Mine de lithium au Portugal : à Covas do Barroso, le combat continue

mine Covas do Barroso

Dans les montagnes de Trás-os-Montes, au nord du Portugal, un territoire ancestral se trouve à la croisée des chemins. Entre collines verdoyantes et prairies agricoles, le village de Covas do Barroso est devenu le théâtre d’un affrontement inédit : celui d’une communauté rurale face à un projet minier porté par la multinationale Savannah Resources, soutenu par l’Union européenne dans le cadre de la transition énergétique. Une bataille déjà racontée dans notre précédent article sur la fièvre du lithium. Si les habitants avaient remporté une première victoire, le projet est loin d’avoir été abandonné. Au contraire : les enjeux se sont renforcés, la résistance aussi.

Un projet extractif au cœur d’un patrimoine rural protégé

La Mina do Barroso prévoit l’extraction à ciel ouvert de lithium, un métal indispensable aux batteries électriques. Le problème ? Elle se situe dans une zone classée « patrimoine agricole mondial » par la FAO. C’est là que vivent des familles d’agriculteurs et d’éleveurs qui pratiquent une agriculture durable, autonome, en harmonie avec l’environnement. Une façon de vivre menacée par l’ouverture de plusieurs cratères à quelques centaines de mètres des premières maisons.

« Ce projet menace des ressources en eau, des sols fertiles, des pratiques agricoles durables et un tissu social profondément enraciné », dénonce Ilze Tralmaka, juriste chez ClientEarth 1. L’organisation, aux côtés des collectifs locaux, a déposé une plainte contre la Commission européenne, qui a classé le projet comme « stratégique » dans le cadre du Critical Raw Materials Act (CRMA) 2. Un statut qui permet des procédures accélérées et des dérogations aux normes environnementales.

Le lithium, au prix de la paix et de l’eau

Pour les habitants, les conséquences sont déjà tangibles. Elisabete Pires, aide-soignante à Romainho, vit à 650 mètres du futur site. Elle raconte un quotidien transformé : « J’ai mis des mois à retrouver le sommeil. Cette terre, c’est notre identité. On nous promet du triple vitrage, mais est-ce qu’on est censés vivre enfermés toute notre vie ? »

Au-delà du choc psychologique, c’est l’accès à l’eau qui inquiète. Le stockage des résidus miniers fait craindre des fuites, une contamination du fleuve Douro, et la disparition de sources qui alimentent troupeaux, foyers et cultures. Rien n’a été étudié de façon sérieuse, selon les collectifs. « L’eau est notre avenir, pas le lithium », résume un habitant.

Une communauté divisée, une mobilisation inédite

Depuis 2018, la mobilisation ne faiblit pas : manifestations, recours, camp international de résistance. Mais la stratégie de Savannah Resources fracture les liens sociaux. « Des voisins ne se parlent plus. La compagnie alimente les tensions pour obtenir un semblant de consentement », explique Elisabete Pires. Cette « acceptabilité sociale », selon elle, est une illusion orchestrée.

En face, l’État portugais affiche son soutien. L’étude d’impact environnemental a reçu un avis favorable, malgré les critiques. La stratégie européenne, elle, cherche à produire 10 % du lithium consommé en Europe d’ici 2030. Le Portugal, riche en ressources minières, devient un pion dans ce plan. Mais les collectifs ne comptent pas lâcher prise.

Quel modèle pour la transition ?

« Ce n’est pas seulement notre combat. Aujourd’hui, c’est Barroso. Demain, ce sera ailleurs », affirme Elisabete. La plainte vise à contester l’ensemble de la logique du CRMA. Pour les plaignants, une véritable transition devrait d’abord chercher à réduire la demande : recyclage, sobriété, transports collectifs. Pas creuser des cratères au cœur de territoires vivants.

Ce dossier pourrait faire jurisprudence. C’est la première fois qu’une décision de la Commission est attaquée juridiquement au nom du droit à l’environnement, dans le cadre du Pacte vert. Si elle ne revient pas sur sa position, l’affaire pourrait finir devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Dans la vallée du Barroso, les saisons passent, mais le combat reste. Face à une industrie lourde de promesses et de conséquences, une communauté rurale rappelle qu’il n’y aura pas de futur durable sans justice pour les territoires qui en paient le prix.

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