Pâques au Portugal

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Dans un Portugal encore profondément imprégné de foi catholique, la fête de Pâques demeure l’une des célébrations les plus riches en traditions et en émotions. Du Minho à l’Algarve, de l’intérieur rural aux grandes villes, cette période sacrée est marquée par une intensité religieuse rare en Europe, à laquelle s’ajoutent des coutumes populaires, des plats typiques et une atmosphère de renouveau profondément ancrée dans la culture nationale. En 2025, elle sera célébrée le dimanche 20 avril ; une date qui coïncide exceptionnellement avec celle des Églises orthodoxes.

Une semaine sainte rythmée par la foi et les processions

Procissão do Enterro do Senhor
Procissão do Enterro do Senhor, Braga

La Semana Santa, qui s’étend du dimanche des Rameaux au dimanche de Pâques, est l’apogée de la vie religieuse annuelle au Portugal. À Braga, ville surnommée « la Rome portugaise », les rues deviennent un théâtre sacré où se succèdent les cortèges nocturnes, encadrés par des confréries en capuchons, des porteurs de torches, et des fidèles silencieux. L’une des plus impressionnantes est la Procissão do Enterro do Senhor, où les symboles du deuil sont omniprésents, jusqu’au rythme lent des tambours funèbres.

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Procissão das Flores, São Brás de Alportel

Ailleurs, les traditions prennent des formes étonnantes : à Penacova ou Coimbra, on célèbre l’Enterro do Bacalhau, une cérémonie satirique moquant l’austérité du carême ; à Montalegre, c’est la Queima do Judas qui attire les regards, avec l’effigie du traître réduite en cendres dans une mise en scène cathartique. Dans le sud, à São Brás de Alportel, les rues se couvrent de tapis de fleurs pour la Procissão das Flores, vibrant hommage à la résurrection.

Le Compasso Pascal : une foi de porte en porte

Compasso Pascal

Dans de nombreux villages, une tradition vieille de cinq siècles perdure : le Compasso Pascal. Un prêtre, accompagné de paroissiens, parcourt les maisons en brandissant une croix, bénit chaque foyer à l’eau bénite et invite les familles à embrasser la croix en signe de foi. Les portes ouvertes, décorées de pétales de fleurs, signalent la volonté d’accueillir la bénédiction. Cette visite pascale est souvent accompagnée d’offrandes de friandises, de fruits secs, voire d’un petit buffet improvisé. Un moment de convivialité et de partage fort en émotion.

Les traditions culinaires de la résurrection

Folar
Folar pascoa

À Pâques, la table portugaise se fait généreuse et symbolique. Le plat emblématique, c’est le folar, ce pain traditionnel chargé de significations religieuses et païennes, qui varie d’une région à l’autre. . Dans le nord, il se décline en version garnie de charcuteries : salpicão, presunto, vitela… Dans les Beiras, on y trouve des œufs cuits entiers, décorant la croûte comme un signe de fertilité et de renouveau. À Olhão, dans l’Algarve, il devient un gâteau caramélisé aux parfums de cannelle et de sucre fondu.

cabrito assado
Cabrito assado

Le cabrito assado (chevreau rôti) est aussi un incontournable, souvent accompagné de pommes de terre et d’herbes aromatiques. À Coimbra, c’est la chanfana — de la chèvre mijotée au vin rouge — qui est à l’honneur. Et pour clore le repas, les amêndoas (amandes dragéifiées) et le pão-de-ló de Ovar, au cœur coulant, prennent place sur les tables familiales.

Des douceurs pascales chargées d’histoire

En plus du folar et des amandes, chaque région possède ses spécialités : empanadilhas aux fruits secs, queijadinhas, bolas recheadas, cavacas ou encore bolo podre au miel. Ces douceurs, souvent confectionnées maison, rappellent la richesse des traditions culinaires liées aux cycles religieux. Les enfants, eux, reçoivent parfois des œufs en chocolat, mais la coutume la plus ancienne reste celle du cadeau des parrains à leurs filleuls : un folar, un vêtement ou une pièce, en signe de protection spirituelle.

Des rites ruraux à la portée symbolique forte

borregos

Dans l’Alentejo, la bénédiction des agneaux (ou borregos) incarne l’union de la foi et des rythmes agricoles. À Castelo de Vide, les éleveurs se rassemblent le samedi saint pour faire bénir leurs bêtes, perpétuant un rite ancestral de protection et d’abondance. À Silva Escura, la fête populaire du lundi de Pâques prolonge les réjouissances dans une ambiance villageoise rythmée par les chants, les jeux et les repas communautaires.

Un patrimoine immatériel vivant

La richesse des coutumes pascales portugaises ne tient pas seulement à leur ancienneté, mais à leur vitalité. Elles ne sont pas figées dans le passé, mais réinventées chaque année par les générations successives. La Pâques lusitanienne est un miroir de l’identité nationale : elle unit la foi catholique, la fierté régionale, la mémoire populaire et un sens aigu du partage familial. Entre silence sacré du Vendredi saint et joie explosive du dimanche de la résurrection, le pays vibre au rythme de traditions qui touchent l’âme autant que les sens.

Les œufs de Pâques sont-ils une tradition au Portugal ?

oeufs de paque

Contrairement à d’autres pays européens où les œufs en chocolat sont omniprésents dès le début du printemps, les œufs de Pâques ne sont pas au cœur des traditions portugaises. Si l’on en trouve aujourd’hui dans les supermarchés — notamment les versions industrielles destinées aux enfants — leur usage reste modeste et souvent associé à des influences extérieures.

La tradition pascale portugaise repose davantage sur des symboles liés à la foi chrétienne et au partage familial. Le folar, avec son œuf dur cuit dans la pâte, représente la fertilité et la résurrection, et constitue un équivalent local beaucoup plus ancien que le chocolat. Offert par les parrains et marraines, ce pain pascal est porteur d’un message spirituel fort.

Cela dit, dans les familles urbaines ou sous l’influence de pratiques internationales, il n’est pas rare que les enfants reçoivent des œufs en chocolat, notamment dans les écoles ou les événements organisés par les municipalités. Mais on est loin de la chasse aux œufs massive qu’on retrouve en France ou en Allemagne.

Une célébration entre foi, famille et modernité

En 2025, la Pâques portugaise coïncidera avec celle de l’Église orthodoxe — une rareté qui souligne l’universalité de ce temps fort du calendrier chrétien. Si les rites religieux restent au cœur de la fête, ils cohabitent désormais avec un tourisme curieux de ces traditions locales, des initiatives de préservation culturelle, et une gastronomie toujours plus inventive. Le Portugal prouve, une fois de plus, qu’il sait conjuguer héritage et renouveau, dans une Pâques à la fois ancrée et résolument vivante.


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