La tour du Jornal de Notícias de Porto s’apprête à renaître en hôtel

Symbole du paysage urbain de Porto depuis plus d’un demi-siècle, la tour du Jornal de Notícias s’apprête à entamer une nouvelle vie. Le bâtiment emblématique de la Rua de Gonçalo Cristóvão, autrefois siège du célèbre quotidien portugais, doit être transformé en hôtel haut de gamme. Si le permis de construire a été délivré par la mairie dès le 30 janvier, les travaux, eux, n’ont pas encore commencé. L’édifice, aujourd’hui silencieux, reste en attente d’un chantier qui s’annonce aussi symbolique qu’ambitieux.

Un projet urbain en gestation depuis une décennie

Ce projet de reconversion n’est pas né d’hier. Il remonte à 2015, lorsque la première demande d’information préalable (PIP) avait été déposée auprès des services d’urbanisme de Porto pour transformer la tour en hôtel de plus de 200 chambres. Le dossier avait reçu un avis favorable dès 2016 et a été, depuis, régulièrement reconduit. Cette lente gestation illustre à la fois la complexité du projet et les précautions prises pour préserver un bâtiment chargé de mémoire dans une zone classée du centre historique.

La tour, dessinée par l’architecte Márcio Freitas et inaugurée en 1970, fut la troisième rédaction du Jornal de Notícias ¹. Pendant plus d’un demi-siècle, elle a vu défiler des générations de journalistes, photographes et typographes, contribuant à écrire l’histoire du Portugal contemporain. En juillet 2023, les rédactions de JN, O Jogo et TSF ont quitté les lieux pour de nouveaux locaux, marquant la fin d’une époque et laissant derrière elles un vide à la fois physique et symbolique au cœur de la ville.

Une renaissance entre mémoire et modernité

Le futur « Hotel Jornal » sera signé par le collectif d’architectes Oporto Office for Design and Architecture (OODA) ², à l’origine de plusieurs réhabilitations emblématiques, dont l’ancien abattoir de Campanhã ou encore le siège de la Ligue portugaise de football à Ramalde. Le projet prévoit la démolition partielle des structures adjacentes à la station de Trindade et la conservation du spectaculaire panneau de carreaux de faïence réalisé par le sculpteur Charters de Almeida, véritable œuvre d’art inscrite dans le paysage portuan.

Cette alliance entre patrimoine et modernité illustre la philosophie du cabinet OODA : réinventer sans effacer. L’hôtel conservera ainsi l’identité visuelle de la tour, tout en intégrant des volumes et des matériaux contemporains. La façade carrelée, bleu cobalt sur béton brut, deviendra l’emblème d’un lieu qui entend accueillir le monde sans renier son passé.

Les nouveaux acteurs d’un projet emblématique

Depuis 2020, la tour appartient à la société Magnetic Pocket, dirigée par les hommes d’affaires de Macao Lei Ka Kei et David Siu. Ces derniers gèrent également Burgosublime, filiale du groupe KNJ fondé par l’entrepreneur Kevin Ho. Le projet de Porto, via Authentic Empathy, leur holding d’investissement immobilier, s’inscrit dans une stratégie de valorisation du patrimoine urbain portugais à forte portée symbolique. En 2018 déjà, Global Media avait cédé le bâtiment à ces investisseurs asiatiques, conscients du potentiel touristique de Porto et de son essor continu.

Avec ce chantier, Magnetic Pocket s’attaque à un monument du journalisme portugais, mais aussi à une icône architecturale de l’après-salazarisme. La tour du Jornal de Notícias, longtemps perçue comme un repère visuel entre la modernité et la mémoire, pourrait bientôt devenir un repère d’hospitalité au cœur de la ville.

Entre nostalgie et renouveau

Pour les Portuans, l’idée de voir la tour se transformer en hôtel suscite à la fois curiosité et mélancolie. Certains regrettent la disparition d’un lieu où furent imprimés des titres majeurs de la presse nationale, tandis que d’autres saluent la renaissance d’un bâtiment resté vide depuis des mois. Dans une ville où les façades centenaires côtoient les constructions futuristes, cette métamorphose symbolise le dilemme de Porto : comment concilier développement touristique et respect de son identité urbaine.

La mairie, par la voix de ses services d’urbanisme, assure suivre de près le projet. Pour l’heure, le terrain n’a pas encore été clôturé, et aucun engin n’est à l’œuvre. Mais le permis est délivré, les plans sont prêts, et le destin de la tour semble scellé. Comme souvent à Porto, les pierres racontent encore avant que les murs ne changent de fonction.