Quand un entrepreneur milliardaire revient sur ses terres d’enfance pour redonner vie à un club de football à l’âme profondément populaire, c’est toute une ville qui retient son souffle. À Créteil, dans le Val-de-Marne, l’annonce du rachat de l’US Créteil-Lusitanos par Xavier Niel a réveillé autant d’espoirs que de souvenirs. Car derrière les ambitions sportives, il y a l’histoire d’un club pas comme les autres : un club à l’identité tissée de culture portugaise, témoin vivant de plusieurs générations d’immigration et d’intégration. Ce rachat est donc plus qu’une opération économique — il est aussi, pour beaucoup, un acte symbolique. Cette actualité, peut-être un peu éloigné du Portugal pour certains, mérite tout de même que l’on s’y attarde et que l’on revienne sur l’histoire de ce club mythique de la région parisienne.
Un projet d’envergure pour le football à Créteil
C’est une nouvelle qui a fait vibrer les travées du stade Dominique-Duvauchelle : le milliardaire Xavier Niel, fondateur de Free, a annoncé son intention de devenir actionnaire majoritaire de l’US Créteil-Lusitanos. Né à Créteil, l’entrepreneur a exprimé son attachement à la ville et son ambition de faire rayonner le club sur le plan sportif et culturel. Le projet, mené via sa holding NJJ, repose sur trois piliers : la création d’un centre de formation, la professionnalisation de la structure et une modernisation globale de l’image du club.
Ce rachat s’inscrit dans un contexte de renouveau du football français, marqué par l’implication croissante de grandes fortunes dans les clubs locaux. Après la famille Arnault au Paris FC, c’est donc au tour de Xavier Niel d’entrer dans l’arène. Pour le maire de Créteil, Laurent Cathala, cette initiative constitue une chance pour les habitants, pour les jeunes talents locaux et pour toute une ville fière de ses racines.
Créteil-Lusitanos : l’âme portugaise du Val-de-Marne

Avec près de 83 000 Portugais, le Val-de-Marne est le premier département d’accueil historique de l’immigration portugaise en France. Depuis les années 1960, une communauté nombreuse et dynamique s’y est implantée, notamment à Champigny, Saint-Maur ou Créteil. Cette présence s’est traduite par la fondation de nombreuses associations, paroisses et clubs, et par la création de la radio communautaire Radio Alfa, qui continue de diffuser sur la bande FM 98.6.
Armand Lopes, figure incontournable de cette diaspora, incarne ce lien entre culture, réussite et sport. Arrivé en France en 1961 pour fuir les guerres coloniales, il bâtit sa fortune dans le BTP et reprend Radio Alfa en 1991. Il devient aussi président de l’US Créteil, qu’il renomme US Créteil-Lusitanos en 2002, marquant ainsi la fusion symbolique entre football et identité portugaise. Le nom « Lusitanos » s’inspire de la Lusitanie antique, région historique correspondant au Portugal actuel.
Mais cette identité se reflète aussi dans les tribunes et sur le terrain. Créteil-Lusitanos a longtemps été perçu comme un club communautaire, valorisant l’attachement aux racines. Dans un département où les supporters du Benfica ou du FC Porto sont légion, l’USCL offrait un point d’ancrage local. La présence d’un directeur sportif comme Valdo, ex-joueur du PSG et de Benfica, illustre encore cette connexion culturelle et affective entre la France et le Portugal.
Le rêve d’un grand club lusophone en Île-de-France
Le projet d’un grand club portugais en région parisienne ne date pas d’hier. En 2002, une tentative de fusion entre l’US Créteil et les Lusitanos de Saint-Maur a échoué, malgré le soutien d’Armand Lopes. Si les deux clubs ont conservé des trajectoires distinctes, cette parenthèse rappelle la volonté de certains dirigeants de représenter fièrement la communauté portugaise à haut niveau. Saint-Maur reste aujourd’hui un club amateur, ancré dans un tissu associatif fort, tandis que Créteil poursuit une dynamique plus institutionnelle et territoriale.
Cette dualité illustre deux visions du football portugais en France : l’une populaire, ancrée dans la nostalgie et la solidarité communautaire ; l’autre ambitieuse, tournée vers l’avenir et l’intégration dans le football professionnel français. Dans les deux cas, la culture portugaise demeure un moteur identitaire puissant, au moins dans les tribunes, car il faut avouer que du côté de Créteil, il n’y bien plus que le nom qui évoque cet héritage.
Vers une nouvelle page avec Xavier Niel
Le rachat par Xavier Niel ouvre désormais un nouveau chapitre pour le club qui se définit comme l’anti-PSG. Si l’appellation « Lusitanos » subsiste, les couleurs du club ont changé et le projet ne repose plus uniquement sur l’identité communautaire. L’ambition est aujourd’hui plutôt de fédérer l’ensemble des Cristoliens autour d’une équipe francilienne professionnelle, performante et ancrée localement. Mais nul doute que l’âme portugaise continuera de hanter les travées du stade Dominique-Duvauchelle.
Alors que le club cherche à renouer avec ses heures de gloire et à retrouver un jour la Ligue 2, le soutien de toute une ville – et de toute une communauté – pourrait bien faire la différence. Le football reste, ici plus qu’ailleurs, une affaire de mémoire, de fidélité… et de fierté partagée.