En juin 2025, la ville de Silves verra disparaître l’un de ses emblèmes industriels. L’usine de liège Corticeira Amorim, implantée à Vale da Lama, s’apprête à cesser ses activités. Cette fermeture, motivée officiellement par des considérations économiques, suscite de vives réactions dans la région. Elle met en lumière non seulement les défis industriels de l’Algarve mais aussi le rôle historique et économique du liège dans cette région du sud du Portugal.
Un départ annoncé malgré des tentatives de sauvetage
La municipalité de Silves a confirmé que l’usine fermera ses portes le 9 juin. L’annonce concerne directement 31 salariés, dont l’avenir demeure incertain. Corticeira Amorim invoque une baisse de la demande pour les agglomérés isolants en liège, des coûts croissants de production et une instabilité internationale dans l’exportation des matériaux nationaux. Selon l’entreprise, il s’agit d’une décision fondée sur la rationalité économique, sans alternative viable à court terme.
Pourtant, depuis fin 2021, la municipalité avait multiplié les efforts pour éviter cette issue. Pas moins de 16 réunions ont été organisées entre les différentes parties prenantes, et l’usine de Silves avait été celle qui avait reçu le plus d’investissements du groupe Amorim ces quatre dernières années. L’effondrement des commandes a néanmoins eu raison de ces efforts, condamnant l’usine à la fermeture.
Conséquences sociales et réponses de l’entreprise

Un soutien partiel pour les salariés
Dans une tentative d’apaiser les tensions, Corticeira Amorim a proposé des compensations au-dessus des exigences légales. Les travailleurs auront la possibilité d’être transférés vers le site de Vendas Novas, situé plus au nord. Pour ceux qui refuseraient cette option, une indemnisation équivalente au double du montant prévu par la loi sera versée. En parallèle, les logements de fonction resteront accessibles aux familles concernées jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée.
Des riverains soulagés
Ironie du sort, certains habitants de Vale da Lama ont accueilli la nouvelle avec un certain soulagement. L’usine faisait depuis des années l’objet de plaintes pour nuisances sonores et émissions de fumée. « Bien que nous n’ayons jamais demandé la fermeture, cette décision nous est favorable », a déclaré Nuno Neves, porte-parole des riverains.
Un transfert industriel dans une logique de compétitivité

La production sera donc transférée à Vendas Novas, au sein d’une nouvelle entité baptisée Amorim Cork Solutions. Cette structure regroupe désormais les activités de revêtement, composites et isolation du groupe, avec pour objectif une meilleure intégration des opérations et une optimisation industrielle.
Le choix de Vendas Novas repose sur des critères de proximité avec les forêts de chênes-lièges, de meilleures infrastructures et de potentiel logistique. Ce recentrage industriel illustre un virage stratégique : l’objectif est de renforcer la compétitivité à l’échelle internationale dans un marché de plus en plus tendu.
Le liège en Algarve : une industrie enracinée
Un patrimoine économique et culturel
Le liège est plus qu’un simple matériau au Portugal : c’est un symbole national, profondément enraciné dans l’économie, l’environnement et la culture. En Algarve, et particulièrement dans la région de Silves et de São Brás de Alportel, l’exploitation du chêne-liège constitue depuis des générations une activité majeure, durable et identitaire.
La récolte, qui a lieu tous les neuf ans, mobilise encore aujourd’hui des centaines de travailleurs. L’écorce est extraite manuellement, dans le respect de l’arbre, et transformée localement en bouchons, panneaux isolants, revêtements, objets design ou composants automobiles.
Un rôle essentiel dans l’économie rurale
Le secteur du liège emploie environ 3000 personnes en Algarve, directement ou indirectement. Il contribue à maintenir en activité des zones rurales soumises à la désertification, tout en favorisant une gestion forestière durable. Des initiatives d’écotourisme autour du liège se développent également, valorisant la forêt de chênes-lièges comme un patrimoine à préserver.
Une page se tourne, mais le lien au liège persiste
La municipalité de Silves l’a rappelé dans son communiqué : le lien entre la ville et l’industrie du liège n’est pas rompu. Des efforts continueront à être menés pour valoriser cette filière essentielle, explorer des projets alternatifs et soutenir la reconversion industrielle. L’enjeu est aussi environnemental que social : préserver une culture du liège qui fait partie de l’identité portugaise.
La fermeture de l’usine Corticeira Amorim à Silves marque un tournant. Si elle symbolise la fragilité des équilibres industriels en période de mutation économique, elle soulève aussi des questions plus larges sur l’avenir de la ruralité, de l’industrie verte et du tissu social local. Le défi sera de faire de cette transition une opportunité, en s’appuyant sur les forces historiques et les savoir-faire du territoire.