieux. Des passerelles de bois traversent les dunes, préservent la biodiversité, et offrent un cheminement poétique entre ciel et océan. Depuis le parking situé au sommet, un chemin mène à la rivière, que l’on traverse à gué pour atteindre la plage, encore sauvage, mais surveillée en été, et équipée de sanitaires et d’un bar modeste.

La Carrapateira et l’appel de la mer

carrapateira

De l’autre côté de la vallée, la Carrapateira s’accroche à la falaise, comme pour mieux observer la mer. Le village, aux maisons blanches et rues pavées, abrite un musée unique, le Museu do Mar e da Terra 1, retraçant les liens anciens entre les hommes et la mer. On y évoque les pêcheurs, les tempêtes, mais aussi des histoires plus mystérieuses, comme celle du navire espagnol La Condesa, coulé en 1555 au large, et dont les canons gisent encore sous les eaux profondes.

miradouro da Carrapateira

Au sommet de la falaise, un ancien fort et une église aux portails manuelins racontent d’autres batailles : celles contre les pirates. Le paysage y est grandiose, balayé par les vents, parfait pour un pique-nique ou une méditation face à l’Atlantique. Le miradouro da Carrapateira est d’ailleurs l’un des plus beaux points de vue de toute la côte vicentine.

Un territoire entre mémoire et nature brute

La région n’est pas qu’une succession de cartes postales. C’est aussi un lieu de mémoire archéologique : près du portinho do Forno 2, les vestiges d’un village saisonnier de pêcheurs musulmans du XIIe siècle ont été mis au jour. Là, au pied des falaises, les hommes vivaient entre terre et mer, entre agriculture hivernale et pêche estivale — un mode de vie que la modernité a presque effacé.

port de la Zimbreirinha

Plus loin, au port de la Zimbreirinha, une simple plateforme de bois sur la falaise rappelle que l’homme ne fait ici que passer. Quelques marins courageux y accèdent encore pour pratiquer la pêche au pouce-pied (percebe), suspendus à des cordes, défiant les vagues et les rochers. Leur présence incarne ce lien ancien, dur et poétique, entre le peuple et la mer.

Une escapade à Pedralva, village ressuscité

pedralva

À quelques kilomètres de Bordeira, un détour par la Pedralva, dans la municipalité de Vila do Bispo, s’impose. Ce village, autrefois abandonné, a été entièrement restauré dans un respect minutieux de l’architecture traditionnelle. Aujourd’hui, on peut y séjourner dans des maisons algarviennes reconstruites à l’identique, et vivre l’expérience d’un temps retrouvé, entre sentiers de randonnée, repas conviviaux et nuits étoilées.

Une immersion dans le parc naturel

Parc naturel du sud-ouest de l’Alentejo et de la Costa Vicentina

Enfin, Bordeira se trouve en lisière du Parc naturel du sud-ouest de l’Alentejo et de la Costa Vicentina, l’un des joyaux écologiques du Portugal. Ce territoire protégé offre une biodiversité spectaculaire : cigognes, aigles, plantes endémiques et paysages à couper le souffle s’y rencontrent à chaque détour de chemin.

Les amoureux de nature y trouveront une infinité de randonnées entre plages secrètes, falaises dramatiques et vallées boisées. Le rio Bordeira, en particulier, propose plusieurs itinéraires à vélo ou à pied, serpentant dans une mosaïque de forêts, pâturages et marécages.

Un village, un monde

Bordeira ne se visite pas. Elle se vit. Elle se découvre à pas lents, au rythme du vent et du ressac. Ici, chaque pierre raconte une histoire, chaque recoin cache une légende, chaque habitant vous rendra un sourire. N’oubliez pas, en repartant, de glisser dans votre sac une céramique locale, une confiture artisanale ou un objet en liège. Car chaque geste de soutien au commerce local est aussi un geste de préservation d’un mode de vie rare, entre dunes, silence et mémoire.


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