Ce dimanche 18 mai 2025, plus de 9 millions de Portugais sont appelés à voter pour désigner leurs 230 députés à l’Assemblée de la République et, par ricochet, leur futur Premier ministre. Un scrutin anticipé, né d’une crise politique, qui intervient exactement 50 ans après les premières élections libres du 25 avril 1975. Ce double anniversaire, lourd de symboles, contraste avec une campagne terne, marquée par l’abstention latente, les scandales étouffés et un avenir institutionnel des plus flous. À quoi s’attendre à l’issue de cette journée électorale ?
En 1975, les Portugais s’étaient rués vers les urnes avec une ferveur inédite, offrant au pays un taux de participation record de 91 %. Cinquante ans plus tard, la lassitude démocratique s’installe. La précédente législative de 2024 n’avait mobilisé que 59,84 % des électeurs. Malgré l’appel solennel du président Marcelo Rebelo de Sousa à ne pas « mettre la tête dans le sable », les signes d’une nouvelle désertion électorale sont bien présents.
Une élection cruciale dans un climat d’instabilité

Ces législatives anticipées ont été convoquées après l’échec d’une motion de confiance déposée par le Premier ministre sortant, Luís Montenegro, leader de l’Alliance Démocratique (AD). La fronde parlementaire a été déclenchée suite à des révélations sur une entreprise liée au chef du gouvernement, qui aurait perçu des sommes régulières de plusieurs sociétés privées, sans que des éclaircissements suffisants aient été apportés.
Cette instabilité est d’autant plus significative que c’est le troisième scrutin législatif en moins de quatre ans, une situation rarissime dans l’histoire démocratique récente du Portugal. À cela s’ajoute une campagne qualifiée par nombre d’observateurs de « superficielle », dans laquelle de nombreux sujets structurants ont été marginalisés, voire évités.
Les partis traditionnels – AD (centre-droit) et PS (Parti socialiste) – se disputent la première place dans un duel extrêmement serré. Lors des élections de mars 2024, seule une poignée de voix séparait les deux blocs : 1 814 021 voix pour AD contre 1 812 469 pour le PS.
Mais aujourd’hui, ni la gauche ni la droite ne semblent en mesure de dégager une majorité claire, ce qui laisse présager une phase post-électorale complexe, faite de tractations, d’alliances incertaines et d’un risque de blocage institutionnel persistant.
Une mémoire démocratique mise en contraste

50 ans après 1975 : entre espoir fondateur et fatigue citoyenne
Le 25 avril 1975, le peuple portugais retrouvait la parole après 48 ans de dictature. Cette journée historique marque les premières élections démocratiques du pays, organisées dans l’enthousiasme général, moins d’un an après la Révolution des Œillets. À l’époque, la participation fut massive, la foi en la démocratie encore neuve, l’unité nationale évidente autour du suffrage universel.
En 2025, le contexte est bien différent. Loin du frisson révolutionnaire, le Portugal d’aujourd’hui est confronté à une érosion lente de la participation, à la défiance envers les élites, et à une certaine banalisation de l’abstention. L’enjeu n’est plus d’instituer la démocratie, mais de la revivifier.
Les sujets absents d’une campagne inachevée
Dans les débats télévisés comme sur le terrain, de nombreux sujets essentiels n’ont pas été sérieusement abordés. Les électeurs le constatent avec amertume : logement inaccessible, hôpitaux saturés, pénurie de professeurs, mais aussi inégalités sociales, climat, accès à la culture ou numérisation de l’administration – autant de défis structurels restés sans réponses concrètes.
Une voix s’est toutefois élevée avec clarté : celle de la sociologue angolaise Luzia Moniz, qui a dénoncé le silence quasi-total autour des questions raciales. Selon elle, ni la gauche ni la droite n’ont affronté cette réalité, alors même que les discriminations persistent dans l’accès au logement, à l’emploi ou à la citoyenneté. Pire encore, elle estime que la montée de l’extrême-droite a contaminé le débat sur l’immigration, rendant le sujet toxique, caricatural et souvent instrumentalisé.
Une majorité difficile à dessiner

Les derniers sondages publiés avant le scrutin prévoient une absence de majorité absolue, y compris dans les hypothèses d’alliances. Que ce soit à droite (AD, Chega, Iniciativa Liberal) ou à gauche (PS, Bloco de Esquerda, Livre, PAN, CDU), aucun bloc n’est assuré d’atteindre les 116 sièges nécessaires. Ce flou ouvre la voie à une instabilité prolongée ou à des compromis précaires.
Dans ce contexte, le poids des petits partis pourrait devenir déterminant. Le Chega, parti d’extrême-droite, rêve de s’imposer comme faiseur de roi. À gauche, le PAN et Livre espèrent peser davantage, en misant sur une fidélisation des électeurs progressistes. Le danger d’un Parlement morcelé et d’un gouvernement faible reste toutefois bien réel.
Voici les principaux blocs en présence :
- À droite : AD (PSD + CDS-PP), Iniciativa Liberal, Chega
- À gauche : PS, Bloco de Esquerda, Livre, PAN, CDU (PCP + PEV)
Participation : l’autre défi du scrutin

Malgré la solennité de l’événement, les signaux de décrochage électoral se multiplient. L’appel du Président Marcelo Rebelo de Sousa, énoncé sans détour, en dit long sur l’inquiétude institutionnelle : « Ne pas voter, ce serait mettre la tête dans le sable. » Mais dans un pays où les promesses politiques semblent souvent sans lendemain, de nombreux électeurs doutent de l’impact réel de leur bulletin.
Les bureaux de vote ont ouvert à 8h00 ce matin et fermeront à 19h00 sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des Açores où le décalage horaire reporte la fermeture à 20h00. Les premiers résultats officiels sont attendus dans la soirée, mais l’issue politique, elle, pourrait se faire attendre bien plus longtemps.
Un scrutin sous haute observation
Face à l’impasse annoncée, l’attention des observateurs nationaux et européens sera intense. Une issue parlementaire sans majorité claire pourrait faire glisser le pays dans un cycle d’instabilité ou forcer des accords de coalition inhabituels. Le Portugal, dans ce contexte, joue bien plus qu’une élection : il joue sa capacité à se gouverner.
Élément | Détail |
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Date du scrutin | Dimanche 18 mai 2025 |
Nombre d’électeurs inscrits | +9 millions |
Sièges en jeu | 230 (Assemblée de la République) |
Heures d’ouverture des bureaux | 08h00 – 19h00 (20h00 aux Açores) |
Principaux partis | AD, PS, Chega, IL, Bloco, Livre, CDU, PAN |
Résultats attendus | Après 20h00 |
Un vote pour l’avenir, un devoir de mémoire
Alors que le Portugal célèbre les 50 ans de ses premières élections libres, ce scrutin anticipé prend une résonance particulière. C’est à la fois un rappel du chemin parcouru depuis la dictature, et un test de résilience démocratique dans un contexte de désillusion politique. À 20h, les premiers chiffres tomberont. Mais au fond, l’enjeu dépasse les pourcentages : il s’agit de savoir si les Portugais croient encore à la promesse d’un pouvoir issu du peuple.