Huile d’olive de l’Alentejo : immersion dans le lagar Castelo Marvão

huile d'olive alentejo

À l’extrême est du Portugal, là où les montagnes de la Serra de São Mamede rencontrent les premiers reliefs espagnols, une route sinueuse conduit à un petit hameau nommé Galegos. C’est ici, à l’ombre des remparts du château de Marvão, que l’huile d’olive devient le fil conducteur d’un récit plus vaste : celui d’un homme, d’une terre et d’une mémoire vivante. Dans le silence bruissant de cette nature intacte, António veille sur un patrimoine aussi ancien que précieux. En reprenant l’exploitation familiale, il n’a pas simplement repris une activité : il a réanimé une culture, un mode de vie, une philosophie de l’huile qui s’épanouit loin des circuits industriels.

Une passion héritée, enracinée dans la terre

Issu d’une lignée ancrée dans les collines de l’Alentejo, António a fait le choix singulier de quitter les bancs de la faculté d’architecture pour revenir à ses racines. C’est auprès de son grand-père qu’il conclut un pacte, presque initiatique : redonner vie au lagar 1 de ses aïeux et à l’oléiculture traditionnelle. Dans une région longtemps ignorée des grandes voies de communication, son engagement relève autant de la vocation que du militantisme. Loin des oliviers intensifs et des monocultures mécanisées, il défend un modèle agricole ancien, intégré dans la forêt, en équilibre avec les rythmes de la nature.

Ses oliviers, galega, cordovil, ou d’autres variétés locales, ne sont ni isolés ni dominants. Ils partagent l’espace avec des chênes-lièges, des châtaigniers, des caroubiers. Le sol, couvert d’un manteau végétal nourri par les moutons merinos, conserve l’humidité et protège les racines fragiles de la chaleur estivale. « Tout ici est vivant, en interaction », explique António, en désignant cette symbiose agroécologique qu’il entretient méticuleusement.

Les arbres sont parfois taillés selon des techniques ancestrales, sévères mais régénératrices. En renonçant à la productivité immédiate, il favorise la résilience et la santé des oliviers. Car l’huile qu’il produit, douce et équilibrée, naît d’un territoire vivant, non d’un rendement optimisé.

Une huile singulière, reflet d’un terroir

Castelo Marvao

Dans le lagar restauré, une partie musée raconte l’histoire oubliée des 25 moulins à huile qui faisaient autrefois la prospérité locale. L’autre, moderne, est dédiée à la production actuelle. L’huile y est pressée à partir d’olives récoltées tôt dans la saison, encore vertes, donnant des arômes intenses, fruités, parfois amers ou poivrés selon la maturité. Car António joue sur la temporalité des récoltes pour composer des huiles d’olive aux profils distincts : le Marvão DOP, vif et végétal ; le Reserva, plus mûr, plus rond ; ou encore le Marvão Doce, doux, presque sucré en bouche, distribués sous la marque Castelo de Marvão.

Ce sont des huiles de dégustation, façonnées comme des vins, où chaque cuvée raconte une saison, une parcelle, une météo. « Les gens ne réalisent pas que l’olive, comme le raisin, a ses millésimes, ses surprises, ses équilibres fragiles », explique-t-il en versant quelques gouttes dorées sur du pain frais. Le goût devient alors mémoire, vecteur d’identité.

Et parce que ce goût touche, il crée l’attachement. Aujourd’hui, près de 2700 personnes viennent chaque année participer à la cueillette, faire presser leur propre huile ou adopter un olivier. Une micro-révolution discrète, qui renoue les familles avec leurs racines rurales et redonne vie à des traditions menacées d’oubli.

Le parc naturel de São Mamede, écrin d’un équilibre

Marvaoolivetourism, Olivoturismo & Turismo industrial Azeite Castelo de Marvão.

Un territoire préservé au rythme millénaire

Le paysage qui entoure Galegos ne ressemble à aucun autre. Montagnes douces, vallées encaissées, ruisseaux clairs et cascades jalonnent le parc naturel de la Serra de São Mamede, où faune, flore et cultures cohabitent dans un équilibre rare. Les oliviers y poussent entre les pierres, à flanc de coteau, abritant les nids des faucons, les terriers des blaireaux. « Ici, on travaille avec le vivant, pas contre lui », résume António.

La biodiversité ne se résume pas à une richesse biologique : elle imprègne la culture, les usages, les savoir-faire. Les promenades qu’il organise à travers ses oliviers sont autant des visites agricoles que des récits de paysage. On y apprend à lire les signes du sol, à écouter la terre. Car cet environnement ne produit pas seulement une huile d’exception ; il forme aussi des générations sensibles au rythme du vivant.

Un tourisme lent et engagé

Depuis 2015, António a choisi d’ouvrir son domaine 2 aux visiteurs. Pas de tourisme de masse, mais des rencontres. On y vient pour comprendre, sentir, toucher, goûter. Chaque oléotouriste devient complice d’un savoir transmis, d’un geste partagé. L’expérience est sensorielle, pédagogique, intime. Elle repose sur la lenteur, l’attention aux détails : le parfum de la pâte d’olive en cours de pressage, le craquement des feuilles sous les pas, l’ombre fraîche d’un vieux tronc centenaire.

L’huile devient un lien, une preuve qu’un autre rapport à la terre est possible.

Ces séjours plongent les visiteurs dans l’histoire longue du lieu. Ils en repartent souvent porteurs d’un message, d’une émotion, d’un goût nouveau. Car ici, plus qu’un produit, on cultive une relation au monde. L’huile devient un lien, une preuve qu’un autre rapport à la terre est possible.

Le combat d’un homme pour l’avenir du passé

Rares sont ceux qui, comme António, osent affronter les logiques économiques dominantes pour défendre une agriculture patiente, respectueuse, enracinée. Car dans ce coin reculé du Portugal, il mène un double combat : préserver un savoir-faire et convaincre que sa valeur est inestimable. Face à l’oliviculture intensive, il oppose la résilience du sol, la beauté des gestes simples, le goût vrai. Son lagar est devenu un bastion, un lieu de mémoire active où se conjugue le passé et l’avenir.

Il n’y a pas de marketing clinquant, ni de promesse vide. Seulement un homme, un paysage, et l’évidence d’un monde possible, à taille humaine. Et au centre, toujours, cette huile dorée qui parle d’attachement, de saison, de patience.

Un terroir à goûter, un héritage à protéger

Dans chaque goutte de l’huile de Marvão se cache une géographie, une culture, une famille. C’est une huile que l’on ne consomme pas à la va-vite, mais que l’on savoure comme une histoire que l’on écoute. L’Alentejo, avec ses collines arides et ses voix profondes, y trouve une expression intime, presque confidentielle.

Et à ceux qui pensent que le progrès passe par la productivité, António répond par le goût. Celui du fruit mûri sous le vent de la Serra. Celui d’une terre qui parle à ceux qui savent l’écouter. Celui d’un Portugal intérieur, fidèle à ses racines, et pourtant tourné vers demain.

  1. Lagar : pressoir / moulin à huile ↩︎
  2. Melara Picado Nunes Aldeia de Galegos, Marvãohttps://www.mpn.pt/
    Acheter en ligne : https://loja.castelodemarvao.pt/ ↩︎
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