Le Portugal approuve l’esketamine pour la dépression sévère

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Le 7 mai 2025, l’autorité nationale du médicament au Portugal, Infarmed, a donné son feu vert à la prise en charge publique d’un médicament innovant contenant de l’esketamine, un dérivé psychédélique de la kétamine, pour traiter la dépression résistante aux traitements. Ce médicament, nommé Spravato, marque une avancée majeure dans la gestion clinique des troubles dépressifs graves, en particulier chez les patients qui n’ont pas répondu à au moins trois traitements antidépresseurs conventionnels. Le traitement sera réservé à un usage hospitalier strict et encadré médicalement, conformément aux recommandations d’un groupe de travail réunissant médecins, pharmaciens, psychologues et bioéthiciens.

Une décision historique pour la santé mentale

Alors que la France autorise depuis 2020 l’utilisation du Spravato® 1 dans le traitement des formes sévères et résistantes de la dépression, le Portugal franchit une nouvelle étape en validant son remboursement public à l’hôpital. Cette avancée, officialisée par l’agence nationale du médicament Infarmed 2 le 7 mai 2025, marque un tournant dans la reconnaissance thérapeutique des substances psychédéliques.

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Si dans les deux pays, l’accès reste rigoureusement encadré et limité à certaines indications, la décision portugaise confirme un changement de paradigme : les psychédéliques, longtemps cantonnés à la recherche ou à l’usage récréatif, entrent désormais dans le champ de la médecine institutionnelle. C’est une avancée prudente, certes, mais significative pour des milliers de patients en impasse thérapeutique.

À qui s’adresse ce traitement ?

Spravato 1 est destiné aux adultes atteints de troubles dépressifs majeurs résistants, notamment ceux qui présentent des contre-indications ou une résistance à l’électroconvulsivothérapie (ECT), ou qui refusent cette approche. Il est administré en complément d’autres antidépresseurs oraux, dans le cadre d’un épisode modéré à sévère de dépression, après échec d’une psychothérapie conventionnelle.

Un protocole d’accès strict

Comme l’a expliqué Albino Oliveira Maia, directeur de l’unité de neuropsychiatrie de la Fondation Champalimaud 4, l’accès à l’esketamine est rigoureusement encadré : prescription médicale obligatoire, administration en milieu hospitalier, et surveillance constante de la réponse du patient. Il insiste : « Il ne doit pas y avoir de régimes d’exception ».

Cette rigueur vise à éviter les dérives potentielles liées aux usages non médicaux, comme on en observe avec d’autres substances détournées du circuit thérapeutique.

Une avancée prudente mais significative

La reconnaissance de l’esketamine comme médicament remboursable est saluée par la communauté scientifique portugaise. Elle témoigne d’un changement de paradigme : il ne s’agit plus seulement d’étudier les psychédéliques à des fins expérimentales, mais de les intégrer, avec précaution, dans les protocoles de soins officiels.

Le groupe de travail qui a formulé ces recommandations inclut des instances de référence comme le Conseil national d’éthique pour les sciences de la vie 5 et la Société portugaise de psychiatrie et de santé mentale 6.

L’esketamine : un psychédélique thérapeutique

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Entre anesthésie et psychiatrie

Déjà utilisée comme anesthésique, la kétamine – dont l’esketamine est un isomère – a fait l’objet de recherches poussées ces dernières années pour ses effets rapides sur la dépression sévère. Contrairement aux antidépresseurs classiques, qui agissent en plusieurs semaines, l’esketamine produit souvent une amélioration en quelques heures ou jours.

Un espoir pour les patients en impasse thérapeutique

En permettant une rémission rapide chez certains patients en grande détresse psychologique, Spravato représente une option thérapeutique de dernier recours. Cette reconnaissance institutionnelle pourrait ouvrir la voie à d’autres innovations thérapeutiques fondées sur les psychédéliques, à condition que les garanties de sécurité soient maintenues.

Un cadre éthique et scientifique renforcé

La décision d’Infarmed s’inscrit dans un contexte plus large de réflexion éthique sur l’usage médical des substances psychédéliques. Le document de recommandations présenté au public le 7 mai vise à définir un cadre rigoureux pour leur usage, à encadrer les prescriptions et à prévenir toute dérive commerciale ou thérapeutique.

Comme le souligne Albino Maia, « nous ne remplaçons pas les régulateurs, mais nous contribuons à bâtir une base solide, en attendant que la réglementation suive ».

Une nouvelle ère pour la psychiatrie portugaise ?

Le Portugal franchit un cap en intégrant l’esketamine à son arsenal thérapeutique contre la dépression sévère. Cette décision, fondée sur une concertation multidisciplinaire, pourrait inspirer d’autres pays européens. En misant sur l’innovation encadrée, la science portugaise se positionne à l’avant-garde d’une psychiatrie plus personnalisée, plus rapide et potentiellement plus efficace.

Reste à veiller à ce que l’espoir suscité par l’esketamine ne soit pas instrumentalisé ou mal encadré. L’enjeu est double : soulager la souffrance psychique tout en consolidant un modèle de soin basé sur la rigueur, la transparence et l’éthique.


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