Deux entreprises portugaises, GMV et FHP, s’invitent au cœur d’une des missions spatiales les plus ambitieuses de la décennie. Loin des projecteurs, mais au plus près des technologies de pointe, elles participent activement à CO2M, une initiative européenne stratégique pilotée par l’ESA (Agence spatiale européenne) et la Commission européenne. Cette mission, cruciale pour la compréhension et la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, marque une avancée majeure dans le suivi global du climat terrestre depuis l’espace.
Ce programme s’inscrit dans le cadre de Copernicus, le programme européen d’observation de la Terre. À l’heure où les effets du changement climatique deviennent tangibles, il ne s’agit plus seulement de comprendre : il faut quantifier, détecter, et attribuer les émissions aux bonnes sources. C’est dans cette optique que CO2M déploiera trois satellites à partir de 2027. Et dans les coulisses de cette opération de haute précision, les compétences portugaises se démarquent.
Une mission climatique de haute précision
CO2M (Copernicus Anthropogenic Carbon Dioxide Monitoring Mission) 1 a un objectif ambitieux : mesurer les concentrations atmosphériques de CO₂, de CH₄ (méthane) et de NO₂ (dioxyde d’azote), trois gaz au cœur de la problématique climatique mondiale. Leur détection permettra de cartographier, en haute résolution, les émissions d’origine humaine provenant notamment des centrales thermiques, des zones industrielles et des grands centres urbains.
Ces données sont attendues comme des outils décisifs pour mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris 2. En effet, sans chiffres fiables, pas de politiques climatiques solides. C’est pourquoi la mission CO2M s’avère stratégique : elle permettra, pour la première fois à une telle échelle, d’attribuer clairement les émissions de gaz à effet de serre à des sources identifiées.
La technologie portugaise au service de l’espace
Le traitement des données : un défi confié à GMV
La société portugaise GMV 3, spécialisée dans le spatial et l’ingénierie logicielle, a été choisie pour concevoir les systèmes de traitement des données. Ce rôle est clé, car il s’agit de gérer d’immenses volumes d’informations collectées quotidiennement par les capteurs embarqués sur les satellites CO2M. GMV mettra ainsi au point les algorithmes qui traduiront ces données brutes en cartes lisibles, prêtes à être utilisées par les scientifiques, les gouvernements et les institutions internationales.
Cette capacité à structurer et rendre intelligibles des flux de données massifs montre la maturité de l’écosystème technologique portugais. GMV n’en est pas à son coup d’essai : elle participe à d’autres missions spatiales et renforce ici son ancrage dans le domaine climatique, en ligne directe avec les enjeux planétaires.
Un habillage thermique signé FHP
De son côté, FHP 4, une autre entreprise portugaise, est responsable de l’isolation thermique des satellites. Dans le vide spatial, les écarts de température peuvent être extrêmes. Garantir la stabilité thermique des instruments embarqués est donc fondamental pour la fiabilité des mesures.
L’expertise de FHP, validée par l’Agence spatiale portugaise, s’exprimera à travers des matériaux spécifiques capables de protéger les composants électroniques sensibles. Cette technologie de « survie spatiale » est l’un des éléments les plus critiques dans la construction de satellites d’observation terrestre.
Une mission au cœur des engagements climatiques
Dans un contexte où les engagements climatiques sont scrutés, comparés, parfois contestés, la mission CO2M jouera un rôle d’arbitre objectif. Grâce à ses observations indépendantes, elle permettra de vérifier la véracité des inventaires nationaux d’émissions fournis aux Nations Unies. Chaque pays pourra être confronté à la réalité physique mesurée depuis l’espace.
Cette transparence représente une avancée majeure. Désormais, la diplomatie climatique ne reposera plus uniquement sur la bonne foi des déclarations, mais sur des preuves scientifiques partagées. Les négociations internationales sur le climat, notamment dans le cadre des COP à venir, s’appuieront sur ces nouvelles données pour orienter leurs décisions.
La donnée : une arme géopolitique
À l’ère de la transition énergétique, la donnée devient un enjeu de souveraineté. CO2M, en renforçant l’autonomie stratégique de l’Europe, permet à l’UE de ne plus dépendre des satellites américains ou chinois pour suivre l’évolution du climat. Elle affirme ainsi sa capacité à agir, à vérifier et à réguler en toute indépendance.
Le Portugal, en étant embarqué dans cette dynamique, bénéficie d’une exposition technologique et politique accrue. Il se positionne non plus comme simple utilisateur de données spatiales, mais comme un pays contributeur à la production de ces données.
Un nouveau chapitre pour le spatial portugais
Au-delà de la mission CO2M, la participation portugaise témoigne d’une ambition plus large pour le secteur spatial national. La création de l’Agence spatiale portugaise (Portugal Space) 5 en 2019, la base de lancement de micro-satellites aux Açores, et les investissements dans la recherche montrent que le pays entend jouer un rôle actif dans l’exploration et l’observation de la Terre.
Les succès de GMV et FHP dans CO2M pourraient ouvrir la voie à de nouvelles collaborations internationales, à des transferts de technologie, voire à des vocations nouvelles chez les jeunes ingénieurs portugais. Le spatial devient ici une vitrine de l’innovation nationale, tournée vers l’avenir et les grands enjeux de société.
- CO2M : https://www.eumetsat.int/co2m ↩︎
- Accord de Paris : https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris ↩︎
- GMV : https://www.gmv.com/pt-pt ↩︎
- FHP : https://www.frezitehp.com/ ↩︎
- Agence spatiale portugaise : https://ptspace.pt/ ↩︎