Nacional 2 (N2) : traverser le Portugal du nord au sud

route nationale 2

Au cœur du Portugal, entre mer et montagnes, s’étend une voie singulière, empreinte d’histoire, de mémoire et de paysages époustouflants : la route nationale 2, ou Estrada Nacional 2 (N2). Tracée en 1945 dans le cadre d’un ambitieux projet d’aménagement du territoire, cette colonne vertébrale routière relie Chaves, au nord, près de la frontière espagnole, à Faro, au sud, en Algarve. Sur ses 739 kilomètres, la N2 traverse 11 districts et 35 communes, offrant une véritable traversée initiatique du Portugal, de ses montagnes verdoyantes à ses plages atlantiques. Bien plus qu’un axe de circulation, ce ruban d’asphalte est devenu un symbole d’identité nationale, une invitation à explorer le cœur vivant d’un pays, au rythme d’un voyage lent, riche en rencontres, en culture et en traditions.

Un itinéraire initiatique du nord au sud

Du Trás-os-Montes aux terres viticoles : les premiers souffles de la N2

Estrada Nacional 2

Commencer son périple à Chaves, c’est poser les roues au kilomètre zéro, point de départ de cette traversée symbolique. Ville thermale d’origine romaine, Chaves est un écrin de pierres anciennes et d’eaux sulfureuses, bordé de montagnes verdoyantes. Très vite, la route serpente dans le Trás-os-Montes, une région isolée, rude et poétique, où les vallées encaissées croisent des plateaux battus par les vents. Ici, chaque virage dévoile un hameau oublié, chaque borne kilométrique raconte un pan du Portugal rural.

Au fil des kilomètres, la N2 effleure la vallée du Douro, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les vignobles en terrasses s’y déploient comme des draps suspendus à la montagne, offrant un spectacle changeant selon les saisons. Puis, elle plonge vers les forêts du centre, effleurant des localités chargées de mémoire comme Lamego, Viseu ou Tondela. Dans ces villes, les pierres parlent, les traditions persistent, et les haltes sont des leçons d’histoire autant que de gastronomie.

Cap sur le centre : entre montagnes, rivières et mémoire vive

Vila de Rei

Plus au sud, la N2 s’enfonce dans le centre du pays, là où les reliefs s’adoucissent sans jamais perdre en caractère. À Penacova, les méandres du rio Mondego s’offrent aux regards, bordés de moulins oubliés et de forêts denses. À Lousã, les schistes des vieux villages de montagne rappellent les bâtisseurs d’autrefois, tandis que les plages fluviales invitent à la baignade dans des eaux limpides, nichées entre les rochers. Le tracé de la route épouse les mouvements du terrain, tantôt sinueux, tantôt droit comme un fil tendu, mais toujours fidèle à l’âme profonde du pays.

La commune de Vila de Rei, presque imperceptible à première vue, détient un titre symbolique : elle abrite le centre géodésique du Portugal. Un simple monument de granit indique ce point d’équilibre entre nord et sud, un repère géographique au cœur de cette aventure linéaire. À proximité, les collines de Sertã offrent des panoramas silencieux et majestueux, propices aux pauses contemplatives.

Le Tage franchi, le rythme se modifie : l’Alentejo s’annonce

abrantes n2

En atteignant Abrantes, la N2 s’offre une halte au-dessus du Tage, fleuve mythique qui coupe le Portugal en deux. Depuis les hauteurs du château, la vue s’étend vers le sud, vaste, lumineuse, presque africaine. Passé ce seuil géographique et symbolique, le paysage change de ton. Les montagnes font place aux plaines, les villages se raréfient, et le silence devient un compagnon de route. C’est l’Alentejo.

Dans cette région de soleil écrasant et de rythmes lents, les arrêts prennent une saveur particulière. À Mora, le Fluviarium 1 raconte les rivières et les poissons d’eau douce ; à Coruche, l’Observatoire du chêne-liège 2 témoigne d’un artisanat séculaire, pilier de l’économie locale. Chaque étape est une immersion dans un Portugal terrien, agricole, résilient. Ici, les maisons sont blanchies à la chaux, les volets verts ou bleus, et l’ombre est une denrée précieuse.

Vers l’Atlantique : l’ultime glissade vers Faro

738 faro

Peu à peu, la lumière se fait plus dorée, le sol plus aride, les virages moins fréquents. À l’approche de la Serra do Caldeirão, la N2 retrouve un dernier élan : ses 365 virages mènent les voyageurs à travers un paysage montagneux, prélude spectaculaire à l’Algarve. À Almodôvar, le patrimoine rural est mis en valeur, entre ponts romains, couvents oubliés et fêtes traditionnelles.

Enfin, la mer surgit. À Faro, la borne 738 marque la fin du voyage. Face à l’Atlantique, le souffle salin remplace les parfums de terre. Le point final n’est pas une conclusion, mais une ouverture. Car avoir parcouru la N2, c’est désormais porter en soi l’écho d’un pays traversé, compris et, peut-être, aimé dans sa profondeur.

Entre patrimoine et nature : la route comme témoin vivant

Un patchwork géographique fascinant

rn2

La N2, c’est une succession de paysages d’une variété saisissante. Des montagnes escarpées du nord aux plaines lumineuses de l’Alentejo, la route semble se transformer à chaque tronçon. En son centre, près de Vila de Rei, un simple obélisque marque le centre géodésique du Portugal : le cœur symbolique du pays, battement discret de cette artère routière. Autour, les plages fluviales, les forêts de pins et les chênes-lièges forment un écrin de verdure apaisant.

Le voyage est aussi olfactif. L’odeur des eucalyptus dans les hauteurs de Penacova, celle des champs de lavande en été ou du pain chaud à la sortie des villages forment une palette sensorielle inoubliable. À chaque région son accent, sa cuisine, ses rites. Ce pays longiligne qu’est le Portugal se découvre ici dans son unité mais aussi dans sa pluralité culturelle et naturelle.

Héritage humain et culturel au fil de l’asphalte

miradouro rn2

Plus qu’un décor, la route est un musée vivant. Sanctuaires baroques, ponts romains, moulins à vent et vestiges médiévaux bordent l’itinéraire. À Lamego, le sanctuaire de Nossa Senhora dos Remédios 3 offre un panorama sur la ville et un escalier monumental digne d’un tableau renaissance. Plus loin, les villages comme Sertã, Mora ou Almodôvar invitent à la rencontre : artisans du liège, vignerons, conteurs d’histoires locales nourrissent le voyage d’authenticité.

Ce patrimoine s’exprime aussi par les chants, comme le Cante alentejano, inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Dans les tavernes, entre deux étapes, on le découvre au détour d’une voix grave et collective, accompagnée d’un verre de vin du Dão ou d’une assiette de bacalhau.

Un carnet de voyage vivant

Roteiro-EN2 passaporte

Parcourir la N2, c’est aussi composer un journal de bord personnel. Grâce au passeport Estrada Nacional 2 4, disponible dans les offices de tourisme, chaque commune traversée appose un tampon, transformant l’itinéraire en quête ludique. On collectionne les cachets comme autant de souvenirs concrets d’un voyage intérieur et extérieur.

La route devient alors un fil conducteur entre des réalités multiples : les motards en quête de sensations, les familles en slow travel, les cyclotouristes audacieux ou les photographes attirés par la lumière dorée de l’Alentejo. Tous convergent sur cette ligne d’asphalte, miroir de leurs aspirations nomades.

N2 a velo

Parcourir la Nationale 2 à vélo, c’est s’offrir un regard nouveau sur un pays aux mille visages. Loin des grands axes et de l’agitation urbaine, la route devient un fil d’Ariane qui relie des mondes contrastés : forêts de chênes du nord, rivières cristallines du centre, plaines gorgées de soleil du sud. Le cycliste n’est plus un simple touriste : il devient témoin attentif d’une géographie intime. Chaque montée est une conquête, chaque descente une récompense. L’effort physique révèle des panoramas invisibles aux automobilistes pressés. Le silence des pédales fait écho aux clochers de granite, aux cris d’oiseaux, au vent qui bruisse dans les eucalyptus.

La N2 n’est pas une promenade de santé. De Chaves à Faro, l’itinéraire cumule dénivelés, virages, longues lignes droites et transitions climatiques. Mais c’est précisément cette diversité qui en fait son attrait. Les premières étapes, dans le Trás-os-Montes, obligent à l’humilité : les pentes y sont sévères, les températures souvent fraîches. Vient ensuite le centre montagneux, où le parcours tutoie les crêtes et traverse les vallées profondes. Les régions de Viseu ou de Sertã offrent des défis techniques mais aussi des pauses bienvenues dans les villages fluviaux, où l’eau rafraîchit les jambes et l’âme. L’arrivée dans l’Alentejo signe un basculement : le relief s’apaise, le ciel s’élargit, les lignes droites invitent à la contemplation.

N2 a vélo

Bien que praticable, la N2 à vélo requiert une certaine planification. Il faut compter entre 7 et 12 jours selon le niveau, les envies de visite et la météo. Les cyclotouristes préfèreront l’automne ou le printemps, saisons où les températures sont douces et les paysages au sommet de leur beauté. Plusieurs tronçons sont maintenant balisés et sécurisés, et certains offices de tourisme proposent le “Passeport N2”, à tamponner comme carnet de bord du périple. Le logement, lui, se fait dans des petites pensions, casas rurales ou auberges, souvent tenues par des familles accueillantes et habituées à recevoir des voyageurs à vélo.

La magie de la N2 réside aussi dans les rencontres qu’elle provoque. Fermiers, pêcheurs, anciens assis devant leur porte, tous partagent un mot, un sourire, un café serré. Pour eux, le passage des cyclistes est devenu une routine attachante, presque un rituel estival. Dans les petites villes comme Vila de Rei ou Almodôvar, les commerçants connaissent l’itinéraire, conseillent les meilleures épiceries, les points d’eau, les réparateurs de fortune. Et puis il y a les autres cyclistes : Portugais, Français, Allemands, parfois même Canadiens, venus eux aussi chercher une aventure humaine. Les récits se croisent, les itinéraires s’échangent, les soirées se terminent souvent autour d’un plat simple et d’un verre de vinho verde.

La N2 à vélo est bien plus qu’un voyage sportif. C’est un rite de passage, une invitation à ralentir, à se délester du superflu. Sur les 739 kilomètres du tracé, chaque pédalée rapproche un peu plus du cœur battant du Portugal. À l’heure des circuits rapides et des destinations surconsommées, cette route offre autre chose : un espace-temps suspendu, une carte postale vivante où l’effort et l’émerveillement ne font qu’un.

La N2 : une route symbole, un voyage manifeste

À l’image de la Route 66 aux États-Unis, la Nationale 2 est devenue emblématique. Elle incarne une autre manière de voyager, loin de la vitesse, du rendement ou du GPS. Ici, on suit les anciennes bornes, les récits murmurés par les pierres, le cliquetis des verres partagés dans les tavernes. Chaque arrêt est une découverte, chaque redémarrage une promesse.

Faro et son littoral sauvage marquent la fin du périple. Après avoir traversé 11 départements et 35 communes, c’est l’océan Atlantique qui clôt ce long poème routier. Le sable sous les pieds, le vent dans les cheveux, le regard se tourne vers le nord, vers tout ce qui a été vécu. Car sur la N2, la destination compte autant que le chemin lui-même. La route N2 n’est pas qu’un itinéraire : c’est un voyage dans l’âme du Portugal.


Article écrit par
Retour en haut