Depuis quelques années, le Portugal est le théâtre d’une véritable révolution dans le domaine de l’enseignement privé. Porté par l’arrivée massive de familles étrangères aisées et l’image sécuritaire et paisible du pays, l’enseignement international de luxe s’y développe à grande vitesse. Entre multiplication des écoles internationales, explosion des frais de scolarité et offres pédagogiques hyper-sélectives, le Portugal devient une destination scolaire de choix pour les expatriés francophones et autres nationalités fortunées.
Une croissance fulgurante des écoles internationales
Le chiffre parle de lui-même : sur les 48 écoles internationales que compte aujourd’hui le Portugal, 18 ont vu le jour au cours des cinq dernières années, et neuf autres sont en cours d’autorisation. De Lisbonne à Porto, en passant par l’Algarve, le marché est en pleine effervescence. Dans les quartiers prisés comme Campo de Ourique ou Sintra, les établissements s’arrachent les mètres carrés et rivalisent d’ambition architecturale pour séduire une clientèle internationale désireuse d’offrir le meilleur à leurs enfants.
La Redbridge School à Lisbonne, par exemple, a vu ses effectifs passer de 30 à 400 élèves depuis son ouverture en 2017, et projette d’en accueillir 900 à terme. L’United Lisbon International School (ULIS), ouverte en pleine pandémie, fait désormais partie du prestigieux réseau britannique Dukes Education. Quant à The Lisboan, son fondateur Niall Brennan affirme qu’elle pourrait atteindre 1 200 élèves d’ici 10 ans.
Des frais de scolarité à la hauteur du luxe
Ce boom n’est évidemment pas accessible à toutes les bourses. Les frais de scolarité varient entre 4000 et 13 000 euros par an pour les tranches d’âge de 2 à 8 ans, et grimpent entre 4000 et 21 000 euros pour les adolescents. Le sommet est atteint à la St Julian’s School à Lisbonne, où une année de terminale peut coûter jusqu’à 29 000 euros, sans compter les activités extrascolaires haut de gamme : ski en Suisse, surf, voile, stages d’art contemporain…

Pour certaines familles, l’investissement peut atteindre plus de 50 000 euros par an pour deux ou trois enfants. Mais pour beaucoup d’expatriés, ces montants sont perçus comme le prix à payer pour un cadre de vie sûr, des infrastructures de pointe, et une éducation de niveau international, souvent basée sur les curriculums américain, britannique ou le prestigieux IB (International Baccalaureate).
Un attrait porté par la société internationale
Le profil des élèves évolue rapidement. Alors que certaines écoles, comme l’Oporto British School, comptaient autrefois 90 % d’élèves portugais, cette proportion est aujourd’hui tombée à 50 %. L’arrivée massive de familles américaines, brésiliennes, israéliennes, françaises ou encore turques change la donne.
Le Portugal, désigné en 2024 par Forbes comme le meilleur pays pour les expatriés américains, attire par son calme, son climat, la force du dollar, et ses différents visas attractifs : D7, Golden Visa, Visa Tech… Autant de leviers qui expliquent le déferlement d’une population à haut pouvoir d’achat et très attentive à la question de l’éducation.
Une offre qui touche aussi les familles francophones
Si les Anglo-saxons sont majoritaires dans certaines zones, les familles francophones s’imposent de plus en plus. Le quartier de Campo de Ourique à Lisbonne est parfois surnommé le « quartier français » tant les écoles et les commerces s’y adaptent. Le lycée français Charles Lepierre, mais aussi les programmes bilingues dans des établissements comme Redbridge ou Eupheus, répondent à cette demande croissante.

En Algarve, les écoles britanniques comme Nobel Algarve International School accueillent aussi un nombre important de français. Une tendance renforcée depuis le Covid et les incitations fiscales du régime RNH. Plusieurs établissements proposent d’ailleurs des programmes trilingues (anglais, portugais, français) pour permettre une intégration progressive, tout en assurant une continuité de parcours vers les universités européennes.
Des projets éducatifs innovants et durables
Loin du modèle uniforme, chaque école propose sa vision. L’ULIS mise sur l’innovation technologique et la transversalité des compétences, Eupheus se positionne comme une école éco-responsable avec des classes à effectif réduit, et The Lisboan revendique une architecture ouverte sur la ville et des méthodes inspirées du design thinking.
Les parents cherchent une éducation personnalisée, moderne et en phase avec les enjeux du XXIe siècle. Certains établissements vont jusqu’à concevoir leur mobilier en collaboration avec des artisans locaux, créant un lien fort avec l’environnement portugais et son savoir-faire. On y enseigne la programmation, les langues rares, les arts plastiques, l’éco-citoyenneté et parfois même la méditation.
Une bulle éducative durable ?
Le Portugal peut-il maintenir ce niveau de croissance dans l’enseignement privé international ? Si certains établissements comme CAISL (Carlucci American International School of Lisbon) choisissent la prudence en limitant volontairement leurs effectifs, d’autres anticipent encore des pics d’inscription. Le nombre d’étrangers installés dans le pays a dépassé les 770 000 en 2023, contre 388 000 en 2015.
La demande devrait donc se maintenir au moins sur le moyen terme. Entre choix pédagogique, confort de vie et réseaux internationaux, le Portugal s’impose comme une alternative sérieuse à Genève, Londres ou Paris pour les familles du monde entier. Mais la question de l’accessibilité et du coût reste centrale, dans un pays où l’écart entre l’enseignement public et privé devient chaque jour plus marqué.
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