5 octobre 1910 : l’avènement de la République portugaise

republique portugaise

Le 5 octobre 1910 marque un tournant décisif dans l’histoire du Portugal. Ce jour-là, la monarchie pluriséculaire des Bragance s’effondre, et la Première République portugaise voit le jour. Un événement qui fut moins une explosion soudaine qu’une lente combustion : celle d’un pays miné par la crise économique, l’humiliation diplomatique et la défiance envers une monarchie devenue anachronique. L’avènement de la République, à Lisbonne, fut le dénouement d’années de tensions sociales et politiques qui avaient peu à peu préparé le terrain à la révolution.

Un pays en crise et un régime à bout de souffle

carlos I
carlos I

Au début du XXe siècle, le Portugal traverse une période de déclin. L’économie nationale, fragile et dépendante de capitaux étrangers, s’effondre sous le poids de la dette. L’industrie stagne, l’agriculture demeure archaïque, et les salaires des ouvriers chutent tandis que le chômage augmente. Le peuple s’appauvrit, tandis que l’aristocratie et les grandes familles royales continuent de jouir d’un confort intact. Dans les villes comme Lisbonne ou Porto, la population gronde. Les républicains, encore minoritaires mais de plus en plus audibles, trouvent dans cette misère un terreau fertile.

À cette situation s’ajoute un épisode d’humiliation nationale : le fameux Ultimatum britannique de 1890. Londres interdit alors à Lisbonne de réaliser son projet de relier ses colonies d’Afrique de l’Ouest (Angola) à celles de l’Est (Mozambique). La “Carte rose”, dessinée par les diplomates portugais pour symboliser cette ambition impériale, devient le symbole d’un rêve brisé. Le peuple portugais ressent une blessure d’orgueil profonde, persuadé que son roi s’est plié à la volonté étrangère. Le désamour entre le monarque et ses sujets s’en trouve aggravé.

De la monarchie autoritaire au drame du Terreiro do Paço

regicide 1908 portugal

En 1906, le roi Carlos Ier tente de reprendre la main en confiant à João Franco, un homme fort, des pouvoirs quasi dictatoriaux. Ce dernier impose la censure, restreint les libertés civiles et autorise les arrestations d’opposants sans procès. Les prisons se remplissent d’intellectuels et de journalistes républicains. L’opinion se radicalise. Deux ans plus tard, la tension atteint un point de non-retour.

Le régicide du 1er février 1908

Le 1er février 1908, Lisbonne sombre dans la violence. De retour de Vila Viçosa, le roi, la reine Amélie et leurs fils traversent le Terreiro do Paço dans une voiture découverte. Soudain, plusieurs coups de feu éclatent. Le roi est touché à la gorge et meurt sur le coup. Son fils aîné, le prince héritier Luís Filipe, tente de riposter mais succombe à son tour, atteint au visage. La reine, désarmée, tente vainement de repousser les assaillants avec le bouquet qu’elle tenait à la main. La place devient un chaos de cris et de tirs. Le plus jeune fils, Manuel, blessé au bras, survit miraculeusement. À 18 ans, il devient roi sous le nom de Manuel II, il sera le dernier roi du Portugal !

Le double assassinat frappe le pays d’effroi. Mais loin de restaurer la monarchie dans sa dignité, le régicide l’achève moralement. L’autorité royale s’effrite, la rue s’enflamme, et la République devient désormais une question de temps.

1910 : la révolution éclate à Lisbonne

instauration republique portugal

Le règne de Manuel II, jeune et inexpérimenté, ne dure que deux ans. Le roi tente bien d’apaiser les tensions, mais les fractures sociales et politiques sont déjà trop profondes. Le 3 octobre 1910, une insurrection républicaine éclate à Lisbonne. Les premiers affrontements se concentrent autour du Palácio das Necessidades, où réside le souverain. Des obus s’abattent sur la résidence royale, et la garnison de Lisbonne se divise. Une partie des troupes rejoint les insurgés.

Manuel II fuit la capitale pour Sintra, où il retrouve sa mère et sa grand-mère. Mais l’armée royale s’effondre rapidement face à la détermination des républicains, soutenus par une population lasse et galvanisée. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, les derniers partisans de la monarchie déposent les armes.

La proclamation de la République

Le 5 octobre 1910, au matin, la foule se rassemble devant l’Hôtel de Ville de Lisbonne. Le drapeau monarchique, frappé des armoiries royales, est arraché. À sa place, on hisse un nouveau pavillon : le drapeau vert et rouge de la République portugaise. Le régime monarchique, vieux de près de huit siècles, s’effondre sans effusion de sang supplémentaire. Manuel II s’exile à bord du yacht royal, direction Gibraltar, puis l’Angleterre, où il vivra jusqu’à sa mort en 1932.

À Lisbonne, la Première République portugaise est officiellement proclamée. Elle se dote d’un gouvernement provisoire dirigé par Teófilo Braga, écrivain, intellectuel et figure du positivisme républicain. Le pays entre dans une ère nouvelle, pleine de promesses mais aussi d’incertitudes.

Un nouveau régime aux fondations fragiles

Si la chute de la monarchie est rapide, la construction du régime républicain s’avère chaotique. Entre 1910 et 1926, le Portugal connaîtra plus de 40 gouvernements et une instabilité chronique. Mais le 5 octobre reste une date fondatrice, celle de la conquête symbolique d’un idéal démocratique, né de la colère et de la désillusion.

Entre 1910 et 1926, le Portugal connaîtra plus de 40 gouvernements et une instabilité chronique

La République hérite d’un pays pauvre, divisé, et encore très rural. Pourtant, elle incarne une rupture : la fin du pouvoir divin, la laïcisation de l’État, l’introduction du suffrage universel masculin et la réforme de l’éducation. La devise républicaine, Liberté, Justice, Progrès, s’inscrit dans la mémoire collective comme un horizon à atteindre, bien plus qu’une réalité acquise.

Une mémoire encore vivante

Plus d’un siècle après les événements, le 5 octobre demeure au Portugal une fête nationale. Les commémorations, plus sobres qu’autrefois, rappellent la naissance d’un régime né du désespoir autant que de l’espérance. À Lisbonne, le Terreiro do Paço, théâtre du régicide, est devenu un lieu de mémoire, tandis que les symboles de la République décorent encore les façades publiques. Le Portugal moderne, membre de l’Union européenne, puise dans cet héritage républicain une part de son identité politique : celle d’un pays qui, après des siècles de monarchie et de dictature, a choisi de se reconstruire sur la liberté et la citoyenneté.

Résumer l'article avec l'IA 👉 ChatGPT Perplexity Grok Google AI

Article écrit par
Retour en haut