On vous a déjà parlé des carnavals portugais, ces explosions de couleurs et de traditions qui enflamment les rues chaque année en mars. Mais celui de Torres Vedras, dans le district de Lisbonne, mérite un focus particulier. Considéré comme le plus authentique du pays, il est à la fois une fête populaire, un défouloir social et un gigantesque spectacle de satire. Ici, la règle est simple : tout est permis… ou presque.
Si vous n’avez jamais vu le Carnaval de Torres Vedras, oubliez ce que vous connaissez des carnavals européens. Entre chars humoristiques, batailles de fleurs, mascarades burlesques et satire politique, cet événement dépasse le simple cadre festif. Il est une institution, un rite de passage, un moment où l’identité portugaise s’exprime sans filtre. Et si vous vous demandez d’où vient cette ferveur carnavalesque qui a traversé l’Atlantique jusqu’au Brésil, c’est en assistant à cette fête que vous comprendrez tout.
Des origines rurales à une fête nationale incontournable

Les premières traces du carnaval à Torres Vedras remontent à 1574, lorsque des jeunes furent arrêtés pour avoir joué à un jeu traditionnel de chasse au coq pendant l’Entrudo 1. Mais ce n’est qu’au XXe siècle que la fête prend son ampleur actuelle, notamment grâce à l’élite républicaine locale qui s’en sert pour parodier la politique et les figures de pouvoir.
L’élite républicaine locale qui s’en sert pour parodier la politique et les figures de pouvoir
En 1923, un tournant s’opère avec l’introduction d’un Roi du Carnaval, personnage satirique qui règne sur la ville pendant les festivités. Un an plus tard, c’est une Reine Matrafona qui est ajoutée, incarnée par un homme déguisé en femme, symbolisant la transgression des normes sociales. Dès lors, les Matrafonas, ces hommes vêtus en femmes de façon caricaturale, deviennent le symbole du carnaval.
Dès les années 1930, les chars allégoriques apparaissent, souvent construits par des artistes et artisans locaux, et mettant en scène des figures politiques dans des situations burlesques. L’humour grinçant et la critique sociale deviennent la marque de fabrique de Torres Vedras.
Une explosion de traditions et de satire
Aujourd’hui, le carnaval suit un rituel bien huilé :
- L’arrivée du Roi et de la Reine marque le début des festivités. Ils reçoivent symboliquement les clés de la ville, donnant le coup d’envoi des jours de folie.
- Les corsos de jour et de nuit, avec leurs chars gigantesques et leurs groupes masqués, envahissent les rues.
- Les Matrafonas, en robes criardes et maquillages outranciers, participent à une compétition où la meilleure transformation est récompensée.
- Le jugement et l’enterrement du Carnaval, moment solennel et théâtral où le Roi fictif est condamné et brûlé en place publique, symbolisant la fin des excès avant le Carême.
Un exutoire collectif et une inversion des rôles

Historiquement, le carnaval a toujours été un moment où les normes sociales sont renversées. À Torres Vedras, cette dimension est omniprésente avec les Matrafonas, ces hommes déguisés en femmes de manière caricaturale, qui symbolisent une remise en question des genres et des hiérarchies. Cette inversion des rôles rappelle les anciennes fêtes païennes où l’ordre établi était temporairement suspendu.
Un carnaval du peuple, par le peuple

Contrairement à d’autres carnavals plus institutionnalisés, celui de Torres Vedras est spontané et communautaire. Il n’y a pas de groupes professionnels ni de grandes écoles de samba comme au Brésil. Ici, ce sont les habitants eux-mêmes qui conçoivent les chars, choisissent les thèmes satiriques et incarnent les rôles clés du carnaval. Cette dimension participative renforce un sentiment d’appartenance et d’identité locale.
La satire et l’esprit contestataire



Depuis ses origines, le carnaval de Torres Vedras est un outil de critique sociale et politique. Les chars allégoriques et les costumes exagérés tournent en dérision les figures de pouvoir, les actualités et les stéréotypes culturels. Cette tradition remonte au début du XXe siècle, lorsque l’élite républicaine utilisait le carnaval pour moquer la monarchie et le clergé. Aujourd’hui encore, l’humour caustique et la liberté d’expression y sont fondamentaux.
Une fête intergénérationnelle et inclusive

Malgré son esprit irrévérencieux, le carnaval reste un événement fédérateur, attirant toutes les générations. Des enfants aux personnes âgées, tout le monde participe, que ce soit en défilant, en créant des costumes ou en animant les rues. Loin d’être une fête élitiste, le carnaval de Torres Vedras est avant tout celui du peuple, où chacun trouve sa place.
Pourquoi il faut absolument vivre le Carnaval de Torres Vedras ?

Parce que ce n’est pas juste une fête, mais une expérience totale. Ici, pas de demi-mesure : on rit, on danse, on critique, on s’exprime. C’est une célébration où le peuple prend le pouvoir, où le ridicule est roi, où l’absurde devient un art.
Le carnaval de Torres Vedras n’est pas juste une fête, mais une expérience totale
En 2025, le carnaval aura lieu du 28 février au 5 mars 2, avec un thème tout particulier : « 50 ans, 25 avril », en hommage à la Révolution des Œillets qui a renversé la dictature en 1974. Une édition qui s’annonce encore plus explosive, où satire et liberté d’expression seront à l’honneur.
Où se trouve Torres Vedras ? Informations pratiques
Située dans la région centre du Portugal, Torres Vedras se trouve à 50 km au nord-ouest de Lisbonne. Accessible en moins d’une heure en voiture depuis la capitale via l’A8, la ville est également desservie par le train (Ligne de l’Ouest) et plusieurs lignes de bus.
- Lisbonne : 50 km (environ 45 min en voiture)
- Porto : 280 km (environ 3h en voiture)
- Coimbra : 170 km (environ 2h en voiture)
Pendant le carnaval, le centre-ville devient piéton et un service de navettes est mis en place depuis plusieurs parkings extérieurs. Il est recommandé de réserver son hébergement à l’avance, les hôtels et locations étant rapidement complets en cette période de festivités intenses.
Le Carnaval de Torres Vedras est bien plus qu’un simple événement festif. Il est le miroir d’une société qui, à travers la satire, l’inversion des rôles et la participation collective, exprime son attachement à la liberté et à la dérision. Son mélange unique de tradition et de modernité, où s’entrelacent influences rurales et urbaines, en fait une fête à part, ancrée dans l’histoire mais toujours en mouvement.
Ici, l’humour est roi, la créativité sans limites et chaque participant devient acteur de cette gigantesque mise en scène populaire. De l’arrivée des Rois du Carnaval à l’enterrement du Boneco do Entrudo, chaque moment est une célébration de la culture portugaise dans ce qu’elle a de plus vibrant et authentique.
Si vous voulez comprendre l’âme festive du Portugal, c’est ici qu’il faut être. Torres Vedras ne se raconte pas, il se vit.
- Entrudo : Terme portugais désignant l’ancêtre du carnaval, période festive précédant le Carême. Marqué par des jeux de transgression, des déguisements et des rites d’inversion sociale, il célèbre la liberté avant les privations religieuses. ↩︎
- Découvrir le programme du carnaval : https://www.carnavaldetorresvedras.pt/programa ↩︎