Soixante-dix ans après ses débuts sur les scènes américaines, la voix d’Amália Rodrigues résonnera de nouveau à New York. Le 11 octobre prochain, la prestigieuse salle du Carnegie Hall accueillera le spectacle « Amália in America – Beyond Fado », réunissant l’Orchestre symphonique portugais (OSP) et trois figures du fado contemporain : Cristina Branco, Raquel Tavares et Ricardo Ribeiro. Sous la direction du chef Jan Wierzba, plus de cent artistes célèbreront la mémoire d’une femme qui fit rayonner la culture portugaise bien au-delà de Lisbonne.
Un hommage entre tradition et universalité
Ce projet, produit par l’association Égide 1 et soutenu par la Fondation Luso-Américaine pour le Développement (FLAD) 2, marque la clôture des célébrations du 40e anniversaire de cette dernière. Il s’inscrit dans une volonté d’internationalisation de la culture lusophone, en s’appuyant sur l’héritage musical d’Amália Rodrigues (1920–1999), figure incontestée du fado et ambassadrice culturelle du Portugal au XXe siècle.
Le programme, déjà présenté au Centro Cultural de Belém 3 à Lisbonne l’an dernier, reprend les grandes étapes de la carrière internationale d’Amália. On y retrouvera ses interprétations de fados emblématiques, mais aussi des musiques populaires portugaises, des marches lisboètes et des classiques de Broadway, dans une orchestration renouvelée par cinq compositeurs contemporains : Carlos Azevedo, Daniel Bernardes, Filipe Raposo, Pedro Duarte et Pedro Moreira.
Amália Rodrigues, pionnière transatlantique du fado

À une époque où le fado restait encore largement cantonné aux tavernes et scènes locales, Amália fut la première à le porter dans des salles prestigieuses à travers le monde. Dès 1952, elle se produit au Carnegie Hall, après des débuts au cabaret La Vie en Rose de New York, où elle côtoyait alors Édith Piaf et Marlene Dietrich. Elle reviendra à Carnegie Hall en 1975, et marquera aussi les scènes du Lincoln Center, du Hollywood Bowl, ou encore les plateaux de télévision américains.
En 1966, elle devient soliste pour les orchestres philharmoniques de Los Angeles et de New York. « Elle reçut un accueil remarquable, notamment pour sa capacité à allier la mélancolie du fado à une musicalité classique », rappelle le musicologue Rui Vieira Nery 4, qui voit en elle « un symbole de la culture traditionnelle portugaise et de sa portée universelle ».
Une renaissance orchestrale au XXIe siècle

La portée du spectacle ne se limite pas à la mémoire. Pour Conceição Amaral, présidente de l’OPART 5 (organisme en charge de l’OSP), l’enjeu est aussi contemporain : « Cette production ambitieuse permet de redonner vie à l’œuvre d’Amália dans un langage orchestral nouveau, et de faire dialoguer le fado avec le répertoire symphonique international. »
Il s’agit aussi de rappeler que l’Orchestre symphonique portugais, institution classique fondée à Lisbonne, peut être un vecteur d’identité culturelle et de diplomatie musicale. À travers ce concert new-yorkais, il devient lui aussi ambassadeur d’une tradition revisitée, entre fidélité au passé et ouverture au monde.
Un dialogue transatlantique, entre mémoire et modernité
L’événement s’annonce comme un moment fort de la saison culturelle portugaise à l’étranger. Au-delà du concert, il incarne la rencontre d’univers musicaux distincts (fado, musique classique, jazz américain) que seule une figure comme Amália Rodrigues pouvait relier avec autant de naturel.
À Carnegie Hall, les voix de Raquel Tavares, Cristina Branco et Ricardo Ribeiro donneront chair à cette transmission. Tous trois sont issus de générations qui ont su renouveler le fado tout en préservant son âme. Portée par la puissance de l’orchestre, cette relecture orchestrale offrira au public américain un voyage dans une Portugalité intime et universelle.
- EGIDE : https://www.egideartes.pt/amalia-america ↩︎
- FLAD : https://www.flad.pt/ ↩︎
- Centro Cultural de Belém : https://www.ccb.pt/evento/amalia-na-america-alem-do-fado/ ↩︎
- Rui Vieira Nery : https://ruivieiranery.academia.edu/ ↩︎
- OPART : https://www.opart.pt/ ↩︎