Face à la persistance du conflit en Ukraine, le Portugal confirme sa volonté de renforcer son engagement militaire auprès de Kyiv. Par le biais d’une résolution du 4 juillet 2025 1, Lisbonne officialise l’attribution de plus de 21 millions d’euros à la Força Aérea Portuguesa. Cette somme est destinée à financer deux axes prioritaires : la formation de pilotes ukrainiens sur F-16 et le soutien par imagerie satellite dans le cadre du conflit. Cette décision illustre la montée en puissance discrète mais stratégique du Portugal au sein des coalitions internationales pro-ukrainiennes.
Cette aide s’inscrit dans le cadre d’une résolution du Conseil des ministres du 3 avril 2, qui autorise un montant global de plus de 205 millions d’euros pour fournir à l’Ukraine des équipements militaires, des biens mobiliers et des capacités de soutien technique. Par ce texte, le ministre de la Défense nationale est habilité à distribuer cette enveloppe selon les priorités établies avec les partenaires internationaux et les besoins exprimés par l’Ukraine.
Une enveloppe de 21 millions d’euros pour deux volets stratégiques
Le financement détaillé révèle une répartition précise des priorités militaires portugaises. Sur les 21.454.603 euros alloués, près d’un million (exactement 954.603 €) sont consacrés à la formation de pilotes de chasse ukrainiens, dans le cadre de la Air Force Capability Coalition 3 coordonnée par le groupe de contact pour la défense de l’Ukraine (UDCG) 4. Le reste, soit 20,5 millions d’euros, servira à fournir des capacités d’observation spatiale par imagerie optique et radar à synthèse d’ouverture (SAR).
Le Portugal, qui ne peut livrer ses propres F-16 à l’Ukraine (…) mise sur un appui logistique et technologique robuste
Ce soutien illustre une stratégie de complémentarité. Le Portugal, qui ne peut livrer ses propres F-16 à l’Ukraine faute de capacités suffisantes, mise sur un appui logistique et technologique robuste. En concentrant ses efforts sur la formation et le renseignement, il renforce la résilience opérationnelle de Kyiv tout en préservant l’intégrité de ses propres moyens militaires.
Par ailleurs, les responsabilités de mise en œuvre ont été déléguées au chef d’état-major de la Force aérienne, le général João Guilherme Rosado Cartaxo Alves 5. Ce dernier aura pleine autorité pour exécuter les actions prévues dans le respect des procédures de passation des marchés publics portugais.
Une formation relocalisée et renforcée
La participation du Portugal à la coalition F-16 prend une dimension nouvelle avec le transfert du programme de formation des pilotes ukrainiens vers son territoire, suite à une décision norvégienne. Ce programme, initialement basé au Danemark, bénéficiera désormais des infrastructures portugaises, permettant une intensification des formations spécifiques sur cet avion de chasse occidental.
Lisbonne offre ainsi le cadre, les équipements et les instructeurs nécessaires pour préparer efficacement les aviateurs ukrainiens à l’utilisation de cette technologie de pointe. Cette démarche, bien qu’indirecte, augmente significativement la capacité opérationnelle de l’Ukraine à moyen terme.
Un partenariat bilatéral consolidé par des actes

Ce nouvel engagement vient s’ajouter à une liste croissante de contributions militaires portugaises. Depuis le début de la guerre, Lisbonne a fourni une aide matérielle incluant des chars Leopard 2A6, des hélicoptères SA-330 Puma et Ka-32, des véhicules blindés M113, des mortiers et de l’artillerie. Une aide certes limitée en volume, mais cohérente avec les capacités industrielles du pays.
En parallèle, un accord bilatéral de sécurité a été signé entre le Portugal et l’Ukraine, couvrant un large éventail de domaines : formation militaire, transfert d’armements, coopération technique, renseignement, lutte contre la désinformation. Ce document traduit une volonté claire de s’inscrire dans la durée aux côtés des autorités ukrainiennes, au-delà des cycles politiques et diplomatiques ponctuels.
L’engagement militaire portugais en Ukraine
Type de soutien | Détail | Montant / Modalité |
---|---|---|
Formation de pilotes | Coalition F-16, UDCG | 954 603 € |
Capacités satellitaires | Imagerie optique et radar SAR | 20 500 000 € |
Matériel militaire | Chars, hélicoptères, véhicules blindés, artillerie | Valeur non précisée |
Formation UE | EUMAM UA (Espagne, Allemagne) | Personnel et expertise |
Accord bilatéral | Sécurité, renseignement, désinformation | Cadre juridique établi |
Une implication progressive et stratégique
Le Portugal se distingue par une politique de défense mesurée mais ciblée. En choisissant des secteurs à forte valeur ajoutée comme la formation spécialisée et le renseignement satellite, le pays optimise l’impact de ses contributions tout en préservant sa propre sécurité nationale. Cette approche met en lumière une solidarité sans surenchère, reposant sur l’expertise plus que sur l’armement massif.
Des perspectives d’engagement à surveiller
Le ministre de la Défense nationale, Nuno Melo, a déclaré que le Portugal pourrait à terme envoyer du personnel militaire en Ukraine dans le cadre d’une mission européenne de paix, sous réserve de l’instauration préalable d’un cessez-le-feu entre les parties. Une déclaration prudente, mais qui traduit une ouverture à une implication plus directe, si la situation diplomatique évolue favorablement.
Le Portugal pourrait à terme envoyer du personnel militaire en Ukraine dans le cadre d’une mission européenne de paix
Ce type d’engagement nécessiterait cependant une coordination étroite avec les partenaires européens et une garantie sur les conditions de sécurité pour les soldats déployés. Pour l’heure, Lisbonne reste concentrée sur son rôle d’acteur logistique et formateur.
Une contribution encadrée et transparente
Le décret prévoit explicitement que toutes les dépenses réalisées dans le cadre de cette aide devront respecter les règles de la commande publique. Les choix de procédures contractuelles devront être motivés, et le tout pourra être soumis à la surveillance du Tribunal de Contas 6, garantissant une transparence totale dans l’utilisation des fonds publics.
Cette rigueur budgétaire est essentielle pour maintenir le soutien de l’opinion publique et assurer la légitimité démocratique de l’effort de guerre indirect que représente cet engagement extérieur.
Une diplomatie de défense en évolution constante
Le cas portugais illustre parfaitement comment un pays de taille moyenne peut influer sur un conflit international en mobilisant ses ressources humaines et technologiques de façon ciblée. Plutôt que de rivaliser en volume avec les grandes puissances, le Portugal privilégie une stratégie d’utilité et de spécialisation. Une voie crédible pour affirmer sa place dans la sécurité collective européenne. À mesure que la guerre évolue, l’engagement du Portugal pourrait s’adapter, selon les priorités fixées par ses partenaires et les capacités nationales disponibles. Mais une chose est certaine : Lisbonne ne compte pas se retirer de la table tant que le conflit perdurera.
- Résolution n.º 7487/2025 : https://diariodarepublica.pt/dr/detalhe/despacho/7487-2025-923681405 ↩︎
- Résolution du Conseil des ministres n.º 75/2025 : https://diariodarepublica.pt/dr/detalhe/resolucao-conselho-ministros/75-2025-913636019 ↩︎
- Air Force Capability Coalition : https://feu-journal.eu/(…)-ukraines-immediate-needs-to-a-long-term-vision-of-regional-cooperation/ ↩︎
- UDCG : https://uamission.com/ukraine-defense-contact-group/ ↩︎
- João Guilherme Rosado Cartaxo Alves : https://www.emfa.pt/biografia-77- ↩︎
- Tribunal des Comptes : https://www.tcontas.pt/pt-pt ↩︎