Un nouveau jalon vient d’être posé dans l’infrastructure mondiale de l’Internet. Le câble sous-marin Nuvem, porté par Google et opéré par sa filiale Sailfish Infrastructure, entre en phase de consultation publique au Portugal. À terme, il reliera directement Sines, sur la côte alentejane, à la côte est des États-Unis, en passant par les Açores et les Bermudes. Un projet stratégique à haute valeur ajoutée pour l’écosystème numérique européen.
Une architecture transatlantique pensée pour la résilience
Le câble Nuvem représente une avancée majeure dans la structuration du trafic Internet entre l’Europe et l’Amérique. Avec une capacité de transmission annoncée de 200 térabits par seconde, il ambitionne de répondre à la croissance exponentielle de la demande en bande passante internationale. Long de près de 6870 kilomètres, dont près de 3000 en eaux portugaises, il s’appuie sur une topologie pensée pour la fiabilité, la redondance et la faible latence.
En effet, le câble s’ancrera sur la plage d’Areão à Sines, via l’infrastructure terrestre existante de l’EllaLink 1, permettant une interconnexion efficiente. La liaison directe avec les États-Unis ouvre une nouvelle route stratégique, indépendante des hubs classiques d’atterrissage de câbles comme Londres, Paris ou Francfort. Pour l’Europe, c’est une manière de diversifier ses points d’entrée réseau tout en renforçant sa souveraineté numérique.
Un atout stratégique pour le Portugal et son économie numérique

Pour le Portugal, cette initiative s’inscrit dans une dynamique de repositionnement sur la carte mondiale des télécommunications. Le gouvernement régional des Açores a déjà qualifié le projet de « grand intérêt public », et une étude d’impact évoque des retombées économiques estimées à 500 millions d’euros. En ligne de mire : la transformation du pays en une plateforme numérique entre continents.
Entre 2014 et 2022, le nombre d’utilisateurs Internet au Portugal est passé de 6,8 à 8,8 millions. L’accroissement du trafic domestique, combiné à l’attractivité de Sines comme hub technologique (data centers, infrastructures énergétiques, logistique portuaire), crée un terrain fertile pour ce type d’infrastructures critiques. L’arrivée du câble Nuvem devrait stimuler à la fois les investissements dans le cloud, les services de connectivité, l’intelligence artificielle et l’hébergement souverain de données.
Une consultation publique jusqu’au 9 juillet
Le projet est actuellement soumis à la consultation publique via le portail Participa 2 de l’Agence portugaise de l’environnement 3. Cette étape vise à délivrer un titre privé d’utilisation de l’espace maritime national (TUPEM) 4 pour une durée maximale de 25 ans.
Le câble traversera successivement la mer territoriale, la zone économique exclusive portugaise continentale, puis celle des Açores. En parallèle, Google prévoit une connexion aux Bermudes, consolidant un maillage redondant au cœur de l’Atlantique. L’objectif est une mise en service opérationnelle en 2026.
Vers une nouvelle géographie de l’Internet
Le cable maritime Nuvem s’inscrit dans une stratégie globale de Google visant à maîtriser son infrastructure de bout en bout. Après Dunant, Equiano et Grace Hopper, ce nouveau câble vient renforcer une architecture privée mondiale de fibre optique qui rend Google moins dépendant des opérateurs historiques.
Mais au-delà de l’enjeu industriel, c’est une transformation géopolitique des routes de la donnée qui s’opère. Sines, avec ses liaisons vers l’Afrique, l’Amérique du Sud et désormais l’Amérique du Nord, se positionne comme un véritable carrefour numérique de l’Atlantique.
Alors que la souveraineté des infrastructures numériques devient un impératif stratégique pour les nations, ce projet illustre comment le Portugal peut jouer un rôle central dans l’architecture du Net de demain.
- EllaLink : https://ella.link/ ↩︎
- Participa : https://participa.pt/ ↩︎
- APA : https://apambiente.pt/ ↩︎
- TUPEM : https://www.dgrm.pt/en/web/guest/as-om-tupem ↩︎