La série « Pêche interdite » booste le tourisme aux Açores

Rabo de Peixe

À peine un an après sa mise en ligne sur Netflix, la série portugaise Pêche interdite (Rabo de Peixe) ne se contente pas de figurer dans le Top 10 mondial de la plateforme ; elle redessine déjà le paysage touristique des Açores. Dans le sillage de cette fiction haletante librement inspirée d’un fait divers réel, le petit village de Rabo de Peixe, autrefois associé à la pauvreté et à la marginalisation, devient une escale recherchée des voyageurs. Avec un impact mesuré en nuitées, en consommation locale, en téléchargements d’applications et même en nouvelles offres commerciales, la série prouve que le soft power audiovisuel portugais peut désormais façonner la carte touristique autant que les guides officiels.

Rabo de Peixe, de la marginalité à la curiosité touristique

Rabo de Peixe

Avant Pêche interdite 1, rares étaient les voyageurs à inscrire Rabo de Peixe sur leur itinéraire à São Miguel, la plus grande île de l’archipel des Açores. Lourdement marqué par une histoire de précarité, de chômage et d’exode rural, le village portuaire vivait dans l’ombre des attraits plus classiques de l’île : ses lagons, ses thermes et ses paysages volcaniques. Mais le succès inattendu de la série en mai 2023 (classée dans le Top 10 de Netflix dans plus de 30 pays) a changé la donne.

Dès l’automne suivant, les rues du village se sont animées d’un nouveau type de visiteur. Selon le maire de Ribeira Grande, Alexandre Gaudêncio, plusieurs centaines de touristes parcourent désormais chaque jour les lieux de tournage. Une application interactive, téléchargée plus de 5000 fois, permet de suivre un itinéraire géolocalisé sur les traces des scènes emblématiques. Bars, façades délabrées, quais, routes de pêcheurs : tout devient décor et objet de curiosité.

Cette effervescence n’a rien d’anecdotique. D’après la municipalité, les retombées économiques sont tangibles : les demandes de logement, les réservations de nuitées et la fréquentation des restaurants locaux ont fortement augmenté. Les agences de voyages proposent désormais des circuits « Rabo de Peixe« , et des activités maritimes, quasiment inexistantes auparavant, voient le jour dans la baie.

Quand la fiction ranime une réalité trouble

Une série inspirée d’une histoire vraie

Rabo de Peixe PÊCHE INTERDITE Bande Annonce Trailer Netflix @NetflixPortugalOfficial

Pêche interdite ne naît pas d’un pur imaginaire. Elle s’inspire d’un fait divers tragique survenu en 2001 : le naufrage au large des Açores d’un voilier transportant plus de 500 kilos de cocaïne d’une pureté exceptionnelle. L’histoire réelle avait vu certains habitants s’approprier la cargaison, entraînant overdoses, drames humains, et descentes de police. La série transpose ces événements dans un récit de fiction nerveux, centré sur un groupe de jeunes pêcheurs confrontés à un monde criminel sans pitié.

Dans la série, l’esthétique brute et les choix de mise en scène évitent les clichés touristiques. Les paysages volcaniques, la mer omniprésente, les murs usés et les visages fermés composent un décor authentique, parfois rugueux, qui rompt avec l’image carte postale souvent associée aux Açores. C’est précisément cette tension entre beauté naturelle et dureté sociale qui fascine les spectateurs, et désormais les touristes.

Tourisme, mémoire et marketing territorial

Ce n’est pas la première fois qu’une série influence le tourisme. Mais dans le cas de Rabo de Peixe, le phénomène prend une tournure plus structurelle. Le maire évoque une « pression touristique positive » ayant favorisé l’émergence de commerces liés à la série, mais aussi une hausse des investissements immobiliers. Certains y voient un risque de gentrification, d’autres un levier pour redorer l’image du village et stimuler son économie locale.

Ce modèle de tourisme culturel, basé sur la fiction, repose sur une hybridation entre narration et territoire. La municipalité, consciente du potentiel, mise sur la pérennité du projet. Le guide numérique est enrichi de contenus exclusifs, les circuits sont encadrés par des professionnels, et les habitants eux-mêmes deviennent parfois témoins, voire guides, de cette mémoire recomposée.

Netflix, acteur indirect du développement régional

Rabo de Peixe

La plateforme Netflix n’a pas directement financé d’infrastructures locales, mais son rôle est désormais central dans l’économie touristique de certaines régions portugaises. Avec Pêche interdite, c’est un nouvel exemple de “tourisme Netflix” qui se dessine, à l’instar de ce que des séries comme Dark en Allemagne ou The Crown au Royaume-Uni ont déjà provoqué.

Le succès de la série a également stimulé la fierté locale. De nombreux Açoriens saluent la visibilité offerte à une île encore souvent marginalisée. Le fait que les réalisateurs, les acteurs et même les figurants soient majoritairement portugais (voire insulaires) renforce ce sentiment d’appropriation collective. Les saisons 2 et 3, annoncées pour bientôt, pourraient confirmer cette dynamique, à condition de maintenir un équilibre entre attraction médiatique et préservation des réalités locales.

Une opportunité à double tranchant ?

Si le modèle fonctionne pour Rabo de Peixe, il pose aussi des questions : la mise en tourisme d’un village à travers une série qui parle de trafic de drogue et de pauvreté peut-elle vraiment être durable ? Jusqu’à quel point un territoire peut-il “capitaliser” sur une image fictionnelle, au risque de la voir un jour se retourner contre lui ?

Pour l’heure, les autorités locales jouent la carte de l’opportunité. Le maire parle d’un « investissement immatériel » et d’un exemple de reconversion narrative. L’image de la déchéance laisse place à celle de la résilience. Le soft power lusophone, via les plateformes, agit comme un levier de transformation à la fois économique, médiatique et identitaire.

Pêche interdite et le tourisme NETFLIX

Avec Pêche interdite, le Portugal expérimente une nouvelle forme de rayonnement territorial à travers la fiction. Ce n’est plus seulement Lisbonne ou Porto qui attire les projecteurs, mais un petit village isolé, devenu malgré lui un symbole d’un pays qui se raconte autrement. Si cette dynamique se confirme, elle pourrait inspirer d’autres régions marginalisées à s’approprier leur image en combinant mémoire locale et création audiovisuelle. Le tourisme culturel portugais, à l’ère du streaming, est en train d’écrire un nouveau chapitre.

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